Deuxième jeu du studio suédois/danois Other Tales Interactive, Miniatures s’inscrit parfaitement dans le projet du studio de « fabriquer des nouveaux mondes étranges à explorer ».
Dans la ville où j’ai grandi, il y a un festival du court métrage. Mon père nous emmenait parfois à la séance pour enfants. J’ai des souvenirs vivaces du traumatisme causé par l’horrible pingouin dans Wallace et Gromit et un souvenir marquant (mais pas désagréable) d’un film animé avec un escalier hypnotisant qui descend vers les enfers. En dehors de ça, j’ai souvenir qu’il y avait souvent des courts métrages d’Europe de l’Est, dans mon souvenir polonais, mais la Pologne ne peut pas à elle seule être responsable de toute la production de courts métrages bizarres du monde. J’ai le souvenir de choses un peu étranges, souvent poétiques, parfois cryptiques. Des fois, je pense qu’ils n’étaient pas tous vraiment destinés à des enfants, mais peu importe. J’ai une relation compliquée avec ce festival : d’un côté, j'adore qu’il existe, je trouve qu’il y a plein de choses fantastiques, j’y vais de temps en temps et j’y ai découvert des courts métrages qui m’ont durablement marquée et subjuguée. De l’autre côté, souvent les productions me déstabilisent, je ne suis pas sûre de les aimer et parfois même de comprendre l’intérêt de faire ça. Si je parle de ça, ce n’est pas pour vous faire ma thérapie à moindres frais, je vais bien, je vous remercie, c’est parce que Miniatures m’a laissée avec ce même mélange de sentiments complexes que je n’arrive pas complètement à démêler. Pour être honnête, ça fait quelques jours que je repousse l’écriture de cette critique, ce que je ne fais jamais à moins de manquer de temps. Pas par procrastination, mais parce que je ne sais pas par quel bout le prendre ni par où commencer. Le plus amusant dans tout ça, c’est qu'en termes de temps de jeu, Miniatures ne dépasse pas une heure. C’est peut-être d’ailleurs ça, sa plus grande réussite (et pas la seule), d’avoir provoqué chez moi autant de réflexions en si peu de temps. Après, évidemment, vous commencez à le savoir, j'adore avoir des réflexions profondes et en ce moment, j'ai la cheville dans le plâtre, c'est vous dire si j’ai le temps.
Tout petits trésors et grands souvenirs
Mais laissez-moi vous emmener dans une petite boîte à bijoux qui renferme des trésors, que j’aurais chéris de toute mon âme quand j'étais enfant, un petit lézard, un coquillage, un médaillon brodé d’un papillon et un tournevis. Chacun de ces quatre trésors nous emmène dans un univers différent, celui de souvenirs d’enfants mêlés à l’imagination qui permet parfois à cet âge-là de jouer des heures durant avec une algue et un seau. Le principe est très simple, on va juste parcourir ce souvenir. Et je ne voudrais pas avoir l’air de copier ma critique de Phoenix Springs, mais permettez-moi quand même : comment c’est beau et surtout extrêmement poétique, dans le meilleur sens du terme. Contrairement à Phoenix Springs cependant, je pense avoir compris ce qui se passait dans Miniatures, c’est poétique, mais pas cryptique. Le sens profond qu’on lui donne dépend ensuite, je pense, de nos expériences et de nos ressentis.
Depuis, j’oscille entre vouloir reprocher à Miniatures d’être trop court, car j’aurais adoré passer plus de temps dans deux des souvenirs tant leur univers et leur représentation m’ont happée, et vouloir lui reprocher en fait de ne pas être une compilation de courts métrages. Je vous avais bien dit que ce n’était pas juste pour faire ma thérapie cette intro. Quand je parlais de Some Goodbyes We Made, j’évoquais la charge que portait le terme « jeu » dans l’appellation jeu vidéo et les attentes inconscientes qu’il induit qui se mettent parfois en travers de l’appréciation d’un titre, qui pourtant exploite parfaitement les possibilités du média. Ici, je serai moins catégorique. Je ne suis pas sûre que si Miniatures avait été « simplement » une compilation de courts métrages (qu’on s’entende bien, il n’y a rien de simple à faire un court métrage) le ressenti aurait été différent tant on est proche d’un univers cinématographique et tant le gameplay est réduit à presque rien. Je ne suis pas catégorique, je n’en suis pas sûre et dans tous les cas, je ne lui dispute pas sa classification dans le jeu vidéo. Comme souvent pour ce genre d’œuvres, Miniatures existe dans un espace un peu flou entre plusieurs genres et propose quelque chose de pas tout à fait définissable qui dépendra de la personne qui le prend en main.
Comme pour Some Goodbyes We Made, j’ai envie de vous le recommander, parce que j’ai envie que vous découvriez la poésie du paludarium et l’univers incroyable des petits bonshommes qui vivent dans les châteaux de sable avec les bernard-l'hermite. Parce que j’ai envie que vous retrouviez un peu de cette imagination de votre enfance ou que vous revisitiez peut-être en douceur des souvenirs plus sombres évoqués par le tournevis ou par le caméo brodé. Parce que oui, c'est poétique, mais aussi des fois plus dur et plus sombre selon ce qu’on y voit, sans pour autant avoir l’air d’autres choses que de souvenirs d’enfants. L’enfance, ce n’est pas forcément que des souvenirs doux et colorés pour tout le monde, évidemment. Parce que je suis contente d’avoir joué à Miniatures et qu’il va rester longtemps dans mes souvenirs comme une sensation, et des bribes comme cette histoire d’escalier hypnotisant que j’évoquais au début de l’article dont ni ma sœur ni mon père ne se rappellent et qui pourtant a bien existé. Pour vous recommander Miniatures toutefois, il me faut vous rappeler que c’est très court et qu’il n’y a pas beaucoup de gameplay, que c’est un jeu vidéo, mais pas vraiment un jeu.
Miniatures a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Miniatures et ses quatre univers à la fois poétiques, lumineux et sombres qui ressemblent à des souvenirs d’un enfant imaginatif est un petit objet qui existe à l’intersection de plusieurs médias, de plusieurs genres et formats. S’il est difficile de le classer et pas forcément évident à recommander en raison de son gameplay quasi absent et de sa très courte durée, il fait également partie de ces œuvres qui arrivent en très peu de temps à évoquer une multitude de choses. Il marque durablement, sans marteler son propos et en se laissant le luxe de déployer toute sa poésie sans se forcer à rallonger artificiellement la sauce pour obtenir une durée de jeu peut-être plus vendable. Et en vrai, c’est admirable.
Les + | Les - |
- Vraiment très joli | - Très court |
- Quatre univers différents avec des DA différentes | - Quasiment pas de gampelay |
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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