Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift s’est creusé les méninges sur le puzzle game The Pedestrian et s’est plongé dans l’histoire du mini-jeu de crochetage avec Museum of Mechanics: Lockpicking.
The Pedestrian
La courte – mais néanmoins agréable – trêve de Noël de surproduction vidéoludique s’achève, et avec elle les quelques semaines de répit durant lesquelles j’ai pu vaguement vider mon backlog – avant de le reremplir au quadruple, comme tous les ans. Et cette année, entre deux moments de violence régressive sur la série Gears of War, j’ai enfin pu m’atteler au puzzle platformer de Skookum Arts, The Pedestrian (rien à voir avec la nouvelle de Ray Bradbury, a priori), qui me faisait tout de même de l’œil depuis 2017.
Tout est lié
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’était une très bonne pioche. The Pedestrian fait partie de ce club de puzzle games au concept terriblement simple, et que les développeurs vont tordre dans tous les sens pour l’exploiter au maximum, sans empiler les couches de gameplay ou faire durer le jeu trop longtemps. Et The Pedestrian touche pour ma part un sweet spot de manière incroyablement précise. Il n’est jamais trop simple pour que je me sente insulté par une énigme, ni trop compliqué pour que je me décourage, ni trop confus pour que je ne sache pas si ma méthode est la bonne, ni trop long pour que je m’en lasse, ni trop court pour que je sois frustré devant un potentiel inexploité. En cela, le rythme, la durée et la difficulté de The Pedestrian touchent quasiment la perfection.
Ce concept simplissime, c’est de faire se déplacer un petit bonhomme de panneaux en panneaux, qu’il s’agisse de tableaux d’écoles – puisqu’elles sont toujours ouvertes, bravo Jean-Mi – de panneaux de signalisation routière, de post-it, tickets, bref, vous avez l’idée, et de relier leurs portes ou échelles ensemble pour permettre une navigation de niveau en niveau. Du puzzle platformer en 2D somme toute assez simple – on saute, on évite quelques scies et lasers, on pousse et tire des caisses – mais dans des niveaux fragmentés et dont les morceaux peuvent parfois servir plusieurs fois, pour des utilisations différentes. Brillant.
Et l’intelligence de The Pedestrian se trouve non seulement dans ce concept de base, mais dans les quelques variations qu’il a l’élégance de ne pas trop empiler. Des câbles électriques à relier pour activer des interrupteurs, des portes ou des ascenseurs, du gaz permettant de geler le contenu d’une salle, des portes que l’on peut passer en superposant certains panneaux : encore une fois, que des mécaniques classico-classiques, mais qui, une fois couplées à cette structure de niveaux fragmentés en panneaux, fait des merveilles et permet une véritable créativité de level design et d’énigmes. Le petit plus se trouvant dans cette excellente idée de provoquer des réactions dans l’environnement autour des panneaux avec un levier ou un interrupteur : la porte grillagée d’un jardin qui s’ouvre, un tramway qui se met en marche… L’effet est encore une fois simple, mais particulièrement satisfaisant et immersif.
Et cette sobriété, j’ai bien failli la croire perdue, d’abord quand certains niveaux se sont agrandis et complexifiés – mais pas d’inquiétude à avoir, si les derniers actes peuvent impressionner, un peu d’observation suffit à démêler les bouts de tableaux – mais surtout dans le tout dernier monde, que je ne dévoilerai pas, mais avait tout de la très mauvaise idée et de la « mécanique de trop », que l’on croise très souvent dans le paysage indé, et qui nous a parfois un peu gâché la fin d’un jeu qui se tenait autrement très bien. Et non. Même avec une idée aussi casse-gueule que cet ultime niveau, The Pedestrian réussit à garder sa simplicité et son intelligence, et surtout son rythme. Suffisamment long pour qu’on comprenne où il veut en venir et développe sa dernière mécanique et suffisamment court pour que ce ne soit pas un dernier acte interminable : ce niveau, et le jeu dans la foulée, s’est achevé pile quand je me suis dit qu’il n’en fallait pas plus avant que j’en aie marre. Et peu de titres arrivent à cette prouesse.
Pas de grosse rejouabilité, pas de collectibles, de niveaux bonus ou de mystères à percer : The Pedestrian va droit au but, en se concentrant sur l’exploitation sans failles de son système simple mais brillant, en se payant le luxe de durer pile le bon temps sans faire de redites ou en allongeant la sauce. Une de mes nouvelles références du puzzle platformer, en espérant que Skookum Arts remette le couvert un de ces jours avec la même qualité.
