Cette fois-ci dans Partie Rapide, BatVador nous parle Freshly Frosted et de ses usines intarissables de donuts et Zali vous parle du petit platformer hardcore Pale Night.
Freshly Frosted
Des tapis roulants à perte de vue, une mer de donuts et une atmosphère pastel, c’est ce que promettait la bande-annonce de Freshly Frosted et il n’y a pas tromperie sur la marchandise. De sa voix douce, la narratrice explique que pour ordonner ses pensées, elle regarde le ciel et imagine une usine de glaçage de donuts et que remettre de l’ordre dans l’usine lui permet également de remettre de l’ordre dans sa propre tête. Ainsi, les tapis roulants fixes deviennent des pensées dont on n’arrive pas à se débarrasser et les trieuses, une métaphore sur l’importance de ne pas tout mélanger. Développé et édité par Quantum Astrophysicists Guild, un studio habitué aux jeux impliquant de la logique et des personnages mignons, Freshly Frosted propose 144 puzzles répartis en douze boîtes de douze niveaux, pour réfléchir au temps qui passe, à l’évolution et au sens de la vie.
J’vous ai apporté des donuts
Côté gameplay, ce serait difficile de faire plus simple, mais il serait parfois possible de faire plus lisible. Chaque niveau se présente de la même façon : des stations fixes sont disposées dans un espace quadrillé limité et les donuts qui s’affichent en haut à gauche de l’écran doivent être livrés dans la ou les stations correspondantes. En maintenant la souris enfoncée, il s’agit de relier les unes et les autres grâce à des tapis roulants, jusqu’à ce que tout fonctionne parfaitement et que chaque donut arrive à bon port. Des nouvelles stations viennent corser un peu le jeu au fur et à mesure, comme des trieuses, des portes ou des téléporteurs, mais il ne faut pas s’attendre à beaucoup de variété. Seule la forme originelle des donuts change d’une boîte à l’autre. Pour un gameplay aussi simple à prendre en main, l’ajout de nouvelles mécaniques se fait attendre et l’évolution est lente. Il s’agit plutôt de 144 variations sur le même thème, enfin peut-être 132, la dernière boîte change un peu la donne sans rien révolutionner toutefois, plutôt que d’un jeu réellement évolutif.
La difficulté des puzzles est variée, mais rarement insurmontable et l’option de passer un puzzle permet de continuer son chemin sans rester bloqué des heures sur la même chose. Le menu propose également un système d’indices qui place automatiquement une poignée de tapis roulants, un coup de pouce parfois bien pratique. Le principal problème de lisibilité vient du fait qu’au bout d’un moment, tous les tapis roulants se ressemblent et il est parfois difficile de visualiser le cheminement des beignets ou de repérer l’endroit où l’on a malencontreusement changé le sens de circulation. Ce manque de lisibilité rend certains puzzles un peu fastidieux. Voir les donuts défiler et l’usine fonctionner parfaitement à la fin de chaque niveau est tout de même réellement satisfaisant.
Gare à l’indigestion
Le ton du jeu se veut résolument feelgood. Pas question de vous brusquer ni de vous faire vous sentir idiot, comme le fait involontairement Baba is You ou un peu volontairement Automachef et son robot impertinent. Le défilement des donuts est ici l’occasion de faire une pause, de prêter attention au mouvement de ses pensées et à apprendre à demander de l’aide lorsqu’on en a besoin, comme le répète, parfois un peu trop souvent, la narratrice à chaque fois qu’elle nous sent coincé. Mais ce beignet de feelgood est à consommer avec modération, comme les pâtisseries qui défilent sans fin sur les tapis roulants en somme. Au bout d’un certain nombre de puzzles à la suite, le ton enjoué de la narratrice, ses jeux de mots mignons, mais pas très imaginatifs, traduits avec application, et ses rappels répétés qu’il est tout à fait normal de demander de l’aide finissent par écœurer et par sonner un peu forcés.
C’est d’ailleurs parfois le problème des jeux qui veulent être feelgood et faire réfléchir sans brusquer : ils finissent par sonner faux et révéler davantage les lacunes dans le raisonnement qu’à offrir une conclusion satisfaisante. C’était le cas du mignon Land of Screens qui refusait de prendre en compte les aspects moins reluisants du monde qui nous entoure et finissait par sonner creux. C’est aussi le cas de Freshly Frosted qui se révèle assez rigide et laisse très peu de place à la créativité. La plupart, sinon tous, des puzzles n’ont qu’une seule solution. Bien sûr, on peut voir les stations préinstallées comme des obstacles à surmonter et ça fonctionne relativement bien, mais des jeux comme Automachef qui laissent une plus large place à la créativité sont peut-être plus pertinents comme métaphore des différentes façons de résoudre des problèmes et d’évoluer.
