Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift monopolise la parole puisqu’il a joué à deux roguelites : le bullet hell rythmique et minimaliste Temp Zero, et l’early access du jeu d’action en 2D Astral Ascent.
Temp Zero
« Mince, ça fait un moment que je n’ai pas touché à un roguelite » m’étais-je dit le mois dernier avec l’étrange sensation que le genre commençait doucement à s’essouffler après des années de déclinaisons plus ou moins heureuses. Bon, il se trouve que j’en ai reçu quatre en même pas deux semaines. Et le plus fou, c’est que les quatre sont plutôt bons et réussissent tous à se démarquer d’une façon différente. Le premier de cette petite série est un tout aussi petit jeu, développé par la toute, toute petite équipe composée d’Alexandre Kadri et Paul Hebbinckuys.
Pas plus vite que la musique
Le premier qualificatif qui vient à l’esprit en posant ses mains sur Temp Zero, c’est minimaliste. Le titre en mérite bien d’autres, notamment pour tenter d’expliquer son concept légèrement alambiqué, mais c’est sa simplicité à tous les niveaux qui le définit encore le mieux. Et ce n’était pas tellement ce à quoi je m’attendais en me lançant dans un « roguelite mêlant action frénétique et bullet hell musical ». Pourtant, ses développeurs revendiquent ce minimalisme et le poussent jusqu’au bout.
Une image valant bien mieux qu’un long discours, je ne pense pas avoir besoin d’expliquer en quoi les quelques figures géométriques qui se tirent lasers et balles colorées dessus forment une esthétique épurée, ni pourquoi un gameplay à trois actions (taper, dasher, utiliser son pouvoir spécial) ne constitue pas un système très complexe – mais cela dit très efficace et précis. Vous remarquerez que je n’ai pas évoqué de narration ou de scénario. Mais le minimalisme de Temp Zero se dévoile également dans sa structure et même dans l’application des codes du roguelite.
Le titre nous fait démarrer dans un hub, laissant le choix de l’arme et du pouvoir spécial, et, plus curieusement, de la musique qui nous accompagnera le temps de la partie. C’est l’aspect un peu original de Temp Zero : la difficulté du jeu repose sur le nombre de BPM de la piste choisie. Contrairement à un Crypt of the NecroDancer, où tout le monde – joueur·euse et ennemis – se déplace en rythme avec la musique, ici notre personnage peut bouger et attaquer librement, seuls les ennemis sont dépendants des pulsations. Résultat : là où Crypt of the Necrodancer plaçait sa difficulté dans l’exercice de suivre et respecter un rythme – allant jusqu’à torturer son public avec du ternaire –, Temp Zero l’augmente en faisant péter les battements par minute. Plus la musique accélère et plus les ennemis se déplacent et attaquent vite.
Et c’est à peu près tout puisque, comme je le répète depuis le début, Temp Zero est très concis. Ce que j’entends par là, c’est qu’hormis la difficulté, dictée par la musique choisie – on commence à 114 BPM, puis on passe à 134, 154, etc –, les runs sont toujours les mêmes et sont extrêmement courtes. Les arènes sont très peu variées, de même que les ennemis et les pièges, qui arrivent toujours dans le même ordre, ou que les améliorations à débloquer ; tout ça pour retomber encore et toujours sur le même boss au bout de 17 niveaux. Ce n’est pas bien grave, l’intérêt du titre reposant davantage sur la nervosité croissante de l’action que sa variété, même si l’on n’aurait pas craché sur quelques variations de boss ou d’ennemis. Le seul souci repose finalement dans son équilibrage un peu hasardeux, rendant les niveaux faciles assez vite ennuyeux et les niveaux difficiles vraiment stressants, sans trop de transition entre les deux. Et si le titre entend briser la monotonie des parties en proposant une variété d’armes et pouvoirs à combiner ensemble, on regrettera quand même que ces derniers soient aussi lents à débloquer. Rien qui ne saurait gâcher le plaisir un peu primaire de tirer et taper sur tout ce qui bouge en musique, mais qui fait toutefois un peu sourire quand on constate que la chose qui pèche dans ce Temp Zero, c’est finalement son rythme.
Temp Zero a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Temp Zero n’est pas particulièrement un bon représentant du roguelite : son minimalisme assumé pénètre jusque dans sa structure, sa courbe de progression et sa variété, et le rend malheureusement assez répétitif. Le titre reste néanmoins un bullet hell efficace, au gameplay certes simple mais d’une précision à toute épreuve et au concept rythmique et musical bien exploité. Si l’on peut prendre peur devant la monotonie des premières parties, Temp Zero se révèle finalement bien plus technique et profond qu’il n’y paraît une fois les armes et musiques avancées débloquées.
Astral Ascent
On ne va pas se mentir : parmi les brouettes de roguelites déversées dans nos boutiques ces dernières années, un certain nombre de titres ont largement lorgné sur le désormais culte Dead Cells, avec cependant un succès et talent bien moindres. C’était le cas du mollasson Skul : The Hero Slayer, qui mêlait gameplay peu palpitant et immense répétitivité, et c’est une tendance encore très actuelle puisque malgré son magnifique ravalement de façade, le récent Have a Nice Death ne trompe personne quant à son modèle – sans pour autant avoir sa qualité. Fort heureusement, si Astral Ascent prend lui aussi la route du roguelite d’action pixelisé en 2D, il parvient à innover et expérimenter, tout en restant particulièrement rigoureux et précis du côté maniabilité et technique.
Encore les signes du Zodiaque, mais toujours aucune trace de Francis Huster
Il faut dire que ce n’est pas non plus n’importe qui derrière le projet, puisqu’il s’agit du retour d’Hibernian Workshop, développeurs du déjà très cool Dark Devotion, ce Souls-like en 2D qui avait fait les belles heures du Mardi Douleur. Si leur précédent titre était sorti à l’aide de The Arcade Crew, Hibernian Workshop saute avec Astral Ascent le pas de l’auto-édition et, c’est assez compréhensible, de l’early access. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que tout ça commence très bien.
Au premier abord pourtant, Astral Ascent semble plutôt quelconque : attaque physique, attaque magique, saut, attaque plongeante ; on ne se sent pas très dépaysé pour peu que l’on ait touché à un jeu d’action de cette dernière décennie. Pour cela, il va falloir attendre d’avoir un peu parcouru les premiers niveaux et débloqué quelques pouvoirs afin de comprendre que le titre est bien plus profond qu’il n’en a l’air. Attention, je vais sortir un potentiel repoussoir, mais restez encore un peu, je vous jure que ça vaut le coup. Car les attaques physiques d’Astral Ascent n’ont finalement que très peu d’intérêt, si ce n’est remplir une jauge de mana essentielle au véritable système de combat du titre : sa mécanique de magie, qui repose sur une logique assez similaire à du deck building.
Ouiiiii, oui oui, je sais, on en a mangé au moins autant que du roguelite, mais promis, c’est très peu invasif et c’est surtout très malin. Notre personnage possède une file de 5 sorts, en lancer un le fait partir à la fin de la liste et nous fait passer au suivant, qui attendra bien sagement d’être lancé à son tour, etc. Et si l’on commence avec 5 sorts identiques – dépendamment du personnage incarné –, de nouveaux pouvoirs seront disponibles au fil des tableaux, et il va falloir finir par choisir lesquels conserver et lesquels laisser derrière nous. C’est déjà pas mal comme ça, mais c’est surtout très efficace grâce à la deuxième mécanique liée à la magie : la possibilité d’affecter des effets passifs à chaque sort de notre roster et ainsi de sérieusement varier les builds d’une partie à l’autre pour jouer un peu avec les fameuses synergies, élément important du roguelite s’il en est.
Autour de ce système déjà très bien rodé, Astral Ascent développe deux trois autres chouettes idées, comme la présence d’un mode coop, le fait que le signe astrologique choisi ait un impact sur nos interactions, ou que les étoiles indiquant la difficulté d’un niveau soient converties en monnaie permettant d’augmenter les stats. Early access oblige, tout n’est pas encore tout à fait au point, mais les problèmes notés tiennent plus du détail : le hub de départ est probablement trop grand et les PNJ un peu trop éparpillés pour que l’on s’y retrouve facilement, quand certaines icônes de sorts sont un peu trop semblables pour être différenciées dans le feu de l’action. Du détail, disais-je. Attention tout même : Astral Ascent est le petit frère de Dark Devotion et ça se sent. Si l’écriture est bien plus drôle et légère et que la palette de couleurs s’est bien remplie, la difficulté reste franchement élevée et ne laisse que peu de place à l’erreur. Un effet encore exacerbé par l’early access et qui, s’il suit la même progression que des titres comme Hades ou Dead Cells, se verra probablement être lissé dans la suite du développement.
Astral Ascent a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
C’est un très bon début d’early access pour Hibernian Workshop et Astral Ascent. Son système de combat original tient la route et la longueur alors même que l’intégralité du contenu n’est pas encore implémentée, sa maniabilité est irréprochable, de même que son pixel art, qui réserve quelques très beaux tableaux. Avec une base de gameplay aussi solide, une aussi grande quantité de contenu dès le départ et une idée aussi précise de la V1.0, nous n’avons que peu de doutes quant à la qualité du résultat final, prévu pour le moment courant 2023.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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