Débutée au début des années 2000, la série de FPS Serious Sam et son concept de « un mec tout seul contre des hordes de monstres fous furieux lui fonçant dessus par centaines » avait fait une forte impression avant de lentement sombrer dans un océan de n’importe quoi, avec des RPG bizarres et autres expériences 2D dispensables. L’équipe de Croteam avait, dans un contre-pied total, sorti un jeu de réflexion philosophique retors, The Talos Principle, avant de OH ET PUIS VOUS SAVEZ QUOI ? NON. Je n’arriverai pas à vraiment vous parler en détail de Serious Sam 4.
Oui, voilà, nous l’avons reçu, et croyez-moi bien qu’à l’époque où nous l’avions inscrit dans notre tableau de demandes réparti entre les différents rédacteurs du site, nous n’avions aucune idée de ce qui se passerait concernant Serious Sam 4 (merveilleusement sous-titré : Planet Badass). Depuis, il y avait bien eu quelques previews inquiétantes, montrant un jeu qui s’annonçait un peu moche, pas très précis et pas très inventif. Mais après tout, les excellents premiers épisodes de la série n’étaient rien de tout ça non plus, et livraient pourtant quelques heures de fun très agréables. Et puis, juste après avoir reçu le jeu des mains de notre RP, j’ai commencé à voir tomber les premières revues du jeu. L’épisode 4 de la série bourrine de Croteam, si vous voulez mon avis, ne mérite pas certains scuds envoyés presque pour le sport qu’il s’est pris en pleine face. Il n’est pas SI mauvais. Mais c’est néanmoins un jeu horriblement inintéressant, et sans doute un des FPS professionnels les plus pénibles de ces dix dernières années. Et j’ai beau me creuser la tête depuis plusieurs jours, je ne trouve strictement rien à raconter dessus : une description purement clinique serait trop cruelle.
Serious Seum
Je ne peux pas me résoudre à produire un catalogue agressif sous forme de liste interminable de tout ce qui ne va pas dans Serious Sam 4. Parce qu’en réalité, rien ne va dans ce jeu. Imaginez n’importe quel aspect d’un FPS correct : ici, c’est la même chose, mais 30% en-dessous de vos attentes. Le principe reste quasiment inchangé : vous incarnez Sam, baroudeur bourrin de l’espace-temps, projeté sur divers champs de bataille, en train de tirer sur des hordes continues de monstres moches, dont certains sont un peu rigolos (les éternels décapités kamikazes se jetant sur vous pour se faire sauter en hurlant, quasi-mascottes de la série). Et c’est un peu tout. Dire qu’il a un véritable scénario serait une vue de l’esprit, les dialogues se résumant à un long et fastidieux mélange de lore confus et de blagues pipi-caca. Un des premiers dialogues est une blague sur le « Dick » de Philip K. Dick, et c’est une des meilleures vannes du jeu. Pas grave, on n’est pas vraiment là pour un livre audio de Guerre et Paix lu par des acteurs de la Comédie-Française. De toute façon, dans le cas présent, il serait récité de manière laborieuse par des passants visiblement recrutés au bas du studio, s’efforçant d’imiter des accents de diverses nationalités sans grand succès (les Italiens sonnent russes, les Français jamaïcains, écoutez, pourquoi pas, c’est un style).
Et donc, à part ça ? Eh bien disons que si jamais vous êtes un fan inconditionnel, mais alors vraiment inconditionnel de la franchise, du genre à avoir le logo de Serious Sam tatoué sur le biceps, et que vous aimez vraiment beaucoup tirer en reculant (ce qui constitue 80% du gameplay), vous passerez peut-être un moment agréable. Dans tous les autres cas, il n’y a pas un instant de Serious Sam qui ne vous fera pas grincer des dents. Des bugs partout, des graphismes datés, des menus imbitables, encore une fois, on ne va pas y passer la nuit et faire un inventaire de l’ampleur de l’accident : rien ou presque n’est réussi dans Serious Sam 4. Presque étonnant pour un jeu aussi simple dans son concept : vous avancez d’arène en arène, et des ennemis vous foncent dessus en ligne droite, et c’est à peu près tout. You had one job, et ton poste de travail est quand même tout cassé.
