Pendant que les conférences s’enchaînaient, que les annonces de sorties se multipliaient et que mes petits camarades de The Pixel Post squattaient avec talent la chaîne Twitch pour suivre tout ça, l’actualité annexe du monde vidéoludique avait un peu pris des vacances, mais pas complètement. Cette semaine, c’est le PDG du groupe Embracer qui a dû se fendre d’un communiqué pour justifier l’investissement massif du Savvy Gaming Group (SGG), un groupe d’investissement d’Arabie saoudite, dans l’entreprise.
Le marché a été conclu la semaine dernière avec l’acquisition par l’Arabie saoudite, via le Savvy Gaming Group (dont le fonds public d’investissement d’Arabie Saoudite est entièrement propriétaire et gestionnaire), de 8,1 % des parts du groupe, acquérant au passage 5,4 % des votes, pour un montant proche d’un milliard d’euros. Évidemment, la nouvelle n’a pas été totalement bien accueillie avec entre autres des interrogations sur l’influence qu’aurait ce nouvel investisseur et la pertinence morale d’accepter un investissement d’un pays assez peu démocratique.
Le PDG du groupe, Lars Wingefors, s’est donc fendu d’un communiqué, publié sur le site du groupe, expliquant en substance qu’il comprenait les questionnements, mais qu’il y avait un raisonnement rationnel qui avait conduit à accepter ce partenariat et que bien sûr, rien n’allait changer au sein du groupe avec ce nouvel investisseur. Il admet gracieusement n’avoir pas l’audace de prétendre qu’il a la bonne réponse, mais explique que le groupe a déjà de nombreux investisseurs dans le monde entier grâce à la magie du capitalisme. Il s’affirme également convaincu que SGG est une véritable entité commerciale qui a l’ambition sincère de soutenir le développement du secteur du jeu vidéo et que cet investissement sur le long terme permettra de soutenir les stratégies et les projets du groupe, ce qui permettra à Embracer de se développer et de soutenir à son tour toutes les personnes du secteur.
Même si la magie du capitalisme semble opérer pour Lars Wingefors et pour d’autres, car ce n’est pas la seule entreprise dans laquelle le SGG possède des parts, ce communiqué n’est pas franchement convaincant et s’arrange pour éviter de regarder en face les réelles implications de cet investissement. S’il est possible que ce nouvel actionnaire n’influe pas sur la politique et le fonctionnement internes de l’entreprise, cet investissement lui rapportera un capital qui pourra ensuite servir à financer les politiques du pays, qui, il ne faut pas l’oublier, comprennent notamment la guerre au Yémen, des assassinats de journalistes, des exécutions et le non-respect des droits de l’Homme. En outre, cet investissement s’inscrit parfaitement dans le cadre d’une grande opération de Soft Power menée par l’Arabie saoudite, par le biais d’investissements massifs dans les médias et l’industrie vidéoludique en Occident. Cette opération permet entre autres de peindre une image sympathique du prince Mohammed ben Salmane, faisant oublier toutes les atrocités commises par le régime et assurant son statut de partenaire commercial acceptable, ce qui arrange notamment bien la France, car sinon à qui vendrait-on toutes ces armes qui ont le bon goût de ne pas tomber sur des civils yéménites ?
Cette histoire a au moins le mérite de rappeler que dans les grands groupes, malgré les apparences d’ouverture, d’inclusivité et de belles valeurs, ce qui compte avant tout c’est le chiffre d’affaires et les valeurs servent plus souvent d’excuse que de boussole.
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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