Développé en quasi-solo depuis quelques années par Patrick Traynor (avec d’excellentes musiques signées Priscilla Snow), Patrick’s Parabox est un puzzle game au concept à la fois simple et fou : mettre des boîtes dans d’autres boîtes, en déclinant cette simple possibilité sur plus de 300 puzzles de plus en plus étranges.
Vous le savez, à The Pixel Post, on adore les puzzle games aux concepts zinzins. Des plantes en pots de Room to Grow aux ampoules de Creaks en passant par les récents blocs 3D de The Last Cube, nous sommes toujours preneurs et preneuses de chouettes petites expériences à même de nous faire fondre les trois neurones que nous avons encore en stock. Mais rarement nous nous sommes retrouvés en face d’une expérience aussi… bizarre que Patrick’s Parabox. À tel point que tout au long des 350 tableaux composant l’expérience, je me suis vraiment demandé ce qui pouvait bien se passer dans la tête de son créateur pour avoir conçu des choses aussi farfelues, et avoir réussi à décliner aussi loin ce concept semblant au départ assez limité. Évidemment, il s’agit avant tout d’une marque de jalousie de ma part : je n’aurais jamais été capable d’autant de génie dans la conception de toutes ces énigmes, et je me suis même souvent retrouvé incapable de comprendre les plus ardues d’entre elles. Sans rancune, parce que tout au long du voyage, Patrick’s Parabox m’a admirablement pris par la main.
Ce soir on sort en boîte
Chaque tableau de Patrick’s Parabox pourrait sommairement se résumer ainsi : vous devez pousser des blocs sur un emplacement prévu à cet effet, puis retourner vous placer sur une case précise pour valider le niveau. Les premiers tableaux vous présentent des espaces simplissimes : au pire, vous devrez contourner un bloc inamovible pour parvenir à vos fins. Puis, très rapidement, vous entrez dans le cerveau tourmenté de Patrick Traynor, puisqu’une nouvelle mécanique est introduite : on peut entrer dans certaines boîtes. Et l’intérieur de ces boîtes comprend une version fractale du niveau. Et sortir d’une de ces boîtes peut vous faire surgir ailleurs dans le même niveau. Vous suivez ? Ce n’est que le début.
Vous découvrez bientôt que vous pouvez pousser des boîtes dans des versions réduites d’elles-mêmes, afin de manipuler leur emplacement à un niveau inférieur. Puis que vous pouvez utiliser la fonction de réduction de certaines boîtes pour fourrer une boîte trop grosse dans un espace réduit et la propulser dans un endroit a priori inaccessible du tableau. Puis que vous pouvez (devez, même) utiliser la physique paradoxale du jeu pour vous catapulter à l’extérieur d’un niveau pour ensuite y revenir depuis le vide cosmique. Vous réalisez aussi que certaines de vos erreurs peuvent conduire à de véritables paradoxes brisant le continuum espace-temps : pousser une boîte à l’extérieur d’elle-même tandis qu’une version plus grosse de la même boîte est projetée dans une version supérieure de cet espace dans lequel il n’y a rien vous vaudra par exemple une gentille remontrance du jeu pour avoir propulsé du néant dans du néant.
Plus on avance, et plus on se retrouve contraint de penser de manière alambiquée et farfelue. Comment, par exemple, parvenir à insérer une dizaine de blocs dans des labyrinthes à plusieurs étages alors que tout ce qu’on a à disposition est un espace ultra réduit dans lequel le moindre mouvement semble bloquer le niveau ? Il faut le plus souvent apprendre à penser à l’envers, à aller contre la logique et à exploiter les failles des systèmes mis en place par chaque ensemble de niveaux de Patrick’s Parabox pour déconstruire avec patience l’idée présentée par chaque énigme. Et, sans trop spoiler, ces idées deviennent absolument incroyables passé le premier tiers du jeu, déjà relativement corsé. Par chance, Patrick’s Parabox déploie énormément d’efforts pour ne jamais trop vous bloquer, grâce à un rythme de progression conçu avec une grande élégance.