Franchement c’est même pas rigolo
Il arrive qu’un jeu soit assez mauvais mais sauvé par quelques idées intéressantes. Ou au contraire si raté qu’il en déclenche des rires nerveux involontaires. J’aurais bien aimé que Serious Sam soit ce genre de nanar tellement fou furieux dans son ratage que je passe dix heures à me demander quel prochain bug surréaliste allait me faire éclater de rire. Mais même pas, c’est juste médiocre tout le temps. Certes, j’ai rencontré des bugs quasiment inédits dans ma vie de gamer (les autosaves au moment où le personnage meurt, ça ne s’invente pas), mais oh et puis zut je ne sais même pas pourquoi j’essaye encore d’argumenter : c’est juste pénible, comme être mal assis dans une salle d’attente en attendant son tour de recevoir un coton-tige dans le nez après plusieurs jours dans la ligne 13 aux heures de pointe par refus patronal du télétravail et incurie ministérielle.
Pendant les 8 heures passées à jouer à Serious Sam, j’aurais pu m’avancer dans du travail perso, j’aurais pu téléphoner à ma famille, j’aurais pu réparer cette barre de douche cassée chez moi, apprendre à faire un rice burger, ou me promener au bord de la rivière pour profiter des derniers jours de la fin de l’été (on est en 2020, au bord de l’abîme climatique, je peux écrire ça en octobre). Il faut dire qu’habituellement, et même si je teste pas mal de jeux pour ce site, j’essaye de ne cibler que des jeux dont j’ai l’impression qu’il ne me feront pas perdre mon temps qui, s’il n’est pas forcément précieux, est tout de même compté.
Parfois, les jeux les plus obscurs ou les plus modestes que je reçois sont d’excellentes petites surprises, et parfois des déceptions cruelles, mais je ne vise jamais d’écrire sur des jeux dont je sens qu’ils ne seront qu’une longue perte d’énergie. Quand ça arrive, j’aime que l’expérience soit quand même mémorable par assez d’aspects pour que j’en retire quand même quelque chose, au moins l’impression d’avoir une bonne histoire à raconter tant le jeu était déviant dans son ratage. C’est rare que ça marche aussi peu que cette fois-ci. Je n’en ressors pas grandi. J’en ressors fatigué, et personne ne me rendra jamais cette énergie.
Vous avez remarqué ? Ça fait un moment que je ne vous parle plus du tout de Serious Sam. Je n’aurais pas réussi à faire les 1200 mots réglementaires pour les critiques sur The Pixel Post sans prendre de nombreux détours et faire diversion avec mon histoire de barre de douche : le dictionnaire des synonymes français n’a pas assez de synonymes pour les mots « ennui » et « inintérêt ».
Serious Sam 4 a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Serious Sam 4 n’est pas assez catastrophique pour être vraiment rigolo, mais l’est juste assez pour être profondément ennuyeux et inutile comme un jour sans pain. Des couloirs, des arènes, des bugs par grappes de mille et des gunfights se résumant à reculer en tirant tout droit et en priant pour ne pas être piégé par un glitch ou un dysfonctionnement du système de sauvegarde automatique : c’est la mort du fun. Visiblement plombé par des problèmes de production (je ne peux pas me résoudre à penser que c’était ce que Croteam voulait livrer), Serious Sam 4 mérite d’être vite oublié et désinstallé, en espérant que le studio fera mieux une prochaine fois. Promis, on fera comme si on n’avait rien vu. Je ne résiste quand même pas à l’idée de vous laisser avec une dernière capture d’écran, tiens. J’espère qu’elle ne vous hantera pas.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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