Cette fois-ci dans Partie Rapide, Murray vous parle de Say No! More, un jeu pour les gens têtus, et Shift de TYPO, une nouvelle excursion dans le genre du typing game malheureusement assez décevante.
Say No! More
Vous ne le savez sans doute pas, mais j’ai été déclaré spécialiste des jeux à la con « particuliers » au sein de The Pixel Post. Que voulez-vous, j’aime ces jeux qui partent d’une idée simple et/ou complètement loufoque pour la pousser dans ses derniers retranchements. En tout cas, ils sont très souvent bien meilleurs que ces jeux qui multiplient les idées et gameplays à peine exploités. Autant vous dire que quand les Allemands du Studio Fizbin sont arrivés avec un jeu où il faut crier « Non » aux gens autour de soi, je me devais de foncer dessus.
Le jeu du ni oui, ni oui
Bienvenue dans un monde où personne ne sait dire non ! Que ce soit un collègue qui vous demande de lui apporter un café et lui faire des copies de documents, le vendeur de hot-dogs qui a mis de la moutarde alors que vous ne vouliez que du ketchup et qui vous demande si ça ne vous dérange pas de le manger quand même, ou votre colocataire qui aimerait bien vous voir payer sa partie du loyer pour le mois : il vous est impossible de lâcher autre chose qu’un « euh » gêné, toujours traduit par votre interlocuteur comme une acceptation tacite. Mais les choses sont sur le point de changer.
C’est votre premier jour au sein de votre nouvelle entreprise et comme tout le monde le sait, il va être temps de faire ses preuves… en faisant le larbin pour tout le monde (et en donnant votre petit repas préparé avec amour à votre patron… mais non il plaisante ! Enfin il plaisante, il plaisante…). Coup de chance pour votre personnage, créé par vos soins de la tête aux pieds jusqu’à la voix, c’est une fois relégué dans un bureau derrière la machine à café que vous allez découvrir une cassette audio de type motivationnelle où un coach va vous apprendre le pouvoir du mot interdit : le NON.
Et voilà pour le pitch de départ qui va vous amener à dire « Non » à chaque autre personnage du jeu, grimpant petit à petit les échelons de votre société, parce qu’un simple « non » vaut mieux qu’un long discours, pour une histoire qui, si elle ne révolutionnera pas votre façon de penser le monde, a le mérite d’être traitée avec humour, vos interlocuteurs comprenant toujours les plus grandes vérités face à votre simple et stoïque « non ».
Le problème, on ne va pas se mentir, c’est que, comme dans la vraie vie véritable, dire « non » tout le temps, c’est un peu ennuyeux… et cela se voit dans le jeu. Vous allez passer la totalité de votre partie à regarder votre personnage avancer sur des rails jusqu’à rencontrer un collègue/supérieur/personne qui passait par là, avant qu’il ne vous demande quelque chose et que vous lui répondiez « non » et repreniez votre route. Les réactions de certains ont beau être amusantes, cela ne va pas loin pendant les 2 heures qu’il vous faudra pour finir cette aventure.
Le jeu essaye bien de varier les possibilités, en offrant au joueur diverses manières de montrer sa désapprobation, mais passée la première utilisation, on se rend vite compte qu’utiliser un type de « non » plutôt qu’un autre ne change rien au résultat. De la même manière, vous avez différents moyens (rire au nez des gens, faire semblant de réfléchir, etc) pour recharger votre barre d’endurance, permettant de charger des « non » pour les rendre plus puissants mais, passée la découverte, cela n’apporte pas grand-chose, d’autant plus quand on se rend compte qu’à de rares exceptions près, un simple « non » suffit sans avoir besoin de le charger…
Il est même dommage de ne pas avoir ne serait-ce que la possibilité, lors de certains passages, de pouvoir interrompre les discours des autres personnages un peu comme permettait de le faire Asura’s Wrath en son temps, le poing en moins. Au final on continue l’aventure pour en voir le bout, parce qu’on sait qu’elle n’est pas longue et que la curiosité est là, mais c’est un peu tout.
Say No! More a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est aussi disponible sur Nintendo Switch et iOS.
Say No! More n’est donc qu’une idée originale qui n’a pas été poussée et développée à son maximum. C’est amusant le temps d’un niveau mais sans réel renouvellement, on se lasse malheureusement beaucoup trop vite. Pour son prix (15 euros sur Switch, beaucoup moins sur iOS), son titre devrait vous aider à vous décider si jamais vous hésitez à le prendre…
TYPO
Développé par la toute petite équipe espagnole de gomostudios, TYPO est de ces jeux qui impliquent de taper des mots au clavier pour progresser, s’inscrivant plus ou moins dans la lignée du genre franchement de niche du typing game. Un style de jeu étrangement assez peu formaté et qui compense un faible nombre de titres par une variété assez surprenante d’utilisations d’un gameplay en apparence limité. Si mes premiers pas dans le genre se sont faits – comme pour tant d’autres – dans le milieu du Flash, des titres comme The Typing of the Dead en 1999 avaient déjà ouvert la voie.
