Quelques mois après la sortie de sa première partie qui m'avait complètement laissé sur le bord du chemin, le jeu Lost Records: Bloom & Rage a enfin livré sa conclusion, via une seconde partie, la Tape 2, apportant une conclusion attendue à cette histoire. Entre-temps, j'ai remarqué que les critiques autour du jeu étaient généralement très contrastrées. Les gens semblent avoir soit adoré, soit détesté, sans trop de nuances entre les deux. J'ai essayé de comprendre pourquoi les avis autour de ce jeu étaient si tranchés.
Face B
Une chose est à peu près certaine : que vous ayez aimé ou pas la première partie de Lost Records, votre avis ne va certainement pas beaucoup évoluer avec cette conclusion. Les choses qui fonctionnaient (la D.A., l'ambiance, quelques retournements de situation malins...) sont toujours là. Ce qui fonctionnait moins (les bugs, le gameplay très artificiel, la réalisation bric-à-brac) est toujours là aussi. Pour être franc, les choses qui étaient cassées le sont ici encore un peu plus. Le scénario devient franchement décousu, voire incohérent, certaines séquences paraissent inachevées, et les réactions des personnages aux différents rebondissements ne semblent plus obéir ni à la logique ni à nos choix passés.
En revanche, il faut bien admettre que la résolution de l'intrigue gagne en rythme : à la mollesse d'un drame adolescent où il ne se passait pas grand-chose succède quatre petites heures essayant de condenser beaucoup de choses en peu de temps. Pas toujours de manière très satisfaisante, certes. Mais au moins, tout va assez vite, à l'exception d'une séquence finale interminable qui vous fait le coup du "hop c'est fini ET EN FAIT NON C'EST PAS FINI" trois ou quatre fois de trop.



Oscillant entre péripéties bizarrement amenées et moments de grâce, la deuxième partie se perd hélas dans une intrigue très décousue.
Pour tout vous dire, j'ai surtout été frustré par le fait que si Lost Records: Bloom & Rage a parfaitement embrassé le cringe parfois fabuleux de l'adolescence pour le mettre en contraste avec la fatigue et le cynisme qui fait de nous des adultes chiants, il n'a pas su faire de même avec le fil conducteur de son intrigue. Cette seconde partie met assez tristement en lumière qu'il s'agit avant tout d'une œuvre au scénario malade, incapable de savoir ce qu'elle voulait raconter. Entre horreur, fantastique, tranche de vie et drame médico-familial, Lost Records ne choisit jamais, finissant par jeter à la poubelle des pans entiers de son univers et se terminant par une pirouette scénaristique indigne essayant de teaser une suite. Laquelle, sauf miracle, n'arrivera jamais. Et pourtant, malgré le côté excessivement abîmé du résultat final, certains critiques ont beaucoup aimé la quinzaine d'heures constituée par les deux parties du jeu. Je pense comprendre en partie pourquoi.
Un jeu d'unboxing
Plus on avance dans la Tape 2 et moins Lost Records s'intéresse au côté surnaturel de son univers, à l'exception du gros trou magique au milieu des bois servant de point central à la résolution de l'intrigue. Les corbeaux maudits ? Les verrous magiques ? Les fantômes visibles uniquement au caméscope ? L'identité du personnage qui vous envoie un colis maudit trente ans après les faits ? Les symboles bizarres à base de disques vinyles apparaissant partout ? Les papillons du destin ? Tout ceci est plus ou moins remisé au rang d'accessoires sans importance, au profit d'autre chose : une sorte de musée médiocrement interactif de doudous à triturer.