Freshly Frosted a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Switch, Xbox One et PS4.
Freshly Frosted est un jeu très joli et agréable, mais à consommer avec modération. Très facile à prendre en main, il est encourageant et ne brusque jamais le joueur, mais se révèle à la longue un peu répétitif et sonne un peu forcé. L’idée de faire des usines de donuts des métaphores de la pensée est certes un peu rigide et pas tout à fait aboutie, mais fonctionne assez bien sur de courtes sessions de jeu. Un bon puzzle game pour faire une petite pause dans sa journée et remettre de l’ordre dans sa tête.
Pale Night
Yep, c’est encore un bon gros jeu de cube. Nouvelle passion étrange des développeurs indés, nous faire incarner d’émouvants polyèdres est désormais un gimmick récurrent utilisé à toutes les sauces. Que voulez-vous, le game design a ses modes. Pale Night en convoque par ailleurs trois : incarner un cube, esquiver des sources de lumière et beaucoup mourir. Cependant, même si à première vue Pale Night n’est guère plus que « Celeste mais on incarne un carré », le petit jeu de PrettyFrenchMan (à la réalisation) et Zenibuka (à la musique) tire son épingle du jeu.
Une montagne de problèmes
Un peu à la manière de Celeste, donc, on incarne un personnage en proie à des tourments intérieurs : il a peur de la lumière. Problème : Pal doit passer par une épreuve initiatique, l’ascension du Mont Éclair, qui a la réputation de vous faire faire face à vos plus grandes terreurs. Vous l’aurez compris, notre brave petit cube va devoir sauter, dasher, rouler et esquiver entre des rayons lumineux qui ne manqueront pas de parcourir chaque tableau.
Assez court (comptez environ 3 heures pour voir le générique de fin), Pale Night se divise en plusieurs biomes. Le premier, tout simple, vous fournit surtout la base du gameplay, qui consiste à se planquer de l’apparition de rayons de lumière en se cachant sous des surfaces opaques au bon moment. La suite du jeu est une série de variations sur ce concept qui verra les environnements évoluer, avec par exemple la présence de gouttes de lave créant un flash lumineux uniquement quand elles frappent une surface. Pour faire face à ces nouveaux dangers, Pale Night vous confiera davantage de capacités : possibilité de dasher pour vous rendre invincible quelques instants, pouvoir creuser dans la terre meuble pour contourner un obstacle ou encore créer un nuage qui vous servira de parapluie d’ombre improvisé.
Des creux et des boss
Chaque grande étape de l’aventure se conclut par l’apparition d’un boss, métaphore de la phobie de Pal pour la lumière : on affrontera ainsi par exemple une lampe de chevet géante au milieu du jeu. Clairement taillé pour les chasseurs de trophées et les speedrunners, Pale Night propose aussi pas mal de petits secrets à débloquer ici ou là dans les décors, sous forme de PNJ cachés ou de collectibles à récupérer dans des puzzles optionnels plus difficiles que ceux de l’aventure principale.
Au compte de ce que le jeu réussit parfaitement, il y a d’ailleurs cette aventure. Courte mais variée, bénéficiant d’un bon rythme et d’un level design assez inventif, elle se laisse parcourir avec plaisir. Rien de révolutionnaire, mais de la maîtrise et beaucoup de petites idées que ne viennent qu’à peine gâcher de très petits problèmes de collision et quelques bugs sans gravité. En revanche, il faut signaler que Pale Night s’en sort beaucoup moins bien sur ces fameux combats de boss, un poil longuets et répétitifs et forçant davantage à l’apprentissage par cœur de séquences scriptées qu’au développement de skill proprement dit. On regrettera aussi que la dernière partie du jeu, introduisant une mécanique où Pal doit creuser dans du sable pour se frayer un chemin, ait une physique beaucoup plus approximative que lors des deux premières heures. Il en résulte une impression d’un jeu un tout petit peu moins inspiré dans ses dernières minutes.
Pale Night a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Pale Night est le petit jeu parfait pour passer une longue soirée d’été à se heurter à des sauts impossibles, à franchir des précipices périlleux et à jongler entre des rayons de lumière létaux. Pas très original mais compact et complet, il s’agit d’un jeu dont on oublie très vite les petits défauts et qui reste en mémoire comme une proposition très attachante. Dans la masse infinie des clones de Celeste et autres Super Meat Boy qui saturent Steam et se multiplient de semaine en semaine, celui-ci tient incontestablement le haut du pavé.
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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