Sorti en plein âge d’or du RTS (fin des années 90/début des années 2000), marquant l’arrivée de la 3D et de campagnes narratives plus ambitieuses, Age of Mythology s’est rapidement hissé parmi les classiques du genre. Arrivé au coude à coude avec Warcraft III en 2002 et emboîtant le pas à un déjà très complet Age of Empires II sorti quelques années en arrière, le titre d’Ensemble Studios avait marqué grâce à sa campagne aux missions variées, son bestiaire autrement plus accrocheur que les traditionnels guerriers humains, sa bande-son culte, et ce malgré un équilibrage pas toujours très maîtrisé.
Et si le temps du genre est désormais passé (la niche multijoueur et e-sport étant désormais quasi exclusivement concentrée sur StarCraft 2), laissant la place à ses dérivés que sont le hack’n’slash et le MOBA et que le vénérable Ensemble Studio a été fermé par Microsoft en 2008 malgré un Halo Wars somme toute assez sympathique, le flambeau a tout de même été transmis à World’s Edge et Forgotten Empires, qui se sont attelés à la fois aux remakes des séries Age of au fil des années, ainsi qu’à un quatrième opus d’Age of Empires en 2021. Avec cet Age of Mythology: Retold, le cycle de refonte des titres majeurs d’Ensemble Studios touche à sa fin, d’une bien belle manière.
Que l’on sache d’où je parle : j’ai passé une bonne partie de mon enfance et adolescence sur les RTS précédemment cités, le trio Age of Empires II – Warcraft III – Age of Mythology en tête. Principalement Age of Mythology, même, dont l’achat avait provoqué un cri paternel horrifié "1.5 Go ?? Mais ça va remplir le disque dur !!". Fatalement, relancer cette campagne en 2024 a donc consisté durant les premières heures à se goinfrer de madeleines de Proust, récitant la bouche pleine les répliques de la campagne gravées dans ma mémoire et refaisant de tête chaque mission : j’étais de nouveau au collège sur le PC familial et son espace de stockage rachitique. Ce qui m’a fait me poser quelques questions quant au public visé, ainsi qu’à l’intérêt de la démarche.
Contrairement au Age of Mythology: Extended Edition de 2014, qui reprenait le titre de 2002 tel quel avec des textures HD et le support d’écrans larges, Age of Mythology: Retold est une refonte complète du jeu. Les modèles ont été refaits via le Bang Engine, moteur du Age of Empires III: Definitive Edition de 2020 et, plus important encore, le titre comporte quelques fonctionnalités de confort, d’accessibilité et de réglage de la difficulté, qui le rendent bien plus agréable à parcourir que la version d’origine. C’est là je pense la principale différence entre le remaster de 2014 et celui de 2024. Ces deux versions ont leur importance, mais ne remplissent, à mon sens, pas le même rôle.
Alors que la problématique de l’Histoire du jeu vidéo et de sa préservation se pose de plus en plus, avec des cartouches et copies qui se détériorent, des jeux retirés des catalogues et des banques de ROM qui disparaissent du paysage, il est essentiel que les versions d’origine des jeux restent disponibles par tous les moyens, que ce soit via l’émulation ou la remasterisation discrète (comme peut le faire GOG par exemple) afin que des titres vieux de 30 ans ou plus ne tombent pas dans l’oubli et soient toujours jouables sur des machines modernes. C’est à ça que sert, je pense, un remaster comme le Age of Mythology: Definitive Edition de 2014, à préserver un titre de 2002 et le garder disponible pour les nostalgiques puristes et autres curieux·ses qui voudraient s’essayer à un titre vieux de 20 ans.
Mais, il faut bien l’avouer, même si Age of Mythology ne fait clairement pas partie des titres ayant horriblement mal vieilli et reste encore assez jouable de nos jours, ça reste un jeu de 2002, avec quelques aspects rugueux qui peuvent rendre l’expérience un peu déplaisante. C’est à ça que sert cette version 2024 : redécouvrir tout ce qui faisait l’intérêt du jeu d’origine, ses designs, ses arcs narratifs qui mettaient en valeur chaque faction, sa campagne solo qui se permettait des escapades dans le tower defense et le hack’n’slash pour varier le gameplay, son aventure qui sentait bon la série B tout en servant le best of des héros, héroïnes, divinités et créatures de diverses mythologies. Dans une bien moindre mesure, car l’exercice de remake va ici beaucoup moins loin, c’est une philosophie que l’on pourrait rapprocher des récents Myst/Riven ou même de Dead Space. Celle de permettre d’apprécier l’expérience et les qualités ludiques d’un titre plus ancien, à la fois pour les nouveaux venus pour qui les quelques améliorations de qualité de vie et d’accessibilité le rapprochent de titres plus modernes, et pour les nostalgiques dont je fais partie, qui peuvent se replonger dans un jeu doudou de manière un peu plus agréable, tout en collant aux souvenirs que l’on en avait.
Cela tient à peu de choses, un peu d’automatisation des villageois pour passer moins de temps à micro-manager de la collecte de ressources, une utilisation plus souple des pouvoirs divins, des options de réglage de l’UI, un story mode pour traverser le scénario sans encombre, le support des mods et le regroupement de toutes les campagnes : ça ne change en rien les sensations de jeu de l’époque, mais permet une (re)découverte du titre tout ce qu’il y a de plus agréable. Le jeu ne fait illusion à aucun moment, avec ses modèles 3D un peu grossiers et aux animations rigides (particulièrement dans les cinématiques), avec ses dialogues un peu nanardesques et ses missions certes variées, mais plus tellement originales de nos jours, il est clair que l’on a affaire à un jeu un peu désuet, même sur cette version Retold. Mais les quelques innovations citées précédemment, couplées à la refonte graphique via le Bang Engine font que tout de même, le titre délivre une qualité visuelle et ergonomique tout à fait acceptable pour 2024. À se demander comment Blizzard a pu rater à ce point la même entreprise pour Warcraft III, tant les quelques changements réalisés sur cet Age of Mythology: Retold suffisent à le rendre pertinent et agréable.
Age of Mythology: Retold a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Xbox Series.
S’adressant autant à un nouveau public qui aurait raté Age of Mythology à l’époque qu’aux connaisseur·euses de l’âge d’or du RTS des années 90/2000, ce Retold est un honnête remaster, conservant l’esprit, le gameplay et la structure du jeu original, tout en le rendant plus beau, plus ergonomique, plus accessible. Comme quoi, il est possible de jouer sur la corde nostalgique de son public sans le prendre pour un idiot ou une vache à lait. Age of Mythology: Retold rappelle cependant que l’ère du RTS est bel et bien enterrée, après un chant du cygne magistral porté par les Dawn of War, Company of Heroes et surtout un StarCraft 2 qui retient la quasi-totalité de cette niche de joueur·euses dans son mode multijoueur. À quelques anomalies près (comme le sympathique, mais anecdotique Age of Empires IV), ce sont donc bien ces remasters qui ont représenté le plus gros des sorties du genre ces dernières années. Une bonne chose pour la préservation, moins pour le renouveau du RTS.
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