Nul n’est parfait : j’ai un petit faible pour les jeux à la Princess Maker, qui sont en gros des jeux de gestion où vous devez non pas gérer un hôpital ou un club de foot, mais l’éducation d’un gamin, d’une princesse ou même d’un genre de Pinocchio. Un genre pas si rare que ça, mais dans lequel les très bons jeux se comptent sur les doigts d’une main, et flirtent souvent avec les limites du bon goût. Ciel Fledge: A Daughter Raising Simulator, annoncé pour le 21 février prochain, est une tentative de réinventer la formule par le Studio Namaapa, un des (nombreux) studios de jeu indonésien qui ont fleuri ces dernières années.
Autant le dire tout de suite, la version de Ciel Fledge que nous a envoyé le studio est encore un peu brute de décoffrage, mais elle donne une idée assez précise de ce que pourra être le jeu à sa sortie dans quelques semaines. Cette preview ne vous évoquera donc que les six premiers mois d’une aventure s’étendant sur dix ans et faisant office de long tutoriel à une aventure assez scénarisée, plutôt intéressante, même si on sent que tout ceci est fait avec les moyens d’un bord pas encore très bien garni.
Les Jardins du Ciel
Ciel Fledge se démarque de la concurrence par un ton général beaucoup plus sombre que ses concurrents, avec une ambiance assez crépusculaire qui plane sur l’ensemble de l’intrigue. La Terre a été abandonnée depuis des siècles à une race de monstres qui ont poussé la civilisation à se réfugier dans des arches volantes, laissant les survivants au sol au bas de la chaîne alimentaire des envahisseurs. Après des années de statu quo, les envahisseurs tournent leur colère vers ces villes célestes, et parviennent à en abattre une, laissant des perspectives assez sombres à l’Humanité à court terme. Et causant par là même un flux de réfugiés continu vers les arches restantes. Les plus jeunes d’entre eux se voient confiés à une famille d’accueil, et c’est à vous qu’on a confié la garde de la petite Ciel, orpheline et amnésique (après tout c’est un jeu vidéo). Pendant dix ans, vous allez devoir la guider dans son éducation, et en faire une adulte fonctionnelle dans un contexte tendu qui peut basculer à tout moment dans les ravages de la guerre.
Disons-le d’emblée : Ciel Fledge est aussi laid que pétri de bonnes intentions. Décors comme personnages souffrent d’un chara design approximatif et générique, dans lequel on sent cependant une volonté de proposer quelque chose de mignon et varié. Il faut passer quelques heures à s’habituer à ces vilains bonshommes sortis d’un tome de « j’apprends à dessiner des mangas volume 1 » avant de s’y attacher et d’apprendre à aimer la petite faune de cette arche céleste que Ciel la réfugiée va rencontrer lors de ses premiers mois dans la ville. Passé ce choc visuel initial, j’ai été ravi de constater que les développeurs n’avaient cependant pas hésité à développer un univers assez dense et attachant, et à multiplier les rebondissements narratifs dans un gameplay qui, sans cela, n’aurait été qu’un jeu de gestion de variables.
Daddy Cool
Ciel Fledge, à l’instar de Princess Maker reste avant tout un jeu de gestion, appliqué à l’échelle d’une seule personne. L’essentiel de ce que vous ferez dans les premiers mois de l’aventure consiste non seulement à faire connaissance avec Ciel, à répondre à ses questions et ses inquiétudes, mais aussi, de manière beaucoup plus terre-à-terre, à organiser son planning pour la semaine : plus ou moins d’argent de poche, un boulot à mi-temps ou plutôt du travail à la maison, des cours d’Art Appliqué ou d’Histoire, un régime alimentaire riche ou spartiate; chacune de vos décisions aura des conséquences sur l’affection que Ciel vous porte, sur sa personnalité, ses notes à l’école, sa capacité à devenir amie avec son entourage, et, in fine, son avenir à moyen terme.
Le titre de Namaapa prend en compte un nombre assez important de variables qui rendent le début de partie assez ardu et vous force assez rapidement à faire des choix radicaux. Une enfant poussée à étudier davantage avec peu de loisirs développera des compétences et des performances élevées, au prix d’un stress et d’un désamour qui peuvent rapidement la pousser à bout, la rendre malade, ou vous faire passer pour un parent adoptif indigne. Au contraire, pas assez d’heures de cours et trop d’argent de poche décourageront parfois Ciel à être assidue en classe et la feront progresser plus lentement, limitant par là-même ses choix d’avenir. Le manque d’activité physique risquant, lui aussi, de la rendre malade. L’équilibre initial n’est pas simple à trouver, et il m’a fallu lancer une seconde partie, une fois les éléments principaux en main, pour arriver à faire quelque chose de ma fille (je tiens à prévenir les jeunes parents que vous ne pouvez pas faire ça en vrai : si vous avez raté, vous avez raté, tant pis pour vous).
Peut-être que Ciel Fledge manque encore un petit peu de guidage et d’équilibrage pour rendre ce début de partie aussi clair qu’il ne devrait, mais l’interface reste claire et agréable, et encourage l’expérimentation. A l’instar de Long Live the Queen, le titre est pensé pour offrir une rejouabilité maximale, beaucoup de choix que vous ferez en début de partie étant mutuellement exclusifs.
Tetris Raising Simulator
Ce qui m’a semblé le moins bien fonctionner dans Ciel Fledge: A Daughter Raising Simulator est la surcouche de RPG qui a été ajoutée au jeu de gestion. Si l’essentiel de ce que vous aurez à faire consiste à surveiller des variables dans des tableaux et effectuer des choix stratégiques, le jeu vous propose également un certain nombre de combats sous divers prétextes (quizz, duel de rhétorique, récitations de leçons, entraînement, voire confrontations physiques en fonction des embranchements de votre aventure).
Plutôt que de gérer ces affrontements de manière traditionnelle en utilisant un système de combat de JRPG au tour par tour, Ciel Fledge propose quelque chose qui est plus proche du puzzle game façon Match-3 : le joueur doit combiner divers éléments par groupes de 3 en fonction des instructions du jeu, aidé par diverses compétences, bonus et alliés débloqués en fonction des amitiés et connaissances de Ciel. Un système pour le moins confus, qui mériterait presque un système de résolution automatique pour ceux qui souhaiteraient ne pas se les infliger et se concentrer sur les seuls aspects gestion du titre. Passé quelques heures, on s’habitue au système, mais à aucun moment il ne m’a paru devenir, sinon limpide, agréable à manipuler.
Dommage, dans un jeu qui, sans être exceptionnel, aligne les bonnes idées. Je ne suis pas certain que les amateurs de RPG trouvent leur compte dans ces affrontements un peu ratés, ni que les fans de jeu de gestion ne souhaitent se les infliger en boucle pendant une trentaine d’heures.
Ciel Fledge a été testé sur PC via une clé beta envoyée par l’éditeur
Ciel Fledge: A Daughter Raising Simulator est encore à moins de deux mois de sa sortie. Si la charpente, le sol et le toit sont bien là, le tout manque encore un peu de peinture, de carrelage et de raccordement au tout à l’égout. Cependant, c’est une des variations les plus prometteuses sur le modèle de Princess Maker qui s’annonce ici. Un des jeux du type, en tout cas, qui donne le plus l’impression d’être un tuteur en charge de la lourde responsabilité du destin d’une orpheline dans un monde au bord du chaos. L’emballage à base de mini puzzle game de rythme et de tableaux arides pourra dérouter, mais Ciel Fledge est un jeu qui sait se rendre accessible aux amateurs du genre. A surveiller de près lors de sa sortie le 21 février prochain.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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