Si Gleamlight s’est fait remarquer lors de son annonce puis lors de sa sortie, c’est par son esthétique disons pour le moins « lourdement empruntée » à un certain Hollow Knight. Mais en réalité j’aurais largement préféré que le principal problème de Gleamlight soit effectivement d’être une sorte de Hollow Knight où on aurait remplacé les insectes par des machins en verre.
Vous savez quoi ? Cela sera sans doute ma seule hot take de tout cet article, mais en vrai, ça me dérange un peu qu’on attaque Gleamlight là-dessus. Oui, les jeux se copient les uns sur les autres. Le marché du jeu indé fonctionne par emprunts, copies et décalques jusqu’à ce que quelqu’un trouve une meilleure idée, et c’était déjà comme ça à l’époque de l’âge d’or du platformer à mascotte dans les années 90. Et le marché des jeux AAA c’est la même chose, les CRPG se ressemblent, les Open World à objectifs se ressemblent, les jeux de course se ressemblent, les jeux de cartes se ressemblent, jusqu’à ce que quelqu’un en ait marre et trouve quelque chose pour casser la baraque. Parfois ça se voit juste un peu plus que d’autres parce que certains développeurs ne sont pas assez malins pour gommer les traces de crayon sur le papier calque. C’est comme ça que naissent les genres. Le Souls-like est un genre entièrement né de copies plus ou moins inventives, plus ou moins honteuses. Certains clones ont atteint la postérité, d’autres non. Alors calmez vos ardeurs, si Gleamlight avait été un bon jeu capable de développer quelques idées fortes dans un océan de poncifs, il aurait pu être un excellent titre de votre ludographie. Le problème, c’est que le titre des Japonais de Dico va surtout passer quatre ou cinq heures à vous démontrer qu’il n’est ni fait, ni à faire, et que quoi qu’il essaye de plagier (Hollow Knight n’est pas la seule victime comme nous le verrons plus bas), il le fait mal, de manière indigente, et surtout incomplète.
Meunier tu dors, ton moulin va trop vitre
Tout ne commence pas si mal. Dans ses premières minutes, Gleamlight évoque effectivement sans se cacher beaucoup son illustre ancêtre, avec une ambiance plus qu’étrangement similaire à celle d’Hollow Knight : un personnage solitaire avance dans des souterrains ténébreux, avec une ambiance parfois étrangement éthérée, et tape sur des trucs, en l’occurrence des bestioles faites de verre qui explosent dans des bruits déchirants. A ceci près qu’on réalise très rapidement que son esthétique mise à part, Gleamlight a une proposition assez différente de son supposé modèle. Ici, foin d’exploration non linéaire, de hub central ou de lore se dévoilant au fil des pérégrinations d’un héros attachant : on avance tout droit, on tape des trucs, et on avance encore jusqu’au tableau suivant, et ainsi de suite pendant une bonne heure et demie. On est plus proche du tout premier Castlevania que de ses lointains descendants. On s’irrite cependant de combats assez lents aux animations mollassonnes et d’un level design qui frustre plus qu’il ne passionne : bien vite, on doit avancer en sautant sur des plates-formes calculées au poil-de-ce-jeu-n’est-pas-assez-précis-pour-se-permettre-ça.
Et soudain, un générique de fin déboule. Qui vous incitera à recharger votre partie, pour une deuxième moitié d’aventure… Qui vous fera revenir sur vos pas. Et vous fera combattre à nouveau les mêmes trucs, en un peu plus difficile, dans l’ordre inverse. Façon château inversé du pauvre. J’avoue, dans un premier temps, avoir cru à une blague, jusqu’à ce que les achievements du jeu (qui en constituent l’essentiel de la narration, nous y reviendrons), me félicitent d’avoir « à nouveau » battu tel ou tel antagoniste. Quant à la fin de ce voyage retour, elle réserve une surprise pas vraiment surprenante qui m’aurait conduit, je pense, à demander pour la première fois de ma vie un remboursement Steam si j’avais payé Gleamlight de ma poche. Disons, pour faire court, qu’à l’instar de nombreuses propositions faites par ce jeu, son dénouement n’est ni fait, ni à faire. Je vais même m’autoriser à en spoiler une partie, si vous n’aimez pas les légers spoilers, sautez d’un paragraphe.
Le petit personnage muet et impersonnel que vous incarnez dans Gleamlight peut, à l’exception des boss, choisir de ne pas combattre la plupart des créatures rencontrées. Absolument rien ni personne ne vous indiquera jamais cet état de fait, mais il s’avère que vous pouvez tout à fait finir le jeu en épargnant quasiment toutes les horreurs non-euclidiennes en cristal de Baccarat certifié conforme que vous rencontrerez sur votre chemin. Cela rend le jeu plus compliqué, mais aussi beaucoup plus court. Et si vous effectuez l’aller-retour constituant le jeu sans avoir lancé de boule de bowling dans la galerie des glaces, vous aurez droit à une troisième partie vous menant vers le véritable boss de fin. Une idée tout à fait plaisante en ce qu’elle est piquée à Undertale, néanmoins, le jeu de Toby Fox avait la bonne idée de contextualiser l’ampleur de l’espace de ce choix moral en expliquant les enjeux, et en démontrant par son tutoriel la possibilité alternative à la confrontation violente. En s’enfermant dans le mutisme, Gleamlight ne donne aucune indication d’aucune sorte. Et c’est un autre de ses problèmes structurels.
