On l’a dit au sujet de Paper Trail, de Lorelei and the Laser Eyes, d’Animal Well, Isles of Sea & Sky, de Duck Detective, Botany Manor et d’encore tant d’autres titres : 2024 est une année particulièrement généreuse pour les amateur.rices de puzzle games. Chaque mois voit débarquer une proposition ingénieuse et originale, certaines allant jusqu’à redéfinir leur genre et se hisser parmi les potentiels GOTY. Et l’année est loin d’être terminée, puisque l’on continue de guetter les sorties de The Rise of the Golden Idol, LOK Digital, la version Steam de The Roottrees are Dead et probablement d’autres surprises qui ne manqueront pas d’arriver, car la mode du shadowdrop n’est pas passée.
En attendant, Arranger: A Role-Puzzling Adventure fait honneur à son millésime, en suivant grosso modo la même philosophie que le chouette Paper Trail. Durée de jeu assez réduite (environ 7 heures, plus si vous voulez faire toutes les quêtes annexes), des briques de gameplay qui préfèrent se renouveler plutôt que de s’empiler, une chouette patte graphique, et une histoire aussi sympathique que peu envahissante, au service d’un concept simple, redoutable et prompt à brouiller notre perception des niveaux. Quand je disais que 2024 était une bonne année pour le puzzle game.
Que des numéros 10 dans mon Steam
Si Arranger est le premier titre de Furniture & Mattress, son équipe est loin d’être composée de novices de l’industrie, au point que l’on pourrait parler d’un équivalent de supergroupe (vous savez, ces groupes de musique dont les membres sont issu·e·s d’autres groupes connus). On retrouve ainsi David Hellman à la DA (illustrateur de Braid), Nick Stuttner au scénario (auteur/co-auteur sur Carto, Guacamelee, ESC, Celeste, Bloodroots, JETT: The Far Shore, mais également directeur de la publication chez Panic), Nico Recabarren à la conception (Ethereal) et Tomás Batista à la BO (également Ethereal). Du très beau monde, et, contrairement à beaucoup de supergroupes musicaux (allez, on peut se l’avouer maintenant, Audioslave, Atoms For Peace, Minor Victories ou Chickenfoot, c’était quand même un peu décevant), les associations dans le jeu vidéo sont souvent plus heureuses, en témoignent déjà des œuvres comme Disc Room ou Chicory.
Car, vous l’aurez compris, Arranger est très réussi. Le titre repose sur une unique mécanique, liée au déplacement de notre personnage, Jemma, qui emporte avec elle toutes les cases, objets et personnages inclus, situés sur la même ligne ou colonne que son mouvement, dans des niveaux quadrillés. C’est un peu galère à expliquer et à se représenter sans image, mais c’est précisément à ça que sert le trailer juste au-dessus, alors merci de ne pas me laisser galérer et allez juste voir de quoi il retourne. Car c’est là toute la force d’Arranger : une fois posé devant le jeu, le concept se comprend dès le premier tableau. Et ne cessera dès lors d’évoluer et de muter dans toutes les directions possibles, toujours avec beaucoup d’inventivité et d’originalité.
Mais si cette variété dans l’exécution de son concept fonctionne si bien, c’est avant tout grâce à l’élégance avec laquelle les nouvelles idées sont présentées. Le titre est globalement dénué d’écrans de tutoriel, et fonctionne avec une quantité très réduite de boutons : tout se découvre de manière organique et instinctive. Le level design nous mène naturellement vers la bonne configuration pour expérimenter une nouvelle mécanique et nous permet de comprendre chaque nouveau type d’énigme sans le moindre texte ou carton d’explication. C’est ainsi très reposant d’évoluer dans un jeu qui a suffisamment confiance et dans sa conception et dans son public pour se permettre cette épure didacticielle.
65 ways of static
L’autre raison de cette réussite réside dans l’exécution de ces idées de gameplay. Si certaines ont déjà été vues ailleurs (on a du Sokoban, on a des personnages liés entre eux dans leurs déplacements façon Crypt of the NecroDancer, des blocs qui restent immobiles et peuvent coincer le mouvement, des chemins parfaits à trouver, ou encore des logiques héritées du Rubik’s Cube), la stratégie que l’on est habitué à appliquer ne fonctionne plus une fois confrontée au principe de base. Arranger parvient ainsi à constamment surprendre, en piochant dans des mécaniques pourtant classiques et parfois même un peu éculées, et en les tordant selon sa propre logique. Une manière assez maline de faire du neuf avec du vieux.
D’autant que ces mécaniques ne se marchent que très rarement les unes sur les autres : chaque zone possède sa poignée de briques de gameplay, que le jeu abandonne (parfois définitivement) en passant à la suivante. On se retrouve ainsi constamment confronté à de nouveaux types d’énigmes jusqu’à la zone finale, ce que je trouve infiniment plus stimulant que de pousser la complexité d’une poignée d’idées au maximum. Certaines idées auraient tout de même pu être poussées un peu plus loin, j’ai parfois pu trouver frustrant de voir disparaitre une chouette mécanique après seulement une poignée de tableaux, mais je préfère toujours que le regret aille dans ce sens plutôt dans celui de l’idée de trop. Si le jeu a tout de même une courbe de progression notable, avec quelques bons casse-têtes sur le dernier tiers qui m’ont fait aller toucher de l’herbe, on ne se retrouve jamais submergé face à des tableaux trop grands ou trop remplis. Même durant les quelques combats de boss (très correctement exécutés, ce qui est rare pour le genre du puzzle game), Arranger parvient à conserver un minimalisme très appréciable, qui préfère baser sa difficulté sur son level design et la philosophie de son gameplay, plutôt que dans la quantité de possibilités et d’éléments à l’écran.
Un minimalisme qui ne pose finalement de soucis que dans la structure de l’aventure. Si on ne cherche jamais bien longtemps son chemin pour la quête principale (avec en plus une petite option d’accessibilité qui propose d’activer un marqueur d’objectif), c’est en revanche un peu plus nébuleux quand il s’agit de retrouver les objectifs secondaires dans un jeu sans carte ni voyage rapide. D’autant que le point de non-retour, qui avise de bien résoudre toutes les quêtes annexes avant de se lancer dans le tunnel final, en est réellement un : une fois le jeu terminé, la sauvegarde nous replace juste avant le boss final dans la dernière zone, toujours sans possibilité de retourner en arrière, là où la plupart des jeux permettent de retourner se promener une fois le générique passé. Rien d’extrêmement grave, mais une petite frustration de devoir recommencer tout le jeu pour espérer le platiner, dans des conditions pas forcément optimales.
Arranger: A Role-Puzzling Adventure a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Nintendo Switch et PlayStation 5.
J'aimerais dire qu'on voudrait voir plus souvent d'excellents puzzle games comme Arranger: A Role-Puzzling Adventure, mais le fait est que c'est déjà le cas : l'année 2024 voit défiler mois après mois des petits bijoux de conception. Ce qui n'est pas une raison pour bouder le titre de Furniture & Mattress. Avec son concept malin et parfaitement mené de bout en bout, ses idées de gameplay qui s'enchainent à un rythme effréné, sa très jolie DA et sa durée idéale, il serait vraiment dommage de ne pas faire d'Arranger son casse-tête de l'été.
Les + | Les - |
- La mécanique de base fonctionne jusqu'au bout et varie les idées et concepts malins | - Quelques idées auraient pu être un peu plus développées |
- Rythme et durée parfaits | - Une carte pour les objectifs secondaires aurait été pratique |
- Qu'est-ce que c'est beau ! | |
- Les boss sont inventifs et à propos |
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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