Cette fois-ci dans Partie Rapide, Fanny vous parle de Kraken Academy!!, un jeu d’aventure déjanté, et Shift de KeyWe, un petit jeu en coopération mêlant Australie, petits oiseaux et service postal.
Kraken Academy!!
Parfois, on rencontre des jeux qui devraient nous plaire : ils sont plutôt beaux, ils sont plein d’humour absurde, il y a une fille-brocoli… et pourtant, parfois, ça ne passe juste pas. Je suis désolée Kraken Academy!!, nous ne sommes pas faits pour nous entendre, et dans ce cas précis, c’est un peu toi mais aussi un peu moi.
Un début engageant…
Pourtant, tout commençait bien. Notre personnage principal arrive pour son premier jour dans un lycée bien plus délabré qu’il ne semblait l’être sur les brochures et finit dans le club de musique un peu par hasard, au contraire de sa sœur qui va rejoindre les jeunes branchés du club de théâtre. Ce sont d’ailleurs les seuls à avoir droit à des bâtiments qui tiennent debout et à des équipements corrects, dans une critique certes peu subtile du privilège de classe mais qui reste malgré tout efficace. Très vite, on fait la rencontre de Broccoli Girl, une fille sous forme de brocoli qui m’a personnellement tout de suite charmée par son enthousiasme et sa gentillesse, malgré son obsession malsaine pour son ex. Les autres personnages qui l’accompagnent ne sont pas aussi enthousiasmants mais après tout, qui a besoin de personnages secondaires passionnants quand on a un kraken ? Eh oui, le titre ne vient pas de nulle part, on ne nous a pas menti, il y a bien un kraken et il est bien au centre du jeu. Il sert entre autres à introduire le concept de boucle, qui sera la mécanique principale.
Le pitch du jeu est simple : nous sommes lundi et nous avons jusqu’à mercredi soir pour sauver le monde d’une fin certaine. Pour ça, il faut libérer les esprits de chaque club du lycée, chacun emprisonné dans une personne différente. Mais trois jours ne sont pas suffisants pour cette tâche. C’est là où le kraken intervient, en nous donnant une amulette afin de nous permettre de remonter le temps et de reprendre au lundi de notre arrivée. Le but final est d’arriver à s’inscrire dans un club différent durant chaque boucle afin de pouvoir libérer l’esprit, trouver de nouveaux indices sur le ou la « Perfide », à l’origine de cet état de faits, et espérer au final empêcher la fin du monde. Simple non ? Et pourtant, c’est là où les choses ont commencé à se corser entre Kraken Academy!! et moi.
… mais une boucle infernale
Les boucles temporelles paraissent toujours être une bonne idée mais finissent toujours par être difficiles à gérer correctement, et ce dans n’importe quel médium. Il faut faire attention aux incohérences mais aussi s’assurer d’avoir assez de contenu pour paradoxalement éviter de répéter constamment les mêmes actions. Dans Kraken Academy!!, ce dernier point passe par le fait de changer de club à chaque boucle et donc de changer de lieu et de « quête principale », mais aussi par les quêtes secondaires, qui demanderont pour certaines d’avoir accès à des zones en particulier pour pouvoir être résolues. Malgré tous ces artifices, le titre reste désespérément répétitif, la faute en partie à un gameplay réduit au minimum qui se résume à taper sur des poubelles pour récupérer des bouteilles et se faire de l’argent en les recyclant et à un mini-jeu où il s’agit d’appuyer sur le bouton de sa manette au bon moment.
Les événements, qu’ils soient principaux ou secondaires, répartis entre deux jours sur les trois ajoutent à ce sentiment de répétition et de lenteur. Malgré un temps réduit dans chaque boucle, le titre trouve quand même le moyen d’avoir un ventre mou sous la forme du mardi, qui servira tout au plus à faire quelques quêtes secondaires mais rien pour faire avancer l’histoire. Pourtant, en contrepartie, le scénario semble rushé et ni les personnages ni les différents éléments du monde ne seront très développés au-delà de leur situation initiale.
