Vous vous souvenez la semaine dernière quand je vous disais qu’Activision Blizzard apparaissait rarement dans nos colonnes pour se voir décerner une médaille ? On aurait pu penser la semaine dernière que l’entreprise prenait le bon chemin, mais c’était sans compter la publication d’une longue enquête du Wall Street Journal paru mardi qui dévoile que, contrairement à ses déclarations, Bobby Kotick, le PDG d’Activision Blizzard, avait connaissance des accusations d’agressions sexuelles au sein de son entreprise depuis 2018.
En effet, en juillet 2018, l’avocat d’une ancienne employée de Sledgehammer Games, un studio dont Activision est propriétaire, contacte Bobby Kotick par e-mail et l’informe que sa cliente a été violée par son supérieur à plusieurs reprises après avoir été (fortement) incitée à boire trop d’alcool au travail et lors d’activités relatives au travail. L’avocat menaçait de poursuivre l’entreprise en justice et l’affaire a été réglée hors des tribunaux dans les mois qui ont suivi. Cette affaire n’a pas été portée à l’attention du conseil d’administration, rapporte le Wall Street Journal. Ce n’est pas la seule fois où Bobby Kotick aurait eu connaissance de ce type de situation, et couvert ou minimisé les faits. En 2018, Ben Kilgore, CTO chez Activision Blizzard, est licencié suite à de nombreuses plaintes pour harcèlement sexuel. Lors de son départ, il est chaleureusement et publiquement félicité et remercié pour son travail tandis que les circonstances de son départ sont passées sous silence. En 2020, 30 employées de la division e-sport adressent un e-mail à leurs responsables expliquant être victimes d’attouchements, de commentaires dégradants, de remarques sur leur apparence et d’être exclues de réunions importantes. En réponse, Activision Blizzard met en place des formations à la diversité et à l’inclusion pour les responsables de l’équipe e-sport et ne donne pas suite. Le Wall Street Journal rapporte également d’autres cas où des employés accusés de faits similaires auraient été gardés en poste ou mutés et les plaintes classées sans suite.
Bobby Kotick a également été accusé par plusieurs femmes de s’être mal comporté à leur égard. En 2006, une de ses assistantes l’accuse de l’avoir harcelée et de lui avoir notamment adressé un message vocal menaçant de la « faire assassiner ». La porte-parole d’Activision Blizzard assure que Bobby Kotick s’est rapidement excusé à l’époque et l’affaire a été réglée hors des tribunaux. En 2007, c’est une hôtesse de l’air de son jet privé qui accuse le pilote de l’avoir harcelé sexuellement et est licenciée par Kotick. Il a, par la suite, adressé un message à l’hôtesse de l’air et ses avocats disant qu’il « allait les détruire ». L’affaire a été réglée par le biais d’une médiation et la plaignante s’est vu octroyer la somme de 200 000 $.
Le journal revient également sur la démission de Jen Oneal de son poste de vice-présidente. Sa nomination en tant que première femme à ce poste (qu’elle partageait cependant avec Mike Ybarra) avait fait grand bruit. Seulement un mois après sa nomination, elle écrivait un e-mail à l’un des membres de l’équipe juridique pour lui signaler son désir de négocier son départ. Pour appuyer sa demande, elle faisait part de son manque de foi dans la réelle volonté de changement au sein d’Activision Blizzard. Elle écrit dans ce mail avoir subi elle-même du harcèlement sexuel au cours de sa carrière, avoir été témoin de scènes ou des employées étaient encouragées à boire de l’alcool pour amuser leurs collègues masculins. Elle note en outre être payée moins que son binôme sur le même poste. Elle conclut en disant qu’elle avait été utilisée comme token (quota), « marginalisée et discriminée » en raison de ses origines asiatiques et de son orientation sexuelle.
Le Wall Street Journal ne s’arrête pas là et révèle que l’e-mail écrit par Fran Townsend qui avait fait couler beaucoup d’encre et mené à la démission de celle-ci avait été rédigé par Bobby Kotick lui-même.
En réaction à l’enquête, Activision Blizzard a publié un communiqué soulignant que la façon de rapporter les faits était trompeuse et ne mettait pas en avant toutes les mesures prises par Activison Blizzard et Bobby Kotick au cours des derniers mois. Le communiqué évoque notamment la baisse drastique du salaire du PDG et la politique de tolérance zéro à l’égard du harcèlement sexuel.
Suivant la parution de l’enquête, ABK Workers Alliance, l’alliance des travailleurs d’Activision Blizzard, a réagi sur Twitter demandant que Bobby Kotick soit démis de ses fonctions et remplacé et réitérant sa demande d’un audit par un tiers choisi par les employés. L’alliance a également organisé une grève spontanée et environ 150 employés se sont réunis devant le campus Blizzard à Irvine en Californie. Une manifestation plus petite s’est déroulée devant le siège de Blizzard dans le Minnesota et d’autres employés se sont joints à l’action à distance en cessant de travailler.
Dans le même temps, le conseil d’administration a publié un communiqué réaffirmant son soutien et sa confiance dans Bobby Kotick et soulignