Nouvelle production du studio indonésien YummyYummyTummy, Fallen Legion Revenants prend place dans un univers déjà développé dans un jeu ressorti en diverses versions améliorées, dont une avec un épisode bonus mélangeant l’esthétique des anciens Castlevania et le gameplay du vénérable Valkyrie Profile : une proposition sous influence, donc, ici déclinée à la sauce zombies.
Ce n’est pas la première fois que nous nous intéressons de près à des jeux issus d’Asie du Sud-Est, un ensemble de pays particulièrement dynamiques, où une génération de jeunes créateurs biberonnés aux classiques du JRPG sort depuis quelques années des titres prometteurs. Cependant, je ne peux pas dire que les premiers épisodes de la série Fallen Legion m’avaient enchanté : sous de jolis graphismes et une bonne compréhension des mécaniques de combat de l’époque, il s’agissait pour l’essentiel d’un gros embrouillamini narratif à la musique tapageuse et ultra centré sur des combats brutaux mais trop répétitifs pour ne pas lasser. Hélas, Fallen Legion Revenants n’a pas beaucoup fait évoluer cette proposition, malgré des progrès notables : la faute à un rythme de jeu mal pensé, entre autres.
Entre frénésie et ennui
Fallen Legion Revenants n’a pas de temps à perdre et vous plonge in medias res dans un bain d’action frénétique. Peut-être un peu trop vite pour qu’on y comprenne quoi que ce soit, d’ailleurs, tant le jeu expose son univers à la catapulte, sans presque livrer aucune recontextualisation des événements des deux épisodes précédents, ce qui aurait été le minimum pour qu’on s’y attache. La Terre est ravagée par des hordes compactes de morts-vivants, l’Humanité est réfugiée dans un Château Dans le Ciel, une sorte de fantôme avec des combattants mystiques accomplit des missions au sol, tandis qu’un mystérieux majordome essaye de faire avancer la cause de ces derniers au sein du château. Le tout avec de la téléportation, des réincarnations et des complots politiques à qui mieux-mieux.
Le principal problème de cette histoire qui a l’air d’avoir été écrite avec conviction et passion, c’est qu’elle manque cruellement de mise en scène, se contentant de vous agonir de dialogues semi-obscurs entre les combats. Qui sont les habitants du château ? Quel est leur passé ? Que veulent-ils ? Comment devient-t-on un « Exemplar », ces soldats qui combattent les zombies ? Comment le Monde a-t-il été perdu ? Sans aller jusqu’à dire que Fallen Legion Revenants ne répond à rien et reste en permanence sibyllin, je dois quand même dire que l’absence totale de mise en scène, de codex, de cinématiques ou d’explications sur de nombreux éléments rend complexe l’attachement aux personnages dont on ne comprend pas toujours les tenants et aboutissants. Dommage, car les histoires de complots politiques sur fond d’Humanité assiégée, j’aime bien.
Cependant, à la longue, on remarque que l’univers exposé dans Fallen Legion : Sins of an Empire et Fallen Legion : Flames of Rebellion a largement gagné en densité et en maturité. YummyYummyTummy raconte mieux, et des choses vraiment plus intéressantes. On aimerait pour la suite (car l’univers de Fallen Legion mérite de continuer à être exploité) quelque chose qui prenne tout de même un peu plus de temps d’exposition, pour qu’on puisse davantage profiter des efforts considérables qui ont été investis pour créer un univers original. Univers qui par ailleurs se détache de plus en plus nettement des canons habituels de la fantasy à la japonaise, pour proposer quelque chose d’unique, servi par des graphismes d’une finesse remarquable. En vérité, le fond du problème est bien là : Fallen Legion Revenants est un jeu qui ne prend pas son temps, y compris dans son gameplay.
Une succession un peu épuisante de combats rapides
Car le système de combat au cœur de Fallen Legion Revenants est à l’image de sa narration : speed, voire frénétique, pour le meilleur et pour le pire. Le jeu se découpe en missions, elles-mêmes séparées en deux phases. Tout d’abord, faire le tour du château pour parler à des PNJ, améliorer ses Exemplars, assigner des compétences et, de temps en temps, voir le scénario progresser un peu. Puis plonger au sol pour enchaîner des combats à toute vitesse contre des hordes de revenants, jusqu’à arriver à la fin de niveaux quasiment linéaires ponctués par un ou deux boss plus solides que les troupiers zombies de base. Si quelques décisions sont parfois nécessaires entre les combats (entrecoupés de mini-phases d’enquête dans le château pour faire le lien entre les deux univers), et quelques variations dans le gameplay observables ici ou là, on remarque que pour l’essentiel, Fallen Legion Revenants est un jeu de matraquage de boutons où l’on passe beaucoup de temps en apnée.
Pourtant, le système de combat n’est pas si pauvre que cela, il est même plutôt astucieux sous une apparente simplicité : vos trois combattants et votre magicienne fantôme sont déposés sur une grille horizontale, et un bouton du pad est attribué à chacun d’entre eux. Libre à vous de choisir l’ordre de leurs attaques quand leur jauge d’action est remplie, ou d’envoyer tout le monde comme dans une bonne grosse mêlée façon Astérix. Bref, on est assez proche de ce que proposait Valkyrie Profile il y a vingt-cinq ans (ou plus récemment le très imparfait Indivisible). L’objectif est de briser la jauge de défense des adversaires tout en anticipant via un bouton de garde le moment de leur riposte : c’est un mélange entre du jeu de baston et du jeu de rythme (par ailleurs pas toujours très bien calibré). Outre vos trois combattants de mêlée, votre magicienne peut utiliser ses compétences via une jauge qui monte quand vous attaquez les ennemis, pour, par exemple, soigner vos troupes, ou agir directement sur les ennemis en les poussant ou en les tirant. Des mécaniques qui restent assez simples mais qui peuvent, une fois maîtrisées, provoquer des combos destructeurs et faire monter assez haut une barre de points qui détermine vos récompenses de fin de chapitre.
Vous remarquerez que j’ai eu du mal à décrire ce système de combat, qui a des côtés satisfaisants, sans utiliser trop de fois la mention de jauges et de barres en train de se remplir. C’est un des écueils principaux de ce Fallen Legion Revenants qui, outre son côté un peu abrutissant et répétitif, est assez mal servi par une de ces interfaces à la japonaise avec des chiffres, des compteurs et des barres de skill qui s’allument dans tous les sens, une saturation visuelle de chaque instant qui nuit lourdement au confort de lecture de l’ensemble, et qui aurait pu être bien plus élégante. Et c’est finalement ce que je retiendrai de cet épisode : sous une tonne de bonnes idées (et une direction artistique superbe qui témoigne d’un grand savoir-faire graphique), son côté frénétique et brouillon m’a épuisé au-delà du raisonnable.
Fallen Legion Revenants a été testé sur PS4 via une clé envoyée par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch.
Meilleur que les deux premiers épisodes de la série Fallen Legion, Fallen Legion Revenants mériterait sans doute mieux : son univers intrigant demeure assez confus et par moments incompréhensible, et les subtilités de son système de combat restent masquées par un bourrinage constant et pas très satisfaisant, avec une interface manquant d’épure. Néanmoins, même si Fallen Legion Revenants est loin d’être parfait, on ne peut que constater les progrès rapides en matière de gameplay, de design et de direction artistique des studios indonésiens depuis quelques années. Ce n’est pas encore un Eldorado du jeu indé, mais je leur prédis un avenir radieux et une montée en gamme qui en surprendra plus d’un. Nous suivrons avec attention les prochaines productions de YummyYummyTummy.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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