Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali évoque la preview du jeu de survie Undying, et Shift tisse ses toiles dans Webbed, un petit jeu de plateforme et puzzle arachnéen.
Undying
Le paradoxe des jeux de survie, c’est que la plupart du temps, on y meurt encore plus que dans tout autre forme de jeu vidéo, au point que le terme m’interroge : ne serait-il pas plus approprié de parler de jeux de surmort ? Vous avez sept heures. Mais comme le studio Vanimal n’a pas notre temps, il coupe court au débat : dans Undying, dont nous avons pu essayer une preview à l’occasion de la sortie de son accès anticipé, on sait très clairement et sans aucune forme d’ambiguïté qu’on est là pour mourir, et que le seul (et immense) enjeu ici sera d’utiliser le temps qu’il nous reste pour assurer la survie de notre enfant.
No Time Left
Undying expose une situation qui rappellera les lointaines heures (près de dix ans déjà) du dernier chapitre de la première saison du Walking Dead de Telltale : vous incarnez Anling, une mère de famille, pendant une invasion de zombies, et vous avez été mordue. Il vous reste donc assez peu de temps à perdre. Dans une poignée de jours, vos symptômes l’emporteront, et vous devez employer tout le temps restant à assurer la formation à la survie de Cody, votre jeune fils.
Tout au long d’une aventure relativement scriptée et linéaire dans une ville abandonnée au-delà des barrages de l’armée, vous devrez donc à la fois survivre, combattre les symptômes de votre infection pour gagner du temps, puis essayer de rejoindre un point d’évacuation tant que c’est encore possible. Tout au long de votre périple, le jeu va donc articuler deux mécaniques principales : votre capacité à dénicher des objets, réparer des choses et progresser dans la ville d’une part, et la formation de Cody d’autre part, aspect qui distingue largement Undying de tout autre jeu du genre.
Si le fond de l’affaire est plus que classique (on ramasse des matériaux, on crafte des choses, on répare des stations de bricolage pour améliorer son équipement…), cette mécanique d’éducation fait d’Undying un jeu assez unique. En gros, chaque action du jeu vous laissera le choix entre faire les choses vous-même, ce qui est rapide et efficace, le faire en expliquant la méthode à Cody, ce qui est beaucoup plus long, ou laisser Cody le faire tout seul, ce qui est encore plus fastidieux mais permettra à ce dernier d’accumuler des points de compétence et de valider des objectifs le faisant progresser vers l’autonomie et la survie.
Un jeu sensible et plein de promesses
Si les mécaniques générales d’Undying sont assez convenues, cette simple notion de transmission à un personnage tiers ainsi que l’écriture très réussie du jeu dans ce portrait poignant d’une mère mourante à son jeune fils suffisent ainsi pleinement à bousculer nos habitudes. Cela passe par tout un tas de mécaniques assez fines, comme le fait qu’Anling ne gagne ni expérience ni compétence comme elle le ferait un jeu de survie classique : c’est bien le personnage que vous « escortez » qui a des objectifs à valider et des tâches à accomplir, à reproduire et à maîtriser.
Plus Undying avance (et il y a déjà énormément de contenu disponible dans une aventure qui s’annonce assez longue), et plus Cody, qui commence le jeu comme un véritable boulet inutile incapable de faire quoi que ce soit, devient un élément essentiel et indépendant de votre duo. L’écriture assez bien pensée du jeu, axée sur cette notion de transmission et de parentalité, soutient parfaitement l’action et brise la monotonie inhérente aux jeux de ce type.
Il faut tout de même souligner que cette ambiance ne plaira pas à tout le monde, tant le ton du jeu est volontairement empreint d’une certaine morosité : peu de titres nous font incarner un personnage mourant face à son fils promis à un abandon prochain en zone hostile. Si le propos est original et le thème traité avec assez de subtilité, il est possible qu’Undying puisse néanmoins être très difficile à apprécier pour de jeunes parents ou des personnes affectées à titre personnel par les thèmes de la perte parentale ou des maladies dégénératives.
Undying a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Undying ne renouvelle pas en profondeur la formule « collecter-construire-explorer » des jeux de survie post-apo, mais sa principale originalité (le lien entre une mère mourante et son enfant) suffit à très largement le faire sortir du lot. L’accès anticipé contient assez d’éléments pour tenir en haleine pendant des dizaines d’heures, d’autant plus que le jeu est quasi exempt de gros bugs et de la plupart des problèmes de performances fréquents pour les jeux à ce stade de développement : c’est donc une excellente surprise à recommander, pour peu que le propos général ne vous heurte pas trop.
Webbed
C’est, disons-le tout de suite, assez étonnant de me voir me lancer dans un jeu nous demandant de faire autre chose avec une araignée que de l’éclater sous une pantoufle, puisque, à l’instar de Murray, les bestioles à huit pattes et moi ça n’a jamais été une histoire d’amour. J’irais même jusqu’à dire qu’elles me font (vraiment) (très très) peur. Et pourtant me voilà à l’acheter, ce petit Webbed, malgré la nature de sa protagoniste, attiré par ce très joli pixel art et surtout cette promesse de fluidité et de haute voltige qui me manquaient un poil depuis le Spiderman d’Insomniac Games.