Penser en dehors de la boîte
Patrick’s Parabox propose en réalité non pas une, mais deux séries de problèmes à résoudre en parallèle. Tout d’abord, il y a les habituels challenges obligatoires, qui deviennent rapidement un peu plus difficiles que dans les niveaux tutoriels, mais sans jamais être véritablement ni délirants, ni horriblement complexes. Surtout là pour présenter les mécaniques principales du jeu et vous faire jouer avec les différentes possibilités, il est assez rare qu’ils vous bloquent plus de quelques minutes pour peu que vous compreniez la logique de chaque fonctionnalité introduite : clonage de boîtes, labyrinthes fractals, récursivité des déplacements, gestion des entrées et des sorties de chaque boîte, etc. Résoudre ces « simples » puzzles vous permet d’accéder assez vite à la série suivante. En effet, pas besoin de valider 100% des énigmes d’un niveau pour accéder au suivant.
Mais bien vite, vous aurez sans doute envie de vous frotter aux très, très nombreux puzzles optionnels constituant l’essentiel du challenge proposé par le jeu. Soyons honnêtes, la logique complètement fracassée de nombre d’entre eux m’a complètement séché et fait prendre conscience des limites de ma propre capacité de projection logique. Sans en dire trop, disons que certains jouent de manière tellement farfelue avec les règles internes de Patrick’s Parabox que leur résolution vous donnera l’impression d’avoir résolu des équations insondables. Une impression encore renforcée par des variants encore plus cryptiques (et encore plus optionnels) de ces niveaux vous proposant de troquer le déplacement de boîtes contre le déplacement de symboles perdus dans des équations abstraites… Peut-être ma limite en termes de martyr infligé à mes neurones. Mais il s’agit surtout de variants destinés à prolonger l’expérience : pour peu que vous arriviez à penser avec des boîtes et à renoncer à platiner le jeu, vous pourrez aller très loin dans Patrick’s Parabox sans pour autant pleurer des larmes de liquide cérébral.
Un casse-tête de fer dans un gant de velours
Par ailleurs, si Patrick’s Parabox réussit à ménager aussi bien son rythme, c’est grâce à l’immense soin apporté à la forme du jeu en lui-même, que ce soit en termes de fonctionnalités de gameplay, de réalisation et d’accessibilité. Tout d’abord, remarquons que si Patrick’s Parabox ne vous proposera jamais de 8K 120fps en ray tracing dans votre casque VR de la NASA, le jeu n’en reste pas moins beau, fluide et toujours extrêmement lisible, même dans les tableaux les plus complexes impliquant plusieurs étages et une multiplication d’images fractales. De plus, la musique d’ambiance qui accompagne votre réflexion est particulièrement discrète mais efficace, imprimant de subtiles modifications vous signalant par exemple que vous faites fausse route.
Patrick’s Parabox multiplie ainsi les petites fonctionnalités de confort vous permettant de tester de multiples combinaisons sans être interrompu ou frustré : bouton de fast-rewind pour annuler un déplacement, possibilité de rebooter le niveau en un instant, possibilité de zoomer sur un élément précis du décor… Et même implantation d’un « god mode » permettant à celleux le souhaitant de sauter complètement une énigme qui vous bloquerait, avec possibilité d’y revenir plus tard.
Ces options de confort de jeu se déclinent en tout un tas d’options d’accessibilité qui ont été détaillées par Patrick Traynor et qui font de Patrick’s Parabox l’un des jeux du genre les plus confortables et dont le gameplay parasite le moins votre attention et vos capacités de réflexion. Plus vous avancez dans le jeu et plus ce confort est appréciable, tant les ultimes tableaux nécessitent une concentration et une capacité de projection dans l’espace à toute épreuve.
Patrick’s Parabox a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Patrick’s Parabox est un puzzle game au challenge particulièrement relevé qui vous fera réfléchir de manière créative et différente, et qui déploie une quantité d’idées à la minute absolument dingue. Minimaliste pour son propre bien et excellemment pensé en termes d’accessibilité, Patrick’s Parabox est un jeu qui s’adaptera à votre rythme et vous laissera réfléchir comme vous l’entendez. On aimerait que tous les casse-têtes vidéoludiques aient cette excellence de fond et de forme.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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