Je ne sais pas trop comment je me suis retrouvé à devoir vous parler de Hunt : Showdown. Personne d’autre n’était inscrit dessus à la rédac, j’étais un peu curieux de savoir ce que faisait Crytek en 2019, j’arrive à un âge où on ressent le besoin de pimenter ses soirées avec des expériences inédites : bref, pour la première fois depuis presque vingt ans, moi, fan de jeux narratifs en solo et d’expériences calmes, je me suis lancé dans un jeu de tir multi compétitif à la première personne. Un monde dont je ne connais, sincèrement, absolument rien. Je n’ai pas été déçu du voyage
On va évacuer rapidement la question du contexte. Hunt : Showdown a été annoncé en 2014 chez Vigil Games, a subi deux annulations, a été ressorti pas en très bon état de la poubelle des déchets combustibles par Crytek, a traversé une interminable période d’early access, avant de finir par sortir dans un état assez bancal fin août dernier. Hunt : Showdown vous place dans la peau d’un chasseur de monstres dans la Louisiane marécageuse et dangereuse à la sauce western dégénéré, et mélange PvE (vous devez battre le boss) et PvP (vous pouvez buter vos petits copains pour chopper le trésor). Avec une originalité supplémentaire : vos personnages peuvent y passer pour de bon. Passé un certain niveau, un personnage perdu est effacé de votre compte, avec son équipement et son arbre de compétence. C’est un peu mou et graphiquement pas équilibré du tout, en mettant mon PC par terre sans raison alors que c’est pas très beau. Voilà, j’ai dit ce que j’avais à dire sur le gameplay de Hunt : Showdown, passons désormais à toutes les choses que le jeu m’a enseigné pendant mes sessions.
1) Personne ne joue le jeu
Comme je le disais, je suis amateur de jeux en solo, de jeux de rôle ou d’action, tout particulièrement. Le principe de ces jeux, c’est qu’ils expliquent leurs règles, et qu’il est généralement considéré comme une sorte de trahison (voire d’erreur de game design) qu’ils les enfreignent. Rien de tout ça avec Hunt : Showdown, puisque vous faites face pour l’essentiel à des humains. Et dans toutes les parties que j’ai faites, tout le monde faisait un peu la même chose, c’est à dire ne pas chasser le trésor, camper en bordure de la zone d’action, et dégommer à distance tout joueur essayant d’aller empocher la prime. La permadeath aide bien à transformer tout le monde en sniper embusqué, et personne ne bouge. Aucune mécanique ne vient faire remuer les gens s’ils ne sont pas forcés à le faire : c’est la mort du fun. Je me suis dit que ça devait être comme ça dans plein de jeux du même genre, et que les gens étaient là pour faire monter des jauges de points et des barres de ratio de victoire, davantage que pour vraiment tuer les monstres en pixels. Je pensais que c’est ça qui était rigolo.
2) Ah oui les microtransactions c’est un vrai problème, alors ?
Hunt : Showdown veut que vous achetiez des trucs. Il fait cohabiter des monnaies différentes. Il vous dit sans arrêt que vous pouvez acheter tel machin légendaire, que tel bidule sera déblocable si vous injectez du pognon dans votre bourse virtuelle. Je crois avoir compris que la progression dans ce jeu précis n’était pas spécialement pénalisée pour un joueur radin, qui se retrouvera uniquement avec un personnage très anonyme et des armes très random, contrairement à Jean-Baleine qui aura un joli machin qui brille. Je vois que les microtransactions de ce jeu sont considérées comme assez légères et peu invasives, je ne veux même pas savoir à quoi ressemble le reste.
3) Vous êtes supposés vous raconter « votre propre histoire »
Pas de contexte explicite, une direction artistique assez froide, aucun processus de narration ni de près ni de loin, tout le monde a un peu la même tête, personne ne sait pourquoi il y a des monstres dans le bayou, même la documentation du jeu a l’air de dire « débrouille-toi avec ça » : il faut aller jusqu’au site officiel du jeu pour trouver quelques lignes de lore écrites avec le cul qui ne vous éclaireront guère davantage. Je ne suis pas habitué à ça. A ce qu’on me montre un univers supposé tenir par la seule force évocatrice de son level design. Lequel ne m’inspire rien, sinon que les cartes sont moins jolies que dans la plupart des jeux solo de ma connaissance. Tiens, justement, parlons-en.
4) C’est vraiment à ça que c’est supposé ressembler, un jeu multi en 2019 ?
Jouer à n’importe quel jeu solo AAA en parallèle de Hunt : Showdown m’a récemment appris que le niveau d’exigence n’était ABSOLUMENT pas le même. J’imagine bien les raisons techniques derrière tout ça : proposer un univers qui s’adapte aux petites comme aux grosses bécanes, faire en sorte que les joueurs se concentrent avant tout sur la bagarre et pas sur les jolis décors, pas les mêmes moyens qu’un Sekiro. Les raisons ne manquent pas, mais pour moi qui ne suis pas spécialement attaché aux qualités graphiques des jeux, j’ai quand même eu l’impression de me retrouver à errer dans une piscine de soupe à l’eau saucée avec des biscottes sans sel. C’est un peu impersonnel, ni beau ni moche, un diorama fonctionnel et fade qui ne m’a pas donné envie de me promener. Ce n’est sans doute pas le but, mais moi, c’est aussi ce que j’aime.
5) Attendez, il faut ATTENDRE QUE D’AUTRES GENS SE CONNECTENT ?
Est-ce que je suis vraiment supposé regarder un écran pendant de longues minutes en attendant que le jeu daigne lancer une partie ? En attendant qu’il ait fini de ramer ? En attendant que CHAQUE JOUEUR AIT DIT QU’IL ÉTAIT PRÊT ? Je ne suis pas venu ici pour souffrir, ok ? Et je ne sais pas où vous trouvez le temps quand il y a tellement d’autres jeux qui sont un peu plus rapides à vous jeter dans le bain.
6) Les gens s’engueulent, je ne comprends pas.
Je me demande combien d’heures il a fallu à tous ces gens pour rédiger des tas et des tas de commentaires insultants sur les subreddits concernés et la page « magasin » de Steam. Dans un verbiage et avec de l’argot qui m’échappent globalement, de nombreux utilisateurs du service s’invectivent pour savoir si c’était mieux avant, si le dernier patch en date a ruiné leur vie, si tel ou tel bidule cosmétique justifie son prix. Encore une fois, je me suis demandé si c’est moi qui était jaloux de leur temps libre ou si tout cela n’était pas très sérieux.
7) C’est parfois rigolo
Je me suis retrouvé dans une partie avec quelqu’un qui était assez balaise. On s’est promenés un peu, on a tué deux trois campeurs, il me parlait avec un anglais que je qualifierai de « Bulgare LV1 », puis, sans raison, il m’a collé un pruneau en pleine poire. Je crois qu’on était supposés être dans la même équipe. Je n’ai pas bien compris. C’était un comportement un peu puéril. Mais en tout cas, c’était quand même un moment amusant. Bien sûr, j’ai perdu mon personnage à cause de la permadeath, mais ce n’est pas comme si j’allais rejouer à ce truc un jour.
8) Les amateurs de ce style de jeu de tir en ligne placent la barre de « l’originalité » extrêmement bas.
Dans tout ce que j’ai lu sur Hunt : Showdown, est revenu le terme « originalité ». Tuer des bestioles dans une sorte de grande arène et s’entretuer entre joueurs ensuite, dans un cadre semi-générique évoquant vaguement Far Cry 5 ou quelque chose comme ça, c’est original. Etant en train d’incarner un samurai cyborg tueur immortel de nonnes fantômes sur PS4 et étant en train de créer ma propre école de Poudlard des mercenaires en gérant un salon de thé sur Switch d’autre part, je me suis un peu demandé ce qu’il était opportun de qualifier de si original dans cette succession de matchs assez similaires les uns aux autres. Ma méconnaissance de la concurrence, sans doute !
9) Ce n’est décidément pas pour moi.
Je n’ai aucune idée de ce qui aurait dû me pousser à rester sur un jeu qui semble pourtant avoir une communauté dynamique et un suivi correct. Je pense que même avec des amis ou des gens de confiance, je ne me serais pas beaucoup plus amusé. La diversité du jeu vidéo, avec ses dizaines de titres qui sortent chaque semaine, me conduit à rejeter d’années en années une fraction plus importante de la production vidéoludique (et pourtant je suis un aventurier, les autres membres de la rédac vous le confirmeront). Ce n’est pas forcément qu’un jeu comme Hunt : Showdown soit mauvais, mais il fait partie de ces titres conçus, pensés et markettés pour d’autres gens que moi. Et ce n’est pas grave. Je retourne me rouler dans les souls-like.
10) Je devrais faire de la place sur mon disque dur
Pas moins d’une quarantaine de gros gigas des familles. Vu le rendu final du jeu, je ne m’attendais pas à ça. Il y a fort, fort longtemps, quand je tâtais des MMO à la Guild Wars, c’était souvent un problème. Ces jeux prennent une place dingue, pour un résultat assez éloigné de ce que proposerait un bon vieux AAA des familles. Mais la meilleure chose que m’ait apportée Hunt : Showdown, c’est l’occasion de faire un grand ménage sur mon disque dur. Je me suis laissé emporté, et j’ai libéré 278 Go de données. Sans compter la place que je vais gagner en le désinstallant. Merci Hunt : Showdown.
Hunt : Showdown a été testé sur PC, via une clé fournie par l’éditeur
Lors de mes quelques heures passées sur Hunt : Showdown, j’ai sans doute plus appris sur l’état du jeu vidéo en ligne en 2019 qu’en lisant dix articles sur le sujet. Loin d’être dans le bas du panier, le titre de Crytek m’a aussi beaucoup appris sur moi-même et mon incapacité, sans doute définitive, à m’intéresser à un jeu basé sur de la méchanceté collective et des monnaies virtuelles. Dommage, j’aime bien massacrer des horreurs dans le bayou. Plus qu’à relancer Resident Evil VII.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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