Gleamlight 2 parce que le Gameplay du 1 on l’a cassé.
Gleamlight n’est pas le premier jeu que je connaisse qui fasse le choix d’une narration entièrement muette : avant lui, Limbo, Virginia, Inside, Journey, Brothers : A Tale of Two Sons, Rime, Gris, Abzû ou encore The Gardens Between ont fait et relevé ce pari. Pas besoin de beaucoup de blabla pour faire un bon jeu. Et d’ailleurs, tous les jeux n’ont pas besoin de raconter quelque chose, particulièrement un platformer où on tape sur des trucs. Dommage pourtant que Gleamlight s’entête à vouloir faire passer des messages, y compris des messages basiques de gameplay, sans jamais s’en donner les moyens.
La principale différence avec les autres jeux du genre mutique est que Gleamlight va plus loin, en se dépouillant de tout ce qui vient habituellement palier à ce côté silencieux : des indications sur les murs, un personnage mimant quelque chose, des signes divers vous indiquant les interactions attendues. Ici, rien. On vous laisse vous débrouiller avec votre petit personnage inexpressif et votre pad. Vous gagnez un nouveau pouvoir nécessaire pour avancer, comme le double saut ou le dash ? Rien ne vous l’indique, pas même une pancarte, pas même un panneau au mur. Y compris pour des actions nécessitant des combinaisons de touches peu aisées à deviner. A vous de vous débrouiller pour identifier votre nouvelle compétence et réussir à l’activer, souvent par hasard. Seuls les achievements du jeu signalent que vous « avez débloqué un nouveau pouvoir ». Lequel, pourquoi, comment, à quelle fin ? Gleamlight se mue dans un hermétisme absurde qui m’a plusieurs fois conduit à des impasses ludiques complètes.
Même la principale mécanique de combat n’est pas clairement expliquée, et c’est pourtant la seule bonne idée déployée par Gleamlight : en lieu et place d’une jauge de vie, le personnage principal (un vitrail humanoïde) récupère de la résistance en tapant les ennemis. En revanche, quand vous recevez un coup, ce sont vos adversaires qui stockent de la vie. Et l’utilisation de pouvoirs spéciaux vide également votre stock de résistance, vous contraignant à modérer leur usage. Une bonne idée (un peu piquée à Bloodborne, tout comme le design du protagoniste, on n’est plus à ça près), mais qui, faute d’équilibrage et de précision, conduit à des situations absurdes contre les boss, où vous êtes virtuellement immortel (vous trouvez toujours un mob à frapper pour vous soigner), mais où les boss deviennent des sacs à PV dès que vous faites la moindre erreur, puisqu’ils vous piquent votre vie. La seconde partie du jeu étant, pour l’essentiel, un boss rush, attendez-vous à de longs ballets aériens inutiles de vol de vie mutuel jusqu’à l’épuisement total. Les patterns des boss n’ayant aucune originalité, l’ennui prédomine ces joutes molles et interminables, dommage : c’était la seule broutille conceptuelle un peu sympa du jeu.
Et normalement, je devrais faire une troisième partie à cet article, mais comme Gleamlight semble avoir été shippé avant d’avoir été fini, vous me permettrez de m’en dispenser.
Gleamlight a été testé sur Switch via une clé envoyée par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur Switch, PS4 et Xbox One.
Gleamlight n’est pas un nanar vidéoludique. Mais il est insignifiant, au sens quasi lexical du terme : il refuse le moindre signe en direction du joueur, se contentant d’empiler les mauvaises idées et de se murer dans le silence. Avec son air de vouloir marcher sur les plates-bandes d’Hollow Knight, ce petit filou pas très discret essaye surtout de piquer des idées à bien d’autres titres ayant marqué les joueurs ces dernières années : les soins à la Bloodborne, la « route pacifiste » à la Undertale, le château inversé de Castlevania… Pour n’aller au bout d’aucune, et livrer un jeu qui, sans être une honte, ressemble davantage à un prototype qu’à un jeu vidéo. Avec ses personnages à peine animés, son système de jeu ni fait ni à faire et son dénouement narratif qui le conduit à des erreurs de game design, Gleamlight donne l’impression d’être une démo jouable d’un jeu prévu pour 2022. A vrai dire, sa seule idée forte (le vol de vie) a tendance à rallonger une sauce déjà un peu fade. Alors qu’en digérant mieux ses influences pour produire quelque chose de nettement plus solide avec une finition plus nette, il aurait pu constituer un plagiat éhonté mais plaisant, le platformer de Dico est surtout une expérience désagréable que je ne saurais recommander à quiconque.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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