Développé en solo (à l’exception de la musique) par le développeur indé Jonas Manke, Omno est un jeu d’aventure et d’exploration sous la forme d’un conte initiatique mettant en scène un « bâtonnier », petit pèlerin en quête de savoir dans un monde mystérieux.
Je me méfie toujours beaucoup des « jeux développés en solo ». Non pas qu’ils soient mauvais, mais je sais que derrière un Stardew Valley qui réussit (au prix de la santé mentale et physique de l’auteurice), il y a des dizaines d’histoires de burn-out, de jeux jamais finis, de tragédies financières… Développer un jeu c’est dur, c’est long, et 99% du temps, ça ne paye pas. Donc quand une succès story comme Omno arrive, très remarquée en amont et disponible sur le Game Pass de Microsoft dès sa sortie, je me demande toujours si le jeu sera à la hauteur des attentes. Et à ma grande surprise, Omno les dépasse largement, malgré quelques maladresses dans son dernier tiers.
La destination, le voyage, tout ça
Je n’irai pas jusqu’à dire qu’Omno possède à proprement parler un scénario, tant ce dernier tient sur un post-it, il me semble davantage avoir une « ambiance ». On y incarne un petit personnage armé d’un bâton qui doit accomplir un pèlerinage dans des terres oubliées de plus en plus étranges, évidemment couvertes de ruines mystiques. Son objectif : découvrir le bestiaire des différents biomes traversés, recueillir des messages de sagesse et atteindre une mystérieuse « porte », afin de lui faire atteindre la sagesse. La dernière partie de cette courte aventure (comptez un peu plus de 4h pour finir le jeu à 100%) offre un regard un peu différent sur le voyage accompli, et contraste un peu le sentiment d’émerveillement ressenti tout au long du trajet.
Car c’est bien d’émerveillement dont il est question : dans le topo de la tension entre « voyage et destination », Omno prend absolument et sans ambiguïté le parti du voyage. Ici, ce qui importe n’est pas tant le but que la beauté saisissante des créatures rencontrées, la vivacité de la faune et de la flore et la richesse incroyable des décors. Le jeu est découpé en une demi-douzaine de biomes que l’on traversera à pied, en planant, à dos de dragon ou de méduse volante, avec une volonté toujours renouvelée de vous en mettre plein la vue. L’étrangeté grandissante des territoires parcourus donnent l’impression de s’enfoncer dans un monde de plus en plus alien, au point que ce n’est plus le point final qui compte, mais la beauté de l’instant.
Omno est ainsi un pur jeu atmosphérique, qui fait assez peu de cas des questions morales qu’il pose : pourquoi le personnage doit-il « voler la lumière » des plantes et des animaux du coin pour activer des ruines ? Qui l’a envoyé là ? Est-ce que tout ça en vaut la peine ? Est-ce qu’il atteindra la sagesse finale recherchée? Omno balaye assez rapidement ces questions en nous disant clairement qu’elles « n’ont aucun intérêt et le voyage ne vous rendra pas meilleur, mais profitez de ce que vous voyez, parce que c’est franchement joli ». La séquence finale du jeu offre d’ailleurs une proposition que je trouve un peu convenue sur la notion de renoncement, mais ce n’est pas vraiment un reproche : comment critiquer un jeu sur sa conclusion quand son message central est que la conclusion importe moins que tout le développement ?
Saute nage court vole
Les premières minutes d’Omno peuvent avoir un petit côté décourageant, tant on a l’impression d’être face à une simple suite de tableaux finement exécutés mais pas très agréables à parcourir. Au début, notre petit pèlerin ne peut pas faire grand-chose si ce n’est crapahuter dans une plaine pour y collecter de l’énergie et résoudre quelques énigmes pour accumuler des sphères nécessaires à l’ouverture du prochain biome. On est presque frustré de parcourir à pied, lentement et en escaladant à peine, ces immensités touffues. Mais là aussi, le discours d’Omno est malin, puisqu’il déploie son gameplay au fur et à mesure du gain en expérience et en maturité de son personnage.
Bientôt, on peut accumuler de l’énergie sur son bâton, surfer dessus pour se déplacer plus vite, se téléporter en utilisant certaines machines spécifiques ou encore planer sur de longues distances : autant de manières de renouveler le gameplay et les énigmes au cœur de chaque zone du jeu. Il m’est arrivé assez rarement d’avoir l’impression de vivre deux fois la même séquence ou de faire face à du recyclage, et c’est une des grandes forces d’Omno. Concentrer l’ensemble du propos et des phases de jeu dans une poignée d’environnements et d’heures de jeu permet une expérience d’une rare densité, jamais frustrante, jamais lassante, bref, c’est la bonne quantité de contenu dans la bonne quantité de temps.
On regrettera tout de même un peu que pour un jeu aussi court, Omno montre quand même quelques petits signes de faiblesse technique dans son dernier tiers. Des faiblesses techniques et de gameplay assez étroitement intriquées, et liées à l’exact même problème : l’acquisition de la téléportation et du vol. Je m’explique : dans sa dernière partie, Omno vous propose des environnements plus grands et plus ouverts, entre autres en vous donnant le pouvoir de vous « catapulter » d’un repère lumineux à l’autre, où de vous suspendre à votre bâton pour surfer de courant ascendant en courant ascendant. Hélas, ces séquences esthétiquement superbes s’accompagnent aussi de ralentissements parfois irritants et d’une imprécision surprenante dans les commandes du jeu, particulièrement quand le personnage vole : on a l’impression de commander une poupée de chiffon et on doit parfois s’y reprendre à deux ou trois fois avant d’arriver à bon port. Rien de très grave.
« De plus petits jeux avec moins de contenu »
Ces détails mis à part, il me semble qu’Omno excelle dans un domaine précis : celui consistant à proposer « un petit jeu avec moins de contenu« , mouvement réclamé par de petits comme de gros développeurs de l’industrie face à l’explosion des coûts de développement et la dégradation des conditions de travail dans le jeu vidéo.
Des titres comme Omno prouvent s’il en était encore besoin que l’on peut proposer quatre heures d’expérience superbe, très réussie et ramassée, vendue à un prix plus modeste (si vous ne possédez pas le Game Pass, Omno se monnaye pour une petite quinzaine d’euros). De quoi permettre d’y passer deux ou trois soirées mémorables, sans pour autant avoir eu l’impression de vivre un moment cheap sur un « petit jeu », image qui colle encore parfois aux jeux de petits studios, imaginés comme des expériences arcades hardcores en pixel art ou des installations d’art contemporain conceptuelles pour initié·e·s.
Omno, avec ses décors en 3D sublimes, son gameplay amusant (si on oublie les énigmes à base de caisses à pousser…) et son voyage enchanteur qui évoque les films d’animation à la Pixar montre qu’un jeu peut être produit avec un budget limité et être court sans pour autant perdre en joie ni en ambition. Et c’est une excellente nouvelle.
Omno a été testé sur PC via une clé reçue par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch, Playstation 4 et Xbox One.
À l’avenir, j’aimerais qu’il y ait de plus en plus de jeux comme Omno, misant davantage sur une aventure simple mais pleine d’impact que sur un gameplay procédural étendu à l’infini. Des offres comme le Game Pass ou le PlayStation Now rendent de plus en plus possible l’émergence et la viabilité économique de certains de ces projets, mais ceux qui surnagent restent encore des exceptions dans l’océan des productions indépendantes. Pas totalement dénué de défauts, Omno est cependant, de ce point de vue, l’exemple à suivre.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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