Au moins une araignée que je suis d’accord d’épargner
Face à un jeu aussi modeste et au concept aussi minimaliste que celui de Webbed (comptez à peine 5h et autant de zones pour en voir le bout, à moins de faire dans le complétionnisme), les attentes vont généralement plus se loger dans le scénario ou le game feel, avec l’espoir qu’au moins un des deux aspects soit satisfaisant, si ce n’est inventif ou surprenant. On pourra laisser tomber la partie scénario et narration très vite – notre petite araignée vit sa meilleure vie avec son amoureux, l’amoureux se fait kidnapper par un oiseau, on part à sa rescousse, en avant – , et ce même si l’univers de Webbed se permet quelques fulgurances dans son lore (les fourmis communistes qui construisent des méchas et des montgolfières, l’araignée qui balance des lasers, le caméo de Skate Bird). Non, le véritable intérêt de Webbed est dans son game design, et sa maniabilité à toute épreuve.
Le titre affiche un gameplay simplissime : les contrôles se limitent à tisser des toiles, se balancer au bout de l’une d’entre elles comme avec un grappin, tirer des lasers avec ses yeux, donc, et sauter. C’est littéralement tout ce que vous ferez dans Webbed, et c’est vraiment très bien. En limitant les actions disponibles à leur strict minimum, Sbug Games ont pu se concentrer à la fois sur leur maniabilité et sur leur exploitation. Force est de constater qu’ils ont réussi sur les deux tableaux. Si je ne suis pas entièrement à l’aise avec les contrôles à la manette – pour cause de visée lamentable, j’ai vu Chibi y jouer, il s’en sortait sans problèmes – je dois reconnaître qu’avec le combo clavier/souris, les déplacements sont d’une fluidité et d’une précision assez remarquables. Je parlais de game feel et de juice l’année dernière en faisant l’éloge de Super Cable Boy et c’est très précisément sur ce point que Webbed fait des étincelles. Le grappin à balancier allie rapidité et précision, permettant de traverser des niveaux en quelques clics et à l’origine de quelques moments de haute voltige franchement très plaisants. Le simple fait de se déplacer dans Webbed est profondément agréable et satisfaisant.
L’autre grosse réussite du titre vient de l’utilisation des toiles, et de la physique pratiquement impeccable qui vient avec. En plus de la plateforme exemplaire dont bénéficie Webbed, de nombreuses phases demanderont de résoudre quelques petits puzzles pour progresser, puzzles qui ont l’intelligence d’utiliser les toiles de l’araignée à leur plein potentiel, variant les idées et les types de mécanismes. On appréciera également qu’en cas d’incompréhension totale d’une mécanique, on puisse passer en force grâce à une cinquantaine de toiles : c’est laborieux et vexant, mais au moins on ne reste pas coincé trop longtemps face à un puzzle récalcitrant. Ainsi, hormis deux trois phases un peu plus hérissées de piques et masocores que les autres et une OST dont les boucles certes très entraînantes sont surtout bien trop courtes, il n’y a pas grand-chose à reprocher à Webbed : efficace, agréable, joli, concis ; le titre de Sbug Games fait peu de choses, mais les fait toutes très bien.
C’est la scène de trop
Toutes ? Non, car un petit épilogue résiste encore et toujours au fun et à l’intérêt. D’une manière assez incompréhensible, la toute dernière phase de gameplay ajoute une nouvelle mécanique : celle de l’escorte. Tout le monde déteste les phases d’escorte, ce sont les Gérald Darmanin du jeu vidéo, nous souhaitons claquer leur sale visage affable et les voir disparaître du champ politi… oui bon, la métaphore est dure à filer, mais vous avez l’idée. Car une fois le petit copain retrouvé, le jeu ne s’achève pas dans la joie et l’allégresse, du moins pas immédiatement : il faut faire sortir tout ce petit monde de là, et accompagner ce gros empoté jusqu’à la sortie. Et c’est une purge incroyable. Des bugs jusque-là inexistants se manifestent à la pelle, notre conjoint à huit pattes passe son temps à se vautrer des toiles, se faire manger par l’oiseau, quand il décide carrément de ne plus avancer ou de repartir en arrière. Hé oh, j’étais mieux toute seule en fait.
Cette phase est somme toute assez courte, si elle représente 15 ou 20 minutes de jeu c’est le maximum, mais elle est particulièrement représentative de « la mécanique de trop ». C’est un phénomène que l’on avait perçu dans une moindre mesure sur Elli ou Omno, et qui est salement exacerbé ici. Après avoir passé quatre très bonnes heures et demie en compagnie de Webbed, voilà que sa dernière demi-heure me met dans un état d’agacement profond et s’achève sur ce point, ne me laissant pas le temps de décolérer et de ne plus lui en vouloir. C’est moche. C’est moche et ça se voit, ça se ressent, même, que le gameplay de cette séquence a bénéficié d’un soin et d’une réflexion bien moindres que tout le reste, déséquilibrant d’un seul coup une mécanique jusque-là parfaitement huilée. Nous n’insisterons probablement jamais assez sur ce point : ami·es développeurs·euses, n’ajoutez pas de mécaniques à l’arrache sur la toute dernière séquence de votre jeu. Quand elle est réussie, elle laisse un goût de trop peu dans la bouche, quand elle est ratée elle gâche toute la fin, et donc une partie du ressenti global du titre.
Webbed est un formidable jeu de plateforme et de puzzles, à la maniabilité et au game feel à la limite de l’irréprochable, au gameplay efficace et épuré, au pixel art fin et coloré, à la BO sautillante – même si un poil trop répétitive – et au lore simple mais souvent drôle. Ainsi, on lui pardonnera son épouvantable dernière séquence, et, plutôt que de le quitter en mauvais termes, nous retournerons main dans la patte voltiger de toile en toile en sa compagnie, pour récolter les derniers collectibles dispersés çà et là.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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