Faute de frappe
Et après une traversée du désert pour ce type de gameplay durant un peu plus d’une décennie, le genre du typing game semble vivre, à l’instar de la FMV, un second âge d’or, multipliant les titres et les concepts. On l’a vu avec cette ressortie de The Typing of the Dead, rebaptisée Overkill sur Steam en 2013, mêlant rail shooter et typing game et nécessitant de taper des mots pour tuer des zombies, mais plus récemment avec The Textorcist, mélangeant le style avec un bullet hell particulièrement exigeant et la saga Typing Chronicles, pour le moment composée d’Epistory, mettant l’emphase sur les éléments – feu, glace, foudre… – pour le combat et du tout juste sorti d’early access Nanotale, utilisant le typing game dans une optique d’exploration et d’énigmes environnementales.
C’est sur cet héritage que débarque TYPO, promettant un mélange de typing game, d’énigmes et de plateforme en 2D. Cela se traduit par divers écrans disséminés dans les niveaux, permettant de faire apparaître des objets – boîtes, boules… – aux propriétés variées, d’agir sur l’environnement – niveau de l’eau, vent généré par des ventilateurs – ou sur notre personnage – agrandir ou diminuer sa taille. Une utilisation du genre franchement maline et au potentiel assez élevé, puisqu’en plus des effets induits par ces écrans, d’autres paramètres entrent en jeu : toutes les touches du clavier ne sont pas toujours disponibles, et l’on ne sait pas quels mots fonctionnent ou non. En résulte un casse-tête conséquent, puisqu’on ne peut pas toujours taper le mot souhaité, qu’au bout d’un moment, il devient nécessaire de démarrer son mot sur un écran pour le continuer sur un autre un peu plus loin, et que l’ignorance des mots acceptés ou non implique de se lancer dans un concours parfois ardu d’anagrammes.
Une recette particulièrement alléchante sur le papier, malheureusement gâchée par une exécution vraiment faiblarde, qui délaisse un concept très malin pour le diluer dans de la plateforme vue et revue, mais surtout terriblement imprécise, dénuée de feeling et encore bien buguée. Les bonnes idées liées au typing game s’ajoutent ainsi au compte-gouttes et TYPO préfère espacer chaque ajout de mécanique par des séquences de pure plateforme, à base de boîtes à pousser sur des interrupteurs et des plateformes mouvantes, de scies circulaires à éviter et de lasers mortels à désactiver. Le souci, c’est que ces phases sont particulièrement peu inventives : elles ont été faites partout depuis facilement quinze ans et n’ont même pas pour elles d’être agréables à jouer – à défaut d’être intéressantes – puisque la physique approximative a tendance à ruiner un paquet de séquences, jusqu’à les faire recommencer depuis le début – mettant en valeur un système de reset très perfectible, ne réinitialisant pas toujours tous les éléments.
C’est l’autre gros souci de TYPO : en plus de sa propension à noyer son concept original dans de la plateforme quelconque, il ressemble beaucoup trop à une early access. La faute à son statut de side project, mené en pointillés par l’équipe depuis 2014, avec une intensification du développement seulement sur ces derniers mois. En résulte un paquet de bugs, allant du bloquant, nécessitant de redémarrer le jeu, à d’autres plus mineurs mais très agaçants – les options qui se réinitialisent à chaque démarrage, quelle plaie. Ces problèmes sont réparés à un rythme frénétique, parfois avec plusieurs patchs par jour, mais voir des choses comme la configuration des niveaux ou les lettres disponibles sur le clavier modifiées au jour le jour me donne la sale impression d’un titre sorti bien trop tôt et sans suffisamment de playtests – playtests qui sont, j’en suis bien conscient, sérieusement coûteux s’ils sont confiés à d’autres personnes que la famille ou ami·es de l’équipe. Un aspect de brouillon que l’esthétique franchement commune – le personnage principal et les décors sont tout droit sortis de Portal – et le scénario cryptique aux textes minuscules ne parviennent pas à faire passer. Très dommage.
TYPO a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
TYPO est cet archétype du jeu indé basé sur un concept solide et original, mais malheureusement très peu et mal exploité. Naviguant entre une plateforme frustrante et imprécise, une esthétique oubliable et des bugs à la pelle, le titre de gomostudios peine à convaincre, même pour le joueur enthousiaste et prêt à l’acheter que j’étais. J’aurais recommandé d’y jeter un œil curieux s’il s’était agi d’un jeu gratuit sous navigateur d’itch.io – ce qui aurait été envisageable, puisqu’il tourne sous Unity – , mais clairement pas en tant que tel, à 13€ sur Steam. De quoi conforter mon opinion que vendre ses prototypes n’est toujours pas une bonne idée, mais courage à gomostudios : l’idée était bonne, et à force d’expérimentations, de très bonnes choses peuvent émerger.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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