Petit survival horror produit par le studio tchèque Enigmatic Machines et édité par tinyBuild, Expedition Zero vous propose de vous enfoncer quelque part au fin fond de la Sibérie soviétique, à la recherche d’une équipe scientifique mystérieusement disparue. Sans doute emportée par les bugs qui parsèment un FPS à la limite de l’injouable.
Devoir écrire sur un titre comme Expedition Zero, c’est essentiellement une affaire de curseur : est-ce que je dois essayer de trouver dans ce jeu plein de bonnes intentions, ce qui fonctionne malgré tout, et vous dire que dans quelques mois, à coups de patchs et de mises à jour, il deviendra peut-être bien ? Ou dois-je me contenter d’un listing de problèmes soulignant combien l’écart est hélas grand entre la démo du jeu, prometteuse, et le résultat final, franchement cata ? C’est particulièrement délicat dans le cas d’Expedition Zero qui, sous sa couche de n’importe quoi, tentait vraiment quelque chose d’assez singulier, le tout dans une aventure compacte et oppressante qui aurait pu livrer quelques belles surprises. De guerre lasse, il faut quand même que je vous parle de tout ce qui m’a conduit à passer un moment fort désagréable sur ce titre dont le développement ne semble tout simplement pas terminé.
L’arène des neiges
En matière de mise en scène, Expedition Zero fait dans le minimalisme le plus cru : vous êtes en Sibérie, à l’époque du soviétisme déclinant, et les autorités ont construit un immense mur pour cercler une zone où il se passe des trucs étranges. À la recherche d’une expédition scientifico-militaire mystérieusement disparue, vous allez errer dans la neige, vous faire cibler par des miradors hostiles, mourir de froid et vous faire attaquer par des zombies errant dans l’ombre et l’obscurité. Le tout pendant sept à dix heures qui sont une assez mauvaise publicité pour le tourisme dans le grand nord.
Parlons tout de même de ce qu’Expedition Zero fait bien : sous son âpreté extrême (presque pas de PNJ, pas franchement de narration continue, quasiment aucune cutscene), le jeu parvient très bien à imposer son rythme et son ambiance. Tout est froid, cassé, hostile, vous arrivez clairement après la bataille, seul et perdu face à l’immensité du danger qui vous fait face. En tant que jeu d’ambiance, Expedition Zero fonctionne, arrive même une ou deux fois à faire frissonner, et on se plaît à penser qu’il aurait fait un excellent walking simulator d’angoisse. On retient tout particulièrement le design sonore à base de bips angoissants, de gémissements dans les fourrés et de bruits de pas étouffés.
Le sentiment installé par le jeu va vous conduire, en gros, à devoir adapter vos stratégies de survie et à progressivement passer du statut de proie traquée par tout ce qui passe et vulnérable aux températures extrêmes à celui de chasseur bien au fait de son environnement et capable d’anticiper les dangers de la faune locale. La montée en puissance est assez bien gérée, et on apprécie particulièrement de trouver des zones à explorer relativement petites mais au level design assez malin pour toujours titiller notre curiosité et nous pousser à développer notre protagoniste. Ceci étant dit, il est fort dommage que tout le reste soit aussi cassé.
Un FPS à 10 FPS
Passons sur l’équilibrage général du jeu, qui me semble avoir été un peu raté mais que je peux mettre sur le compte de choix conscients de game design : dans Expedition Zero, la mort arrive globalement trop vite, le jeu ne vous laissant quasiment pas de droit à l’erreur ni de possibilité d’expérimenter avant de vous punir sauvagement. Le craft des objets et des améliorations est laborieux, le moindre écart est sanctionné par une défaite sèche, et la courbe de difficulté est assez mal pensée, vous mettant trop vite face à des menaces trop concrètes. Bref, on finit par spammer la touche de sauvegarde rapide, quand elle veut bien fonctionner, et on recommence des séquences entières en boucle de manière un poil répétitive. Mais passons.
Le vrai problème d’Expedition Zero tient surtout à des soucis de performances critiques, rencontrés par nombre de joueurs et de joueuses. Soucis qui font inexplicablement chuter le framerate du jeu (peu importe la résolution et les options graphiques), causent des freezes en série ou rendent l’action saccadée et illisible. Malgré plusieurs énormes patchs apportés depuis la sortie, ces problèmes persistent, et donnent trop souvent l’impression que le jeu fait hurler les ventilateurs de votre PC uniquement pour afficher une bouillie pâteuse à l’écran.
Plus grave : certains bugs critiques empêchent tout simplement d’avancer correctement dans le jeu, forçant parfois à recharger de vieilles sauvegardes. Sans aller jusqu’à faire un inventaire complet, disons qu’il m’est arrivé entre autres : de ne plus pouvoir utiliser la lampe torche (ou de voir sa batterie se vider alors qu’elle était éteinte), de ne plus pouvoir équiper mon radar manuel indispensable pour m’orienter, de me retrouver face à des ennemis devenant brutalement invincibles ou encore de voir le jeu tout simplement planter et corrompre ma sauvegarde suite à l’utilisation de la fonction voyage rapide. Au rythme d’un bug critique toutes les vingt minutes à peu près, il m’a semblé jouer à une version alpha, voire à une démo en forme de note d’intention, et non à un produit fini (vendu certes au prix très modeste d’une quinzaine d’euros).
Souffle au Stalker
C’est dommage : Expedition Zero se place dans une catégorie qui manque cruellement de jeux ambitieux, à savoir les clones du S.T.A.L.K.E.R de GSC Game World. La position du guide solitaire dans des terres hostiles et désolées est passionnante, et mériterait que ses émules apportent davantage de satisfaction. D’autant plus que dans ce cas précis, la proposition est assez différente pour capter l’attention : au monde relativement plein, organisé et compétitif de S.T.A.L.K.E.R, Expedition Zero propose l’angoisse de la solitude d’une région peu densément peuplée, faisant de vous l’un des rares êtres vivants du coin.
Expedition Zero mériterait donc beaucoup mieux et avait un vrai coup à jouer dans sa catégorie. Et on imagine (vu le rythme des mises à jour) qu’une bonne partie des problèmes relevés plus haut finira par être partiellement ou totalement résolue par le travail acharné des développeurs et développeuses continuant de le réparer. N’empêche que cela pose une fois de plus la question, trop souvent abordée depuis quelques années, du nombre croissant de jeux sortant dans cet état cassé, inégal, pas fini. Un mélange de mauvaises conditions de développement, de pression financière, de temps de développement sous-estimé, de mauvais suivi de la part des éditeurs ? Un mélange de tout ça sans aucun doute. Difficile de dire ce qui a eu raison d’Expedition Zero dans tout ça, mais tant que le jeu n’a pas été réparé pour de bon, c’est hélas à fuir comme la peste.
Expedition Zero a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Sound design engageant, sentiment de solitude oppressant, bonnes idées de level design : il y avait quelque chose d’intéressant dans Expedition Zero, sorte de S.T.A.L.K.E.R miniature et solitaire dans le froid et le brouillard sibérien. Mais on ne peut juger un produit qu’avec ce qu’on a et non avec ce qu’on aurait pu avoir, et le jeu d’Enigmatic Machine n’est tout simplement pas agréable à jouer en l’état, voire perclus de bugs bloquants allant parfois jusqu’à l’absurde (touches qui ne fonctionnent pas, inventaire bloqué, etc.). Pour tout vous dire, j’ai toujours un pincement au cœur quand je trouve si peu de choses agréables à dire d’un produit qui aurait pu être tellement davantage mais c’est ainsi : Expedition Zero est une énorme déception.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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