Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali nous parle de l’étrange Space Warlord Organ Trading Simulator et Kalkul de Wolfstride, un jeu sur des méchas bien mystérieux.
Space Warlord Organ Trading Simulator
Si le studio Strange Scaffold et sa principale figure publique, le scénariste Xalavier Nelson Jr, partagent quelque chose d’unique, c’est bien leur capacité à privilégier, disons, la folie des concepts à la qualité intrinsèque de l’exécution. Xalavier Nelson Jr., c’est le scénariste de SkateBIRD (un oiseau qui fait du skateboard), de Hypnospace Outlaw (un internet magique dans vos rêves dans les années 1990) ou encore de An Airport For Aliens Currently Run By Dogs (un walking simulator dans l’espace avec des photos de chiens). Autant de projets bizarres, un peu cassés sur les bords, mais qui repoussaient assez loin nos habitudes vidéoludiques et esthétiques. Et puis soudain, voilà qu’on nous propose d’acheter et de vendre des organes pour les vendre à des extraterrestres : avec Space Warlord Organ Trading Simulator, la folie continue.
Bien organ-isé
Space Warlord Organ Trading Simulator vous place, comme son nom l’indique, dans la peau d’un criminel de l’espace (qui peut au choix être un chien, un clown, un robot et j’en passe) bien décidé à se faire une place dans le dur monde du trafic d’organes intergalactique. Niveau gameplay, on est quelque part entre le jeu de société Jungle Speed et Papers, Please : chaque jour vous ouvrez le tableau du marché des organes, vous acceptez des demandes de livraison pour des clients plus ou moins louches, et vous achetez et vendez en essayant de faire un maximum de bénéfices en un minimum de temps.
Le côté Jungle Speed, c’est parce que très vite, d’autres contrebandiers se mêlent à la partie et tentent d’acheter les meilleurs organes plus rapidement que vous. Et ils vont, globalement, beaucoup plus vite que vous même si des options d’accessibilité bienvenues permettent de pondérer cette frénésie. Mais à vitesse normale, cela vous forcera à cliquer à toute vitesse pour acheter des organes dont vous n’aurez pas forcément besoin, quitte à les revendre à la découpe si le prix du marché est favorable.
Le côté Papers, Please, ce n’est pas tant pour le côté moral (il eût été étonnant qu’un jeu de trafic d’organes en ait un) que pour l’ajout progressif de conditions demandées par vos clients. Au début, tout est simple : vous avez un ou deux clients qui veulent un peu n’importe quel organe dans un choix restreint, vous achetez le moins cher et vous faites un petit bénéfice. Mais bientôt vont s’ajouter d’autres organes sélectionnables, des fluctuations dans les prix, des exigences des clients en termes de taille, de qualité, de groupe sanguin, de rareté etc… Sans compter l’arrivée rapide de clients qui cherchent à vous arnaquer en vous payant trop peu – voire pas du tout -, ce qui complique encore la donne.
Un trip un peu limité
Le seul « problème » de Space Warlord Organ Trading Simulator, c’est qu’au-delà de la blague et de cette mécanique simplissime de vente et d’achat de bouts de bidoche, le jeu n’a pas beaucoup de profondeur. Pour être exact, on en débloque environ 100% des fondamentaux en quelques minutes et, après avoir relancé deux ou trois parties pour éprouver le concept, on se rend compte qu’on fait strictement et exactement toujours la même chose. L’expérience ne se renouvelle tout simplement pas assez pour maintenir très longtemps l’intérêt.
En l’état, Space Warlord Organ Trading Simulator semble un peu cher pour les deux ou trois heures de rigolade absurde et cynique qu’il a à offrir, sa présence dans le PC Game Pass est donc assez intéressante pour pouvoir l’essayer sans forcément débourser une vingtaine d’euros. On retiendra cependant quelques qualités assez inattendues autour de sa direction artistique, souvent un point fort des productions Strange Scaffold : le jeu affiche une esthétique rétro et minimaliste, mélange entre du rétrofuturisme informatique et des tableurs austères de comptabilité. Les avatars croisés sont variés et amusants, et la représentation des organes de plus en plus étranges à mesure qu’on avance dans l’aventure fonctionne à merveille.
Enfin, on appréciera particulièrement l’humour délicieusement perché de Xalavier Nelson Jr., que ce soit dans les identités étranges des personnages rencontrés, la description des organes à vendre ou la formulation des demandes des clients. Pour peu qu’on prenne un peu le temps de lire ça (en VO, la VF étant hélas du charabia Google Trad), on apprécie encore mieux ce jeu à la limite de la farce qui ne restera pas dans les mémoires mais vous fera passer une ou deux soirées amusantes.
