Je me suis étendu sur le sujet en long, en large et en travers : Celeste a marqué le milieu du platformer 2D, au point qu’on puisse constater un avant et un après au titre d’EXOK Games dans le paysage vidéoludique. Ce n’est pas Sockventure, premier jeu du petit studio Nighthouse Games, qui me fera mentir : ce dernier n’est ni plus ni moins qu’un Celeste-like. Autant dans son gameplay (dash, rebonds, stamina) que dans son level design, Sockventure a complètement compris les forces de Celeste, et s’est évertué, avec succès, à les reprendre à sa sauce. Ainsi, hormis des sauts un peu flottants qui peuvent déstabiliser sur les premières heures, le titre offre une maniabilité irréprochable, en adéquation avec l’exigence que demande son level design et la courbe de difficulté particulièrement raide qu’il montre. Mais si j’ai passé un aussi bon moment sur Sockventure, c’est autant pour le niveau de maitrise de son gameplay et de l’architecture de ses niveaux que pour le fait que j’ai su m’arrêter d’y jouer à temps. Car outre toutes ses qualités indéniables, le titre de Nighthouse Games m’a surtout rappelé qu’il était ok – voire salvateur pour l’appréciation d’un jeu – de ne pas faire tout ce qu’il avait à proposer.
Les complétionnistes frémiront devant ce postulat – navré, Elitchu – , mais mes récentes expériences vidéoludiques m’ont conforté dans cette opinion. Récemment, la chaîne YouTube Game Next Door axait une de ses chroniques sur le fait qu’il est ok de ne pas finir ses jeux, et qu’il est possible d’en avoir une opinion constructive même sans en avoir vu la fin – et je m’y suis retrouvé, notamment dans leur exemple de Ghost of Tsushima, qui m’est tombé des mains dans les mêmes circonstances, sans que j’aie pour autant un avis négatif à son encontre. Je ne m’aventurerai ainsi pas plus sur cet angle, au risque de les paraphraser – je vous renvoie plutôt directement sur la vidéo, la réflexion est intéressante – , pour orienter le sujet dans une direction un peu autre : en admettant que l’on finisse tout de même ses jeux, il est possible de ne pas tout faire dans un titre et l’apprécier à sa juste valeur.
C’est précisément le cas de Sockventure, dont on peut finir l’aventure en 4/5 heures sans forcer, mais qui table sur une extension de la durée de vie via des objectifs secondaires. Chaque niveau comporte un certain nombre de pièces à ramasser, certaines corsant pas mal la traversée des niveaux, ainsi qu’un objectif de zéro mort, et un temps de speedrun. À tout cela s’ajoutent des Dark Chapters, qui, à l’instar des Dark Worlds de Super Meat Boy, reprennent des niveaux existants pour les complexifier, et des chaussettes cachées dans des zones secrètes. Vous l’aurez compris, je n’ai pas tout fait, et plus précisément, je n’ai pas eu envie de tout faire, et ce pour plusieurs causes. Pour d’évidentes raisons de NULLITÉ, j’ai direct abandonné l’idée de finir le jeu sans mourir – hormis le chapitre 1, pour la postérité – , de même que les speedruns, passé le chapitre 5. Ce sont des types d’objectifs que j’ai pu tenter – voire réussir – dans les Rayman ou dans Braid il y a quelques années pour platiner mes jeux, tout en détestant la pratique, qui me stresse et m’énerve au plus haut point.
On pourra de base contester l’ajout de fonctionnalités dans le simple but d’augmenter la durée de vie d’un jeu, histoire de faire tomber une bonne fois pour toutes ce lien entre prix/valeur d’un titre et longévité – c’est la réflexion que je m’étais déjà faite en concluant The Longest Road On Earth, qui coûte 10€ pour moins de deux heures de gameplay, sans possibilité de rejouabilité, mais qui mérite largement son prix au vu de la qualité du pixel art, de son animation et de la présence d’un album d’une vingtaine de pistes. Mais cet aspect est presque annexe dans cette réflexion, du moins si l’on met de côté certains collectibles vraiment crétins à ramasser, comme ces fameux drapeaux nuls d’Assassin’s Creed – si vous vous posez la question, oui, je les ai tous trouvés, et non, ce n’était pas intéressant – ou du grind à l’excès, comme obtenir le niveau max des armes dans un Darksiders.
Non, ici les objectifs supplémentaires peuvent être intéressants à remplir, si l’on aime chercher tous les objets, try hard des niveaux sans mourir – je rappelle que certains psychopathes l’ont fait sur Celeste, en obtenant les fraises d’or – ou speedrunner leurs jeux. Cependant, à force de jouer, j’ai fini par reconnaître les tâches qu’il me plaisait de remplir et celles qui m’étaient pénibles. Et si l’arrêt d’un jeu avant d’avoir débloqué tous les succès/trophées peut piquer l’égo de l’ex-complétionniste que je suis, force est de constater que je prends désormais plus de plaisir à jouer depuis que j’ai accepté que tous les pans d’un titre ne s’adressaient pas forcément à moi.
C’est quelque chose que j’aurais aimé réaliser plus tôt, et qui m’aurait épargné quelques heures de purge vidéoludique, comme certains objectifs chronométrés de Borderlands 2, quelques collectibles particulièrement pénibles d’Hyper Light Drifter ou ce Triple Perfect Plus de Runner 2, une aberration de design et d’utilisation de mon temps, dont j’ai pourtant été bien fier à son obtention. Ce choix a probablement sauvé mon point de vue sur Sockventure, qui m’aurait été bien plus désagréable si j’avais persévéré davantage sur les objectifs secondaires, de même que, tout aussi récemment, j’ai passé un bien plus agréable moment sur NieR Replicant en le faisant en quasi-ligne droite plutôt qu’en m’encombrant du paquet de quêtes annexes, de la pêche ou de l’agriculture qu’il avait à proposer.
Non pas que ces activités soient nulles ou inintéressantes – elles ont d’ailleurs visiblement bien plu à nombre de joueurs·euses de mon entourage – , elles ne sont simplement pas pour moi, et il aurait été absurde de m’obstiner à les faire. À l’inverse, je me souviens avoir trouvé la mécanique de mouvements limités très intéressante dans Dungeons & Puzzles, quand Alan Hazelden, créateur de A Monster’s Expedition, conseillait de faire le titre sans s’occuper du même compteur. L’idée n’est ainsi pas de déterminer qui a tort ou raison dans sa manière de jouer, mais bien de reconnaître ses propres affinités avec des type de gameplays et d’objectifs et d’adapter sa façon d’appréhender un titre, quitte à ne pas en faire le tour complet.
Je n’ai cependant pas seulement ignoré des parties optionnelles de Sockventure car elles n’étaient pas de mon goût, j’ai aussi boudé un pan du jeu pour sa difficulté un peu trop élevée pour moi. Et ce sera peut-être mon seul reproche au titre de Nighthouse Games : sa gestion un peu chiche des sauvegardes. Si on apprécie cette option qui permet d’ajouter des checkpoints au sein des niveaux, histoire de ne pas se refader l’intégralité de tableaux parfois très longs, on regrette que, quitte à faire dans le Celeste-like assumé, le studio n’ait pas opté pour une option Sauvegarder & Quitter. Dans ces conditions, les Dark Chapters deviennent bien plus exigeants qu’ils ne devraient l’être, et c’est à 2h du matin un dimanche devenu lundi que, fasse au choix de persévérer malgré la fatigue ou abandonner une progression de plus d’une heure en coupant le jeu, j’ai fait celui de ne pas terminer le dernier Chapitre Sombre.
On en revient au débat stérile qui a fait rage il y a quelques semaines au sujet de Returnal, et dont je ne comprends même pas l’existence : oui, nom d’un chien, permettez des sauvegardes temporaires afin de pouvoir couper le jeu et le retrouver au même point en le relançant. Imposer des sessions de plusieurs heures à son public est un choix absurde : on sait techniquement faire une telle chose et cette fonctionnalité n’est en aucun cas un facteur de difficulté, seulement de confort de jeu. Mince, même les FromSoftware permettent ça.
Sockventure a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
J’ai définitivement passé un bon moment sur Sockventure. Son gameplay quasi-irréprochable couplé à un level design inventif et efficace permettent quelques excellentes séquences de plateforme 2D, dignes de son évident modèle qu’est Celeste. Mais si cet avis est à ce point positif, c’est aussi car j’ai su arrêter mon expérience sur le titre de Nighthouse Games à temps, c’est-à-dire avant de me lancer dans des objectifs secondaires chronophages et personnellement pénibles pour une récompense moindre, qui m’auraient laissé avec une appréciation bien moins positive si je me les étais infligés. Il s’agit probablement de la forme de recul la plus reposante que j’ai pu obtenir face au jeu vidéo ces dernières années, et ma dizaine d’heures passée sur Sockventure l’a confortée comme rarement.
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