Cette fois-ci dans Partie Rapide, Un Rieur se fait prendre la tête par un diaporama avec The Search et Zali évoquera le théâtre d’ombres de Projection : First Light.
The Search
Vous vous en doutez, je suis un type un peu bas du front. Même si j’aime bien qu’une œuvre tente de me faire réfléchir sur des sujets philosophiques (coucou NieR: Automata et Disco Elysium), je préfère qu’elle m’incite à y réfléchir par moi-même en tentant de les mettre en application, ou en essayant de m’en imprégner ; au final je prends quand même beaucoup mon pied sur des jeux/ films/ livres très bêtes et méchants. Quand j’ai lancé The Search, je ne m’attendais à pas grand chose d’autre qu’un petit jeu d’énigme onirique qui parlerait vite fait d’art, au final je me suis retrouvé à me faire bourrer le crâne par des citations de Joseph Campbell et de Carl Jung.
Prends-moi le cœur pas la tête
Du coup, de quoi The Search est-il le nom ? Du jeu d’un seul homme, Jason Godbey de son petit nom, qui ressemble fort à Myst dans ses mécaniques. Vous serez face à des écrans fixes et vous pourrez vous déplacer à la souris dans un univers onirique, et votre but sera d’avancer dans les différentes saynètes en résolvant des énigmes à base de : trouver un pinceau, une toile et un pot de peinture, puis appliquer la peinture sur la toile après avoir trouvé un objet à réduire en cendres pour teindre la peinture. Très honnêtement, je ne reprocherai pas au titre la simplicité et le peu de diversité de ses énigmes, sachant le jeu fait par une seule personne ou presque, de même que sa courte durée de vie (j’y ai passé un peu moins d’une heure) ; car délivrer une expérience de gameplay innovante ou prenant aux tripes n’est pas l’objectif du jeu. Son but serait plutôt de nous pousser à l’introspection par rapport à notre vision de l’art, de notre « moi » intérieur, et de notre rapport au monde. Dit comme ça, cela semble bien ambitieux, mais d’autres jeux modestes arrivent très bien à susciter et à induire une réflexion sur des sujets très profonds.
Je partais donc avec de bonnes dispositions dans The Search dans un premier temps. Puis sont venues les premières notes disposées dans les tableaux, et ce fut la déception. Chaque note est accompagnée d’un commentaire de la protagoniste, et celle-ci ne laisse pas au joueur le temps de réfléchir au contenu de ce qu’il vient de lire, en embrayant tout de suite sur des explications qui citent presque exclusivement Campbell ou Jung. Alors, même si j’apprécie les travaux du premier, notamment pour ce que ça a apporté au cinéma et à l’écriture de scénario en général (c’est le monsieur qui a théorisé le concept de monomythe), je n’étais pas forcément prêt à avoir un jeu qui me vomit dans la tête des concepts théoriques et philosophiques en le citant directement à longueur de temps. C’est une expérience, qui, en plus d’être frustrante car elle me prive de la possibilité de me faire mes propres opinions, est fortement horripilante. J’ai l’impression de regarder un élève ou un prof excessivement méprisant me citer ses auteurs préférés, des étoiles plein les yeux, mais sans que lui-même ne maitrise parfaitement les concepts manipulés.
Droit de Citer
Vous me trouvez peut-être un peu dur et excessif envers ce pauvre The Search… après tout le créateur a peut être simplement voulu partager ses réflexions à propos des théories de ses auteurs fétiches à travers un jeu ? C’est très probablement le cas, et je ne blâme pas l’intention, je blâme la forme. D’une part, le jeu nous présente des éléments de réflexion, ainsi que des pistes assez ouvertes sur l’interprétation et l’appropriation desdits éléments. Mais d’autre part, la protagoniste ruine tout l’aspect introspectif pour le joueur, en lui donnant sa propre vision des choses (en n’oubliant pas de name drop le gars qui va bien parce que pourquoi s’en priver) et le jeu lui donnera toujours raison ; rendant inutile toute implication profonde du joueur, celui-ci n’étant que le témoin de la progression des pensées de la protagoniste. De fait, on se retrouve avec un jeu qui saborde de lui-même son aspect le plus intéressant, et qui nous donne comme seul objet d’intérêt son gameplay et ses « énigmes » plus que limitées.
En fait, je pense que The Search n’est pas un titre qui s’adresse à moi, ni à grand monde en fait, à part à Jason Godbey lui-même. Je suppose que beaucoup des réflexions de la protagoniste viennent de la vie du créateur du jeu, et qu’en le créant, Jason a voulu essayer de faire un état des lieux de son esprit à un instant donné. Si l’exercice de faire un jeu personnel et bilan pour soi-même peut être intéressant voire enrichissant pour le joueur comme le créateur (voir something for someone else ou bien That Dragon Cancer), dans le cas de The Search, on est plus dans l’état des lieux personnel pour le créateur, et la leçon pour le joueur. Ce qui n’est agréable pour personne, et enrichissant seulement pour un seul des partis.