Space Warlord Organ Trading Simulator a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Un concept amusant, une réalisation très correcte et un petit manque d’ambition, c’est ce qu’on retiendra (à part son titre à coucher dehors) de Space Warlord Organ Trading Simulator. La dernière bizarrerie de Strange Scaffold est dans la lignée de leurs précédentes productions : on fait un peu n’importe quoi, c’est rigolo, et tant pis si ce ne sont pas de très bons jeux. C’est déjà mieux qu’une bonne partie de la production vidéoludique, croyez-moi.
Wolfstride
Depuis quelque temps, on joue pas mal aux œuvres mises en avant par Raw Fury chez TPP mais pour le moment, le bilan est mitigé : certains de ces titres nous ont un peu déçu malgré leur potentiel quand d’autres nous ont plutôt séduit. Que nous réserve alors Wolfstride, dont le trailer est on ne peut plus brouillon et obscur ? Entre mécanique approximative, langage fleuri et spleen flottant doucement dans l’air, le titre de OTA IMON avait tout pour me séduire, mais je ne sais pas encore s’il y est parvenu sur tous les points.
Cowboy beep bop
Wolfstride nous balance quasi in medias res au début d’un combat de méchas. Sans plus d’explications, on se retrouve à mettre des patates à un robot dans l’espoir de lui faire sauter le torse dans lequel se trouve le poste de pilotage. Malheureusement, notre premier combat ne se terminera pas très bien. Dans cet univers parallèle au nôtre, le duel entre robots géants est un sport très populaire qui amène son lot de pilotes à la personnalité haute en couleur, de blagues beaufs et de paris douteux. C’est dans ce cadre que l’équipe du « Cowboy » (le modèle P-Wan Gallow 07 avec lequel nous allons concourir, pour être précis) devra tirer son épingle du jeu. En gros, il faudra jouer des coudes en acier trempé pour arriver à la première place du Ultimate Golden God, le championnat des robots, ou se taper un game over en essayant.
« Ah mais on passe son temps à se battre dans ce jeu alors ! » me direz-vous. Eh bien pas du tout. Après quelques quêtes FedEx vite évacuées au début du jeu, Shade, l’ancien yakuza avec deux ou trois problèmes pour s’ouvrir aux autres que l’on incarne, passera son temps à faire des allers-retours dans la petite ville de Rain City pour rendre service à tout le monde et gagner de l’argent pour améliorer le mécha garé dans un hangar du coin. Ces petits boulots sont en fait des mini-jeux rigolos à base de mashage de boutons, mais rapidement fatigants lorsque l’on doit juste farmer quelques dollars pour acheter une compétence pour le prochain combat.
Si l’on comprend vite le lore général du jeu, le passé des personnages et les liens qui les unissent restent très longtemps cryptiques. Un dialogue par-ci, une cinématique par-là nous aident à en savoir plus par petites touches, mais on ne sait jamais bien si nos « héros » sont les good guys ou non. Le jeu cause, genre vraiment beaucoup. Les personnages parlent entre eux (souvent pour s’insulter d’ailleurs) dans tous les coins de la ville, une voix off vient parfois ponctuer l’aventure, et on a même une entité qui nous parle à nous qui tenons la manette. Pourtant, tout reste très flou sur les motivations de chacun, même l’origine de notre mécha est auréolée de mystère. Raconter peu à peu pour garder le suspens, pourquoi pas, mais à attendre trop on risque de s’endormir et de perdre les joueur·ses les moins patient·es.
Ho qu’il est beau le gros robot
Si j’ai quelques problèmes sur le fond, la vraie force de Wolfstride se trouve dans sa forme. L’équipe de OTA IMON s’est appliquée pour proposer un univers cohérent et complètement dingo où les animaux anthropomorphes, l’ultraviolence des combats de méchas et l’existence d’un dieu ananas ne choquent personne. Si elle a réussi ce tour de force, c’est grâce à sa direction artistique bluffante. N’y allons pas par quatre chemins : le pixel art noir et blanc est tout bonnement impeccable. Vivant, plein de détails et bien dosé avec les cinématiques, chaque écran mérite son screenshot. Même si on reste dans une ambiance garage rétrofuturiste rouillé tirant sur le film noir, chaque lieu visitable de Rain City a sa propre atmosphère retranscrite aux petits oignons.
Le doublage, d’excellente qualité, est bien évidemment à souligner et ajoute un supplément d’âme à ce grand mélange des genres. Ainsi l’interprétation de Shade ne sera pas sans nous faire penser à un Spike Spiegel désabusé. Qu’on l’apprécie ou non, la BO minimaliste de Wolfstride lors des phases de RPG ou son rythme bien énervé dans les combats saura nous mettre dans l’humeur adéquate pour profiter de l’expérience.
Wolfstride a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
« Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire » aurions-nous pu reprocher à Wolfstride. Heureusement, derrière ses airs bavards et parfois trop mystérieux pour son propre bien, le titre du studio brésilien OTA IMON a tout de même su proposer une expérience plaisante grâce à son univers finement ciselé. S’il ne sera pas le GOTY 2021 de la rédaction, il sera quand même bien placé dans le classement du Ultimate Golden TPP.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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