Malgré ses héroïnes adolescentes, du moins dans l'une des deux lignes temporelles du jeu, Lost Records : Bloom & Rage ne s'adresse évidemment pas à un public jeune, mais à des personnes qui se souviennent d'avoir été jeunes. Et plus le jeu avance, et plus le champ de ce qui nous est donné à vivre se réduit à cela : une monstration de faits et d'objets évoquant une adolescence occidentale dans les années 90.
Alors, le choix, conscient ou inconscient, a été fait de servir à ce public un véritable cabinet de curiosité de l'époque. Une des premières séquences des deux parties du jeu consiste ainsi à regarder des objets dans une chambre : un Tamagotchi, un caméscope, une pseudo poupée-troll, un jeu de pin art, des jeux de société… Dans la Tape 2, il sera même question d'agencer correctement ces objets dans un carton, après les avoir bien regardés sous toutes les coutures. Une séquence sans intérêt ludique, sans émotion particulière, simplement consacrée à vous faire toucher des reliques de 1995. La séquence se répète plus loin lors d'une scène de rangement d'une cabane, où vous pouvez manipuler toutes sortes de choses liées à l'adolescence de l'époque : du maquillage, des magazines, des jeux. Puis une troisième fois, dans un garage. Puis une quatrième, dans une seconde chambre. Puis une cinquième, enfin, dans une séquence consistant à vider un coffret plein de souvenirs.

En moins de quatre heures, la seconde partie du jeu nous propose donc de regarder au moins à cinq reprises des objets en 3D. En nous offrant ainsi une séquence finale qui n'est que le déballage ultime de certains de ces objets, compilés dans une sorte de best of. Le tout est commenté par Swann, l'héroïne, nous exprimant ses considérations intimes sur tel carnet, tel dessin, telle variante de Polly Pocket. On est finalement assez proche de la galerie virtuelle d'objets que l'on peut récupérer dans un jeu comme Smash Bros et qui consiste à vous faire tripoter sans but des assets issus de diverses franchises Nintendo. Les objets n'ont ici pas pour la plupart une fonction narrative très poussée, contrairement à ce que l'on peut voir dans des jeux comme Perfect Tides, Unpacking ou Videoverse. Dans ces jeux, les références au passé sont un moyen davantage qu'une fin. Mais pas dans Lost Records. Mais peut-être que selon ce que vous recherchez en lançant ce type de jeu, cela peut suffire à votre bonheur ?
Chante et mets tes assets
Lost Records: Bloom & Rage a, je pense, en partie fonctionné pour sa fonction muséale auprès d'un public n'ayant pas encore franchement retrouvé ce type d'évocation de l'année 1995. Il débarque en effet dans une industrie du jeu vidéo encore et toujours en partie engluée dans une nostalgie sans fin des années 80. Une nostalgie à base d'Altered Beast, de console Amiga et de Dents de la Mer qui ne parle pas forcément aux jeunes adultes de 2025 : ceux qui ont grandi avec Scream, la N64 et Jackass. La même génération qui multiplie les expérimentations esthétiques de recréation de la 3D de la première PlayStation.

À ces joueurs, et a fortiori à ces joueuses (le titre mettant l'accent sur un groupe typique d'adolescentes), Bloom & Rage crie "je me souviens". Il le fait avec d'autant peu d'élégance que ses héroïnes, elles, vivent un drame basé sur l'effacement de leur mémoire et d'une partie de leurs identités. Il le fait parfois même plutôt mal, en plaçant des propos et des péripéties semblant parfois anachroniques avec l'époque dépeinte. Mais il le fait sans s'en cacher non plus, avec le souci constant de vous montrer des choses assez rares dans un jeu à gros budget : des bidules typiques des années 90.
Si, comme moi, vous êtes extrêmement peu sensible à la nostalgie, cela ne vous fera sans doute ni chaud ni froid. Mais je sais que manipuler un pseudo-caméscope d'époque, se faire exposer une référence à Souviens-toi l'été dernier ou regarder les objets posés dans un garage squatté par quatre lycéennes pourra aussi, selon votre profil, vous causer un immense plaisir. Je ne suis pas certain que cela suffise à faire un jeu vidéo dont on se souviendra ne serait-ce que dans quelques semaines. Mais c'est déjà mieux que rien.

Lost Records: Bloom & Rage a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 5 et sur Xbox Series.

zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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