Cette fois-ci dans Partie Rapide, BatVador va faire une cure de désintox des réseaux sociaux dans Land of Screens et découvrir la Russie dans Know by heart.
Land of Screens
Le point de départ de Land of Screens est très simple et peut donner envie de répondre « OK boomer » en roulant des yeux par-dessus son écran de téléphone. En effet, après sa rupture avec son petit ami de longue date, Holland n’en peut plus des réseaux sociaux et se retrouve à la fois volontairement et involontairement à faire une cure de désintox et à « découvrir des relations réelles dans un monde d’écrans ». J’étais à la fois intriguée et plutôt sceptique face à cette promesse et pour résumer, le titre de Serenity Forge est à la fois plus profond et plus superficiel qu’il n’y paraît.
Land of millenials
En un peu moins de deux heures, Holland va successivement retrouver de vieux amis, aller à une conférence, participer à une réunion de famille et faire une randonnée. À chaque fois, elle doit convaincre les gens autour d’elle de lâcher leur téléphone pour faire des activités et se parler. Le gameplay lui-même est extrêmement limité, il suffit généralement de parler aux personnes présentes et de faire une petite quête qui consiste la plupart du temps à chercher un objet ou à parler à une autre personne. On va donc principalement se laisser porter par les dialogues et les réflexions de Holland et des autres protagonistes. Malgré un postulat très simpliste, le jeu ne s’emploie pas à diaboliser en bloc la technologie ni même les réseaux sociaux. Les personnages sont plutôt nuancés sur ces sujets et si les dialogues sont parfois un peu à l’emporte-pièce, certains sont drôles et touchants. Mention spéciale pour grand-maman et ses énormes lunettes, mon personnage préféré.
Selon le moment de votre vie et votre utilisation des réseaux sociaux, le propos peut vous amener à réfléchir ou à être touché par l’histoire, ou pourrait au contraire vous laisser totalement de marbre. Avec son ton résolument feelgood et coloré, Land of Screens donne envie d’éteindre son ordinateur et son portable et d’aller parler à la première personne qu’on croisera dans la rue. Mais il n’est pas pour autant un guide pour profiter de la vie « véritable » et se lit comme une parabole très limitée.
Land of unicorns
Car dans le monde dépeint, tout est beau et tout le monde est gentil, un peu borné ou ronchon certes, mais gentil au fond. Les conversations n’abordent jamais de sujets sensibles, il n’y a pas de gros lourds qui confondent conversation polie et invitation à pécho, pas de racistes et au fond, si on acceptait de se parler, on résoudrait tous les conflits et on vivrait en harmonie. Ce qui entoure Holland n’est que parties de volley, retrouvailles en famille et environnement de travail stimulant.
Et c’est là la vraie limite du propos, car tout le monde n’a pas la chance de notre protagoniste : être aussi bien entourée et dépasser ses différences, c’est une belle idée, mais on ne peut pas discuter avec des gens qui sont convaincus que votre existence est une erreur et ces gens-là existent dans le monde réel. Quand on y réfléchit, Land of Screens est plein de bonnes intentions mais simplifie un peu trop le sujet et se révèle très limité, parfois un peu maladroit. Il faut le prendre pour ce qu’il est, une jolie parabole feelgood qui ne tient pas la route face à la complexité du monde actuel mais qui fait du bien et permet de se rappeler quelques vérités évidentes, qu’on a tendance à oublier. Le jeu est en outre très court et les graphismes sont mignons, ce qui aide à oublier les maladresses. Il n’est pour le moment disponible qu’en anglais mais ne demande pas un niveau trop élevé de maîtrise de la langue.
Land of Screens a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Switch.
Land of Screens est une courte parabole acidulée et mignonne dont le fond s’avère aussi feelgood que limité. Malgré des personnages et des dialogues parfois un peu caricaturaux, c’est une jolie promenade dans le monde moderne qui observe les rapports humains sous un angle optimiste.
Know by heart
Know by heart est une balade lente dans une petite ville russe sur les traces de l’enfance et des souvenirs de Misha et de sa bande d’amis, laquelle se retrouve bouleversée par un élément inattendu qui va les amener à réévaluer leurs choix de vie et leurs relations. Je vais volontairement rester vague sur le twist de l’histoire, à mon sens plus intéressant à découvrir par soi-même, et le divulgâcher n’apporterait de toute façon pas grand-chose.
L’important ce n’est pas les puzzles, mais les souvenirs qu’on se fait
Misha est enfermé dans sa routine ennuyeuse d’adulte. Il travaille à la gare sous la supervision de l’oncle Kolya, qui est aussi acariâtre que mesquin, et s’ennuie un peu. À l’occasion de l’anniversaire de la tante Galya, différents amis d’enfance de Misha reviennent dans cette petite ville typiquement russe, à l’exception qu’il s’agit d’une ville fermée et qu’un permis est nécessaire pour en entrer et sortir. C’est l’occasion de la parcourir à la recherche de souvenirs d’enfance et de photos qu’il faudra reconstituer pour se remémorer des instants passés et constituer un album photo pour la tante Galya. L’intérêt de Know by heart ne réside pas vraiment dans son gameplay, celui d’un point and click minimaliste où les puzzles inratables sont simplement des prétextes à raconter des souvenirs morceau par morceau et à maintenir l’intention du joueur.
Le mini jeu de la gare est même un peu fastidieux si l’on ne dispose pas d’un clavier QWERTY, car il est impossible de changer la disposition des touches. Le jeu n’est disponible qu’en russe et en anglais mais il est entièrement doublé et l’est très bien dans les deux langues. Outre le fait de ne pas pouvoir accélérer les dialogues, la bande-son au piano d’inspiration néo-classique tend moins à rendre l’expérience reposante qu’à renforcer son aspect vraiment très lent. L’histoire dispose de plusieurs fins et n’est donc pas tout à fait aussi linéaire qu’il n’y parait.
Une plongée intimiste dans le quotidien russe
L’intérêt réside peut-être ailleurs, dans sa capacité à mêler expériences universelles et références culturelles spécifiques. Car Know by heart est un jeu russe dont les références et influences sont indéniablement russes. Aux souvenirs des jeux dans le parc se mêlent les évocations des subbotniks (les samedis communistes où les volontaires travaillaient bénévolement pour la communauté), les surnoms et prénoms que l’on jugerait typiquement russes voisinent avec des prénoms moins familiers qui soulignent la diversité ethnique du Tatarstan, où se situe l’intrigue. Les différences culturelles sont nombreuses et passionnantes à découvrir.
L’esthétique à la fois colorée et pastel qui flirte avec le low poly propose des personnages sans visages, un peu perturbants, mais dont le doublage de qualité permet de saisir les nuances. Ici pas de méchants ou de gentils, juste des gens qui vivent leur vie. Ce voyage dans le quotidien russe est probablement le point le plus réussi, car il peut évoquer à la fois la nostalgie et la familiarité et donner une certaine impression de voyage et de dépaysement. Know by heart n’est cependant pas un plaidoyer pour un retour à l’ancien temps ou pour la nostalgie stérile, mais plutôt une invitation à chérir les moments passés et présents et à aller de l’avant.
Know by heart a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur consoles Xbox et PlayStation.
Know by heart est un jeu imparfait, parfois frustrant, avec des longueurs, mais les personnages attachants et les doublages de qualité viennent équilibrer l’expérience. C’est une plongée intéressante dans un autre environnement culturel et une réflexion sur le temps qui passe et les relations qui changent.
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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