Museum of Mechanics: Lockpicking
Heureux élu ouvrant le bal des jeux reçus pour TPP en 2022, Museum of Mechanics: Lockpicking n’en est pourtant pas un à proprement parler, de jeu. Développé par Johnnemann Nordhagen et ses acolytes de Dim Bulb Games (Where The Water Tastes Like Wine), le titre se trouve être très exactement ce que son nom laisse deviner : un musée à parcourir, découpé en ailes, et présentant l’évolution et les variations du mini-jeu de crochetage, à travers les âges et les genres. Le musée était déjà disponible sur itch.io depuis août 2020 et s’est enrichi au fil des mois jusqu’à atteindre la collection de 24 mini-jeux présente dans la version actuelle. Sa sortie sur Steam le 13 janvier dernier est l’occasion parfaite pour en parler.
Sa place est dans un musée
Car s’il ne s’agit pas vraiment d’un jeu, l’objet qu’est Museum of Mechanics: Lockpicking reste tout de même largement digne d’intérêt. En premier lieu, pour un sujet qui a largement squatté les bonnes nouvelles ces derniers mois : celui de la préservation du jeu vidéo. Que ce soit du côté de l’émulation, de la rétro-ingénierie, ou carrément les créateurs et créatrices qui mettent à disposition leur code source, la sauvegarde d’un certain patrimoine vidéoludique est un sujet sérieux et important, la conservation des œuvres étant particulièrement sensible au passage des années – fragilité des machines et des supports de jeux, arrêt de fabrication des consoles, jeux retirés de la vente et des plateformes…
Et si le musée proposé par Dim Bulb Games n’est pas en soi un cas de conservation de jeux vidéo entiers, il propose une collection assez intéressante et pertinente d’un aspect précis du paysage vidéoludique : le crochetage et plus précisément, les mini-jeux de crochetage. Nordhagen compte d’ailleurs d’une part agrandir le musée si d’autres occurrences lui sont proposées et d’une autre reproduire l’expérience avec d’autres types de mécaniques – il y aurait largement de quoi faire pour un musée du mini-jeu de piratage, par exemple, le jeu vidéo en étant également bien rempli (à notre grand dam).
Et c’est justement un peu ce qui nous a marqué avec ce musée : si l’idée est très bonne et mérite largement d’y consacrer une petite demi-heure de sa soirée, les mini-jeux exposés le sont – à mon goût – un peu moins. Ce n’est absolument pas une critique, ni même un point négatif du titre, qui est là pour répertorier – et mettre à la disposition des développeurs·euses intéressé·es – des mécaniques et leur histoire et qui le fait très bien. On notera d’ailleurs que chaque mini-jeu est accompagné d’un carton, décrivant brièvement le jeu dont il est tiré, les mécaniques du crochetage, et se fendant d’une courte analyse de la part de Johnnemann Nordhagen. Mais s’il est très intéressant de voir comment et pourquoi évoluent les mécaniques d’un jeu à l’autre d’une même licence – entre Oblivion et Skyrim, par exemple -, de voir les studios tâtonner, améliorer les idées des autres, partir dans des directions complètement opposées, ou proposer des mécaniques totalement régressives pour l’époque et le type de gameplay, force a été de constater qu’assez peu m’ont plu.
Le deuxième constat, ça a été que j’en connaissais finalement bien plus que ce que je pensais. Et passé le petit coup de nostalgie de retomber sur le (nullissime) mini-jeu de crochetage de Splinter Cell, sur l’interface du premier Fallout ou les adaptations de Frogger et du jeu de Memory pour Mass Effect et Mass Effect 2, je me suis effectivement souvenu que je ne les avais jamais aimées, ces séquences, au même titre que je n’apprécie guère celles de piratage. Ceci étant, certains restent assez amusants pris hors de leur contexte – mon principal problème avec ce genre de mini-jeux étant souvent leur trop grande récurrence et le cassage de rythme que cela implique – et l’ajout d’un leaderboard pour certaines pièces de la collection m’ont poussé à me prêter au jeu, me faisant momentanément repasser de mon statut de visiteur d’exposition à celui de joueur bien trop impliqué par la compétition proposée. On ne se refait pas.
Museum of Mechanics: Lockpicking a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur itch.io, à prix libre.
Le musée du crochetage dit s’adresser aux devs souhaitant s’inspirer, se documenter, voire reprendre telles quelles des mécaniques existantes de crochetage et, malgré son indéniable aspect ludique, insiste bien sur le caractère documentaire et mise à disposition de sa démarche – qui est toute à son honneur. Néanmoins, je pense qu’il est tout à fait pertinent pour des joueurs et joueuses d’aller y passer les 20/30 minutes nécessaires à sa complétion, histoire de constater le chemin parcouru par le jeu vidéo à travers la mécanique du crochetage. En espérant que Nordhagen et Dim Bulb Games réitèrent effectivement l’expérience avec d’autres points de gameplay.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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