Mais le charme du jeu réside principalement dans ses quêtes et les dialogues et situations qui les accompagnent. Le ton choisi est clairement humoristique et absurde, les situations sans queue ni tête s’enchainant à toute vitesse, entre le kraken parlant dans le lac, la secte cachée au sein d’un des clubs de l’école, la fille et son poney qui essaient de s’amuser dans un château gonflable et ça finit mal… C’est là où on arrive dans la partie où la faute me revient : Kraken Academy!! et moi, nous ne sommes juste pas compatibles niveau humour. Si la parodie d’éléments de pop culture, de Bob Ross à Ace Attorney, sont des choses qui vous font toujours rire, Kraken Academy!! sera parfait pour vous. Si les enchainements absurdes sans justification vous amusent, foncez, vous êtes le public cible. Je ne suis malheureusement rien de tout ça et le titre, ayant perdu son charme principal, s’est retrouvé être une corvée de quatre heures. Mais ne t’inquiète pas Kraken Academy!!, je suis sûre que tu trouveras un joueur qui t’aimera pour ce que tu es.
Kraken Academy!! a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Tester des jeux vidéo, c’est aussi savoir reconnaître les qualités d’un jeu sans en être pour autant le public. Kraken Academy!! a plusieurs défauts, comme son gameplay beaucoup trop simpliste et la mauvaise répartition de ses événements. Mais il a aussi des qualités, comme ses dialogues et situations déjantés, qui trouveront sans aucun doute leur public et qui sauront charmer d’autres joueurs que moi.
KeyWe
Avec sa formule de jeu de coop sur canapé, j’avoue avoir été un moment persuadé que KeyWe sortait lui aussi de l’invraisemblable catalogue Team17, qui, s’il n’a que peu de cohérence, lorgne quand même fréquemment sur ce type de jeux, de sa mythique saga Worms au désormais culte Overcooked!, en passant par le plus oubliable – mais néanmoins sympathique – Moving Out. Une confusion facile, d’autant que son réel éditeur (Sold Out) et son développeur (Stonewheat & Sons, dont il s’agit du premier jeu) n’ont que peu communiqué sur leur titre durant l’année et demie qui aura séparé sa première annonce de sa sortie. Tout au plus l’aurons-nous aperçu à l’occasion de quelques conférences, mais pas tout à fait assez pour complétement comprendre son concept ou s’enthousiasmer à son sujet. Résultat si, contrairement à moi, la perspective de jouer deux petits kiwis travaillant dans un bureau de poste ne vous l’avait pas fait suivre assidument, vous l’avez probablement raté. Et si le titre n’est tout de même pas la nouvelle référence du jeu en coop, c’est quand même bien dommage.
Un titre simple et abordable
C’est d’autant plus étrange que le concept de KeyWe n’est pas bien compliqué à présenter. Vous jouez deux kiwis, Jeff et Debra – jouez-y à deux par contre, tout comme 100% des jeux coop disposant d’un mode solo, ce dernier n’est là que pour décorer, et le titre ne s’apprécie vraiment qu’à quatre mains, heureusement que j’avais un Chibi motivé pour m’accompagner – deux kiwis, disais-je, employé·es dans un bureau de poste australien. Leurs tâches vont de l’envoi de lettres et colis, au tri du courrier et à la rédaction de messages. Simple sur le papier, un peu moins quand on se rappelle que les oiseaux n’ont pas de bras et que leurs uniques actions se résument à attraper des trucs avec leur bec, coller des étiquettes sur leur petit derrière de kiwi, ou brailler dans des micros – le son est épouvantable, j’adore. Et si les niveaux de base se terminent sans trop de mal – mais sans trop de médailles d’or non plus, pour ça il va falloir cravacher sévère – , la suite se corse rapidement, grâce à des règles et des contraintes en constante réinvention.