De manière assez évidente, je n’ai pas passé un super moment à parcourir The Search. Trop professoral à mon goût, se tirant une balle dans le pied en ne laissant pas plus de latitude au joueur ou en ne lui faisant pas confiance pour interpréter son message, j’ai juste eu l’impression qu’un type méprisant s’est senti d’humeur charitable et a voulu m’illuminer de son savoir qu’il pense être supérieur à la moyenne (toute ressemblance avec une situation vécue en soirée serait purement fortuite). Mais ne soyons pas totalement négatifs, il est possible que je ne sois juste pas réceptif au jeu. Au pire, il n’est pas très long, donc il ne vous fera pas perdre trop de temps.
Projection : First Light
Après avoir fait un petit tour par l’Apple Arcade (moi aussi, comme vous, j’avais oublié l’existence de l’Apple Arcade) il y a un an, Projection : First Light est de retour pour une sortie sur consoles. Si le titre de Shadowplay Studios n’est pas le premier jeu de l’année à proposer des énigmes basées sur le fait de bouger des trucs lumineux (c’est le quatrième rien que pour ma pomme), il se distingue par une ambiance graphique assez différente de la concurrence… Et une exécution qui laisse un peu à désirer.
Papillon de lumière
Dans un monde d’ombres et de papier découpé, une petite fille nommée Greta enchaîne les bêtises en poursuivant un petit papillon lumineux… Et au terme d’un bref niveau tutoriel où on apprendra à la manipuler, elle finit par causer une série de catastrophes de grande ampleur en ville qui vont lui valoir une sévère punition de la part de ses parents. Pas de problème pour la petite peste, qui s’empressera de filer à l’anglaise et de se lancer dans une fugue épique qui l’emmènera beaucoup plus loin que prévu.
Ce point de départ est un prétexte pour faire voyager la petite fille dans différents environnements qui évoqueront tantôt les théâtres d’ombres balinais traditionnels, tantôt les univers des films de Michel Ocelot. L’essentiel du gameplay est assez simple : pour progresser dans les différents tableaux, Greta peut faire bouger une petite source lumineuse qui va projeter de manière inversée les ombres du décor, ombres qui peuvent lui servir de plate-forme ou de véhicule pour atteindre des endroits inaccessibles. Une énigme typique de Projection : First Light : Greta est au pied d’une falaise, cette dernière est creuse à l’intérieur, et y placer la lumière va créer une ombre sous la petite fille et lui permettre de grimper à des hauteurs inattendues.
En dehors d’une progression assez classique mais efficace qui déroule une histoire muette mais riche en rebondissements inattendus, les niveaux peuvent être reparcourus avec l’idée d’attraper l’ensemble des papillons cachés dans le décor. De quoi prolonger un peu les 6 ou 7 heures nécessaires pour boucler l’aventure… Si vous arrivez à ne pas désespérer de la physique un peu particulière du jeu.
Casse-toi tu bug et marche à l’ombre
Le principal souci, voire le principal pic de difficulté involontaire du jeu édité par Blowfish Studios tient à sa physique pour le moins approximative. Pour être clair, la plupart des énigmes sont assez faciles à surmonter en théorie, et il est rare qu’on ne comprenne pas quel pot ou quelle caisse bouger pour projeter une ombre au bon endroit pour que notre héroïne poursuive son voyage… Quand la physique du jeu est d’accord avec vous. Caisses qui sautent toutes seules, ombre qui se projette un peu au hasard, curseur qui se déplace sans qu’on lui demande rien, et plus globalement un moteur physique difficile à appréhender font de Projection : First Light un joyeux parcours du combattant de la frustration vidéoludique. Pour un jeu basé sur le placement et le déplacement d’éléments, ce jeu manque définitivement de précision et de finition.
Plus ennuyeux encore, des bugs assez fréquents m’ont parfois empêché d’avancer et poussé à recharger ma partie… Quand elle ne se rechargeait pas toute seule à la suite d’un bon vieux plantage des familles. Et c’est dommage : Projection : First Light possède une direction artistique charmante, beaucoup de bonnes idées et une approche originale de la narration muette empruntant beaucoup au théâtre et au conte. Encore faut-il que le joueur ou la joueuse puisse en profiter dans de bonnes conditions !
Projection : First Light a été testé sur Switch, via une clé fournie par l’éditeur.
On aurait aimé que le premier essai du studio australien à l’origine de Projection : First Light se traduise par quelque chose de plus abouti qu’une superbe direction artistique assortie d’un jeu tout cassé. En l’occurrence et quitte à choisir, quand on parle de puzzle games, le contraire est encore préférable. Sympathique mais perclus de petits défauts de conception, il ne restera hélas pas dans les mémoires. Dommage !
Un Rieur
J'aime tous les jeux, surtout les jeux un peu nazes ou cassés. C'est pas parce que c'est nul que c'est pas bon, et puis j'aime aussi la bouffe, et le JDR
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