Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali vous parle de Secret of Mana Remake et Veltar revient sur Where the Water Tastes Like Wine.
Secret of Mana Remake
Square Enix peut être accusé de bien des choses, mais pas de ne pas diversifier sa stratégie d’édition dans le domaine du RPG. Que ce soit sur les gros titres, les nouvelles licences, les suites, les projets plus confidentiels ou les remakes, l’éditeur semble occuper tous les fronts avec la même bonhomie parfois un peu plouc qui mène à des Final Fantasy XV sur PC où vous pouvez aller taper le monstre déguisé en mariachi en brandissant un cactus géant, à la manière d’un Saints Row designé par le docteur Frankenstein. Et dans sa stratégie, Square Enix ne néglige pas la nostalgie, avec une politique de création de titres « à l’ancienne » (Bravely Default, Lost Sphear) sous-traitée à des tiers et une volonté de faire vivre son vieux catalogue via des portages sauvages et souvent bâclés de son âge d’or. C’est ainsi que des Romancing Saga et autre Chrono Trigger déboulent un peu partout de manière quasi mensuelle, occupant un peu d’espace dans nos stores virtuels bien encombrés. Dans ce contexte, l’annonce d’un Remake de Seiken Densetsu 2 (Secret of Mana -c’est compliqué les noms de jeux Square chez nous-), en 3D cheap, avec du doublage approximatif et quasiment rien montré pendant le développement, n’augurait rien de bon. Ce même Secret of Mana, joyau de la Super Nintendo dont je ne suis par ailleurs pas fan est d’ailleurs ressorti dans divers boutiques virtuelles, et reste graphiquement tout à fait correct aujourd’hui. Il n’était donc pas certain qu’un remake soit opportun.
Patatras, et sans grande surprise, le résultat est pire encore que prévu. D’un A-RPG charmant mais perclus de défauts qui ont fait vieillir l’expérience, Square Enix fait une soupe infecte que je ne recommanderai pas au plus furieux des plus furieux des nostalgiques de la série. Évacuons tout de suite les quelques qualités du titre : il tournera sur un vieux PC sans difficultés, la nouvelle version française est correcte, et quelques remixes de titres de l’époque sonnent parfois bien à l’oreille au milieu de la bouillie sonore générale.
Un remake raté avec l’art et la manière
Un doublage grotesque et omniprésent (même en japonais), des modèles 3D grossiers et balourds, un sound design ridicule, et une maniabilité plus qu’approximative, voilà ce que Square Enix entend faire passer pour un deuxième service d’un des RPG de son catalogue ayant eu le plus d’impact au moins en occident. On sent que jusque dans sa genèse, le projet a été placé sur des rails foireux : aux cartes colorées et aux ennemis mignons de l’original se succèdent des décors marron-caca et des pâtés de polygones rigides ou frénétiques (se permettant même parfois le luxe des deux, tels ces marchands semblant tous atteints du Mal des Ardents). Ironiquement, la version Super Nintendo fait office de mini-map en haut de l’écran, permettant de réaliser l’ampleur du massacre esthétique de Secret of Mana 2018.
Plus étrange, plus irritant encore : les développeurs ont réussi à AGGRAVER certains problèmes inhérents au système de jeu déjà bizarre à l’époque. Plus possible de comparer les stats d’une armure avec la sienne avant de l’acheter. Plus aucune instruction d’explication vis à vis de l’XP. Une IA des compagnons du joueur revue à la baisse, et disparition de la customisation de leur comportement. Et, cerise sur le gâteau, un déséquilibre au lance-roquette de la difficulté du titre. L’expérience est distribuée à la truelle, les monstres sont chétifs et vous arrivez systématiquement trop fort en face de chaque épreuve. Quand aux problèmes de 1993, ils sont toujours là : l’écriture est pauvre, les menus confus, on ne sait jamais bien où on doit aller, et l’univers baigne dans une généricité désagréable, manquant à la fois de structure et de cohérence. En somme, un des remakes les plus détestables auxquels il m’ait été donné de toucher, et il est à espérer que Square Enix n’ait pas le cynisme d’infliger le même traitement aux autres jeux de la série, dont il faut rappeler que certains sont bien meilleurs que Secret of Mana (Seiken Densetsu 3 et Legend of Mana, tous deux inédits en France).
Where the Water Tastes Like Wine
C’était la promesse d’un dépaysement total. D’un voyage intrigant au cœur d’une Amérique trop peu connue, celle de sa tapisserie de folklores. Une errance où l’on prend conscience du pouvoir des histoires les plus anodines. Des histoires qui se transforment et changent, et finissent par ne plus correspondre en rien à ce qu’elles sont réellement. Bah Where the Water Tastes Like Wine, c’est tout pareil. Sauf qu’à la différence des histoires qu’on colporte, ça n’est pas pour s’embellir, mais pour décevoir.
American Travel Stories
Ambiance mature, du design entre la BD et le comics, et une narration solide. L’entrée en matière du jeu est sûrement une des plus belles réussites de Where the Water Tastes Like Wine. Ironiquement la partie de poker qui nous introduit à notre mission principale est un beau bluff. On s’imagine déjà errer comme un vagabond le long des routes, avec pour seule compagnie une bande-son de blues et de country. Notre personnage a tout perdu dans la partie de poker. Faut dire que le mec en face, avec sa tête de loup (chaque participant de la table a une tête d’un animal), c’est sûrement pas le gars le plus honnête du coin. Pas de bol, il nous faut accepter le marché du tricheur pour éponger notre dette. Nous voilà donc condamné à colporter et récolter faits divers et aventures.
Le but de tout ça est aussi d’être capable de divertir nos futur(e)s interlocuteurs et interlocutrices. 16 personnes d’importances sont éparpillées dans les Etats américains. Afin d’être en mesure de pas trop les emmerder, il faut s’attarder sur les événements qui parsèment les territoires états-uniens. Nuits dans un manoir hanté, rencontre avec une femme magnifique, diseuse de bonne aventure maudite, c’est pas franchement les anecdotes qui manquent.
Et puis on en arrive aux discussions avec un de ces 16 PNJS fameux. L’ambiance change radicalement des phases classiques où l’on recherche des histoires. C’est plus travaillé, plus profond et la narration (mention spéciale aux sous titres français très pertinents) atteint un degré d’écriture encore trop rare dans le jeu vidéo. C’est un des points forts du jeu mais je reviendrai dessus après.
On doit alors tenter d’utiliser au mieux tout ce qu’on a accumulé jusque-là dans les dialogues qui ont parsemés notre aventure pour divertir l’interlocuteur ou l’interlocutrice. Le menu pour ça est assez sommaire et il n’y a rien de vraiment punitif pour notre quête.
Où l’eau a un goût de piquette
Where the Water Tastes Like Wine c’est de belles choses hélas gâchées par un gameplay superficiel, des graphismes la plupart du temps immondes, et un rapide manque d’intérêt. Et je ne suis pas le seul à le dire. Comme Zali l’a rappelé dans l’Expresso du 5 avril, le créateur du jeu lui-même a admis de nombreux problèmes. Une déception que j’ai aussi partagé dans le dernier épisode sorti de Pique Sel Ball.
Parlons déjà de la narration. L’ambiance années 30 aux Etats-Unis est parfaitement reproduite. On a parfois quelques doutes sur la date approximative du déroulement du jeu, mais cela importe assez peu. Les personnages parlants qui composent le récit sont incroyablement convaincants. Ça se comprend vite quand on jette un coup d’œil au casting 5 étoiles du doublage (Lee Everett de The Walking Dead de Telltale, Delilah de Firewatch, Riju de Zelda BOTW, et même le chanteur Sting). Et c’est d’autant plus frustrant que les parties avec ces personnages sont rares et que le gameplay dans ces phases est un peu rébarbatif.
Et pourtant il s’agit de ce qui est le plus prenant. Parce qu’on va aborder la plaie de Where the Water Tastes Like Wine : la carte du monde. Se balader sur la map est infâme à la fois parce que ses graphismes flirtent avec un niveau PS1, et que le déplacement dessus y est lent et frustrant. Et ça, malgré la possibilité d’avancer plus vite en rythmant la marche (parce que c’est mal foutu). Impossible de passer par les grosses villes et de profiter des gares puisque pas mal d’histoires sont à l’extérieure des villes.
Et ces insupportables longueurs finissent par ternir les points positifs du jeu : la très bonne BO irrite à force de tourner en boucle et la narration développée fatigue parce qu’elle se construit avec un gameplay chiant. Le tout ruinant donc l’avancement même dans le jeu. Malgré l’énorme boulot et ses intentions sympathiques, le jeu n’aurait pas dû sortir en l’état. Il possède des défauts qui le rendent insipide une fois les 2 à 4 premières heures passées. Et j’ai du mal à croire que même de futures modifications par les développeurs changent grand-chose à ça.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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