Les niveaux de KeyWe sont basés sur le calendrier et les saisons – on commence par l’été, puis l’automne, pour finir sur l’hiver – saisons qui auront un impact conséquent sur la façon de jouer. Outre les passages à thème – Halloween, Noël – la progression dans l’année sera surtout l’occasion de chambouler la façon de jouer, en déclinant les quatre mêmes types de niveau tout du long, avec, à chaque nouvelle occurrence, un nouveau twist de gameplay. C’est là que se situe la plus grande réussite de KeyWe : malgré un faible nombre de types de niveau, le jeu ne tourne jamais en rond et n’est jamais lassant. Chaque nouvelle idée n’est utilisée qu’une fois, on nous l’explique – ça semble souvent très compliqué pendant le tuto, mais s’avère très simple et instinctif une fois en jeu – on l’essaye, puis on l’abandonne pour passer à une autre. Le résultat a un double effet positif : l’absence de répétitivité, donc, mais aussi la certitude qu’une mécanique ou un twist de gameplay déplaisant ne reviendra pas et nous laissera tranquilles pour la suite du jeu. Ainsi, si le titre s’achève un peu trop rapidement – environ 5h si vous le faites en ligne droite, mais facilement le triple si vous vous lancez dans l’acquisition des collectibles secrets et des médailles d’or – le rythme reste impeccable tout du long : je ne me suis pour ainsi dire jamais ennuyé ni senti agacé par une mécanique ou contrainte de niveau.
Mais peut-être un peu léger
Cependant, si KeyWe est plutôt drôle et efficace, il faut pour le moment le garder dans la catégorie des titres mineurs du genre : je ne pense malheureusement pas m’en souvenir d’ici 5 ou 6 ans comme je me souviens d’un Overcooked! ou d’un Keep Talking and Nobody Explodes. Il serait facile d’accuser sa physique un peu bancale ou son gameplay plus axé sur la répartition de tâches que de la réelle coopération, mais soyons honnêtes : c’est également le cas des autres. Rares, finalement, sont les jeux à proposer une réelle interaction entre les personnages pour progresser. On pensera bien sûr au récent It Takes Two, qui pour le coup nécessite une coordination des actions quasi constante, mais la plupart du temps, même dans les références du genre, la majeure partie de l’aspect coop revient à se mettre d’accord avec son ou sa partenaire sur la marche à suivre ou l’avertir d’un imprévu, bref, à une coopération basée sur la communication, mais qui se retranscrit à l’écran plus par une certaine organisation et optimisation des actions et déplacements de chacun que par de vraies actions communes.
Là où KeyWe pèche un peu, en revanche, c’est d’une part sur son faible contenu – une trentaine de niveaux, accompagnés de quelques niveaux bonus, drôles, mais que l’on sera peu enclins à refaire en boucle, malgré les incitations du jeu – et un léger manque de folie. Si les règles qui s’invitent tout au long de l’aventure se réactualisent en permanence, elles restent cependant assez sages et prévisibles pour un jeu de ce genre. Insectes qui viennent attraper nos kiwis, touches de clavier qui s’échangent, glace, tapis roulants : ça fonctionne presque toujours bien, mais la plupart du temps on s’y attendait un peu, et ce même quand le jeu se complexifie. Les quelques passages un peu plus fous en termes de mise en scène ou d’objectifs se trouveront dans les évènements spéciaux reliés aux fêtes du calendrier – ainsi que dans le très bon niveau final, qui laisse un petit goût de trop peu – ce qui me permet de ne pas classer ce bon KeyWe dans la catégorie Ok vu. Pour peu que le studio développe une fois de temps en temps de nouveaux niveaux, en lien par exemple avec la fête ou l’évènement du moment, on tiendra là l’occasion de le ressortir avec plaisir le temps de quelques heures.
KeyWe a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Nintendo Switch, PS4, PS5 et Xbox Series.
KeyWe est un adorable petit jeu en coop, qui tient parfaitement la route le temps des cinq ou six heures que prend son aventure. Son léger manque de contenu et de folie l’empêche de se hisser parmi les références du genre, mais ce n’est pas pour autant qu’il faudrait bouder le duo de kiwis. Les personnes qui se contenteront de le terminer en ligne droite resteront peut-être un peu sur leur faim – d’autant que le titre coûte quand même 25€ – , mais les acharné·es de la médaille d’or et les personnes possédant plus d’un·e ami·e (la chance) disposé·e à refaire le jeu avec elles y trouveront très certainement leur compte. Très personnellement, j’attends de pouvoir y rejouer avec ma frangine – car j’ai la fibre, le saviez-vous ? – et, soyons fous, de petits ajouts de niveaux saisonniers, qui pourraient faire vivre le jeu sur le long terme.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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