Faux metroidvania mais vrai puzzle platformer à l’univers mystique et onirique, Unbound : Worlds Apart fait partie de cette interminable série de jeux du genre pointant le bout de leur nez cet été, pour le meilleur et pour le pire.
Je vous en parlais il y a quelques mois, Unbound : Worlds Apart est un jeu dont le développement impressionnant a largement été documenté par le studio roumain Alien Pixel Studio lors de ses cinq ou six ans de développement. On savait que le jeu serait plutôt très joli, et qu’il y était question d’un petit sorcier capable de passer entre les mondes. Mais restait encore à déterminer ce qu’il valait au-delà de sa belle gueule. La réponse est hélas moins positive que je l’aurais souhaité, pour la simple et bonne raison qu’Unbound : Worlds Apart est un titre qui a absolument tenu à mettre TOUTES les mécaniques phares des puzzles platformers et des metroidvanias dans un unique petit jeu de sept à dix heures. Et si chaque idée est individuellement appréciable, l’ensemble tourne vite à l’indigeste, faute de maitrise et de finition.
Depuis que le Monde est Mondes
Le scénario prétexte à nous envoyer en promenade dans Unbound : Worlds Apart est totalement anecdotique et convenu, mais il a le mérite de l’efficacité : vous incarnez un petit bonhomme fragile (pas du tout un Mage Noir avec une fausse capuche en tout cas) qui a vu son paisible village réduit en cendres par un méchant démon. À la base de tout le tintouin : des expériences un poil trop poussées de « passage entre les Mondes » qui ont fini par attirer des créatures pas très bien intentionnées. Les survivants du peuple de notre jeune héros sont désormais éparpillés dans des cachettes aux quatre coins de la map et cherchent à rejoindre des zones sûres protégées par des barrières magiques.
Parce que visiblement personne d’autre n’est très motivé pour le faire, il va donc falloir parcourir les différents mondes en quête de survivants à secourir et d’une solution pour vaincre les démons. Bref, du metroidvania classique se profile à l’horizon. L’originalité dans cet étalage de conventions, me direz-vous ? Le fait que notre petit bonhomme soit à la fois totalement désarmé et muni d’une sorte de capacité à générer un portail autour de lui. Portail qui peut donner dans un rayon de quelques mètres la possibilité d’interagir avec le monde dans un autre état que celui qui est devant nous.
Alors que dans la plupart des jeux utilisant ce genre d’artifice, ce pouvoir aurait un effet unique (on pense à Guacamelee, dont la mécanique centrale était cette articulation entre deux versions d’un même monde), ici il est avant tout contextuel. Dans certaines zones, votre portail va ralentir le temps. Dans d’autres il va vous rapetisser. Dans d’autres encore, il s’agira d’un pouvoir de transformation pour changer les ennemis en pierre ou faire apparaître des plates-formes. Ou parfois d’inverser la gravité. Ou encore de vous permettre de vous changer en pierre. Et ainsi de suite. Oui, vous vous dites peut-être la même chose que moi : ça fait quand même un peu beaucoup. Et on touche à mon avis à la limite centrale d’Unbound : Worlds Apart.
Trop de cuisiniers gâtent la sauce
Difficile de lui contester : Unbound : Worlds Apart est un jeu qui essaye très fort. On sent que ses développeurs sont des passionnés ET de jeux de puzzle à la Seasons After Fall et de metroidvania à la Axiom Verge. Nous avons là un titre extrêmement beau, varié, au contenu assez imposant (comptez 7h pour le finir en rushant à travers les trois hubs centraux, plus de 12 ou 13 pour atteindre la « bonne fin »), et à l’ambiance particulièrement travaillée. Unbound : Worlds Apart est une réussite artistique, et propose souvent de belles idées de gameplay et de level design.
Le problème, comme je le disais, tient surtout dans cet empilement continu de différentes mécaniques empruntées à différents jeux, toutes articulées autour de cette idée d’ouverture et de fermeture de portails autour du protagoniste. Ces mécaniques manquent de polish. Premier problème qui frappe rapidement : l’ouverture d’un portail et la réouverture d’un second en un temps très court, à la base de nombre de puzzles, implique de presser rapidement deux fois la même gâchette, ce qui ne fonctionne hélas pas parfaitement à chaque fois, à cause d’un petit temps de latence et d’une petite imprécision dans les commandes.
De même, on note une imprécision minime-mais-frustrante dès que le challenge se corse, dans le dernier tiers du jeu : personnage qui considère que l’on a déjà sauté quand on s’élance d’une plateforme, invalidant certains double-sauts ; hitboxes ne correspondant pas exactement aux sprites des personnages qui nous font nous cogner contre des décors invisibles ou encore plateformes qui n’apparaissent pas exactement où elles le devraient mais sur leur frame précédente quand on ouvre le portail… ce qui conduit à se vautrer lamentablement dans le vide alors qu’on était supposé être pile au-dessus d’un endroit sûr.
À mon avis, le problème central vient donc du nombre trop important de mécaniques que les développeurs ont souhaité mettre dans leur jeu sans forcément choisir trois ou quatre mécaniques « phares ». On a donc une sorte de pot-pourri rempli à ras bord de tout ce que les jeux du genre ont proposé depuis dix ans. Mettre dix ou quinze mécaniques de déplacement et de puzzle différentes dans un même jeu, pourquoi pas ? Mais quand aucune ne fonctionne de manière aussi satisfaisante qu’attendu, il en résulte une impression de frustration amplifiée par le fait que l’éparpillement de celles-ci fait qu’on ne va les utiliser que très peu de fois chacune, rendant ardue leur maîtrise. Hélas, ce problème est aggravé par un défaut plus structurel lié à un choix central du jeu en termes de difficulté.
Un vrai problème d’équilibrage
Unbound : Worlds Apart est un jeu plutôt facile à traverser de bout en bout, à l’exception de quelques moments un peu plus tendus sur la fin et de quelques séquences moins inspirées où l’on combat des boss. Drôle d’idée dans un jeu où l’on a aucune arme que de mettre des confrontations régulières lors desquelles on doit tuer des trucs en activant des pièges, puis carrément en se transformant soi-même en arme. Très bien. Sauf que ce réglage plutôt faible de la difficulté entre assez vite en contradiction avec le scénario du jeu.
Si vous êtes un minimum attentif à ce que vous raconte Unbound : Worlds Apart, vous comprendrez très rapidement que l’intrigue vous incite très très fortement à accomplir toutes les quêtes annexes du jeu, à commencer par la recherche des fameux villageois égarés, mais aussi à la « purification » de donjons optionnels qui agissent plus ou moins comme des « Face B » dans Celeste : des niveaux à la difficulté beaucoup, beaucoup plus intense mais qui vous permettent de véritablement compléter le jeu.
Et ma déception a été assez intense en parcourant ces derniers : si le level design y est brillant, la difficulté y est simplement ingérable, du fait des commandes imparfaites et des problématiques de précision dans les hitboxes du personnage, des ennemis et des décors. On doit davantage composer avec des petits problèmes d’ergonomie et de mécanique qu’avec les niveaux bien troussés de ces mondes optionnels… ce qui conduira hélas nombre de joueurs à ne pas les terminer, et donc à ne pas réellement achever le jeu. On en ressort avec l’impression d’un titre à la courbe de difficulté mal pensée, impression renforcée par le fait que certaines énigmes du jeu nous sont parfois proposées à des moments où il est impossible de les résoudre… et où elles ne sont même plus des énigmes quand vous repassez cinq heures plus tard, quand vous avez débloqué le dash et le double saut, et que vous pouvez simplement les résoudre en bourrinant les gâchettes pour les contourner. Encore une fois : un manque de finition qui vient entacher l’expérience d’un jeu plein de promesses et d’idées.
Unbound : Worlds Apart a été testé sur PC via une clé reçue par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4, Nintendo Switch et Xbox One.
Plein de petites qualités et plein de gros défauts, c’est un peu ce qui caractérise l’expérience très déséquilibrée qu’est Unbound : Worlds Apart. Il aurait sans doute fallu choisir, au cours du développement, dans quelle direction aurait dû aller ce jeu qui tente tour à tour d’être Guacamelee et Celeste, Teslagrad et Ori. On en ressort frustré et confus, alors que le bel écrin dans lequel est présenté le jeu devrait être une belle invitation au voyage. Pas un ratage complet, mais une expérience hélas très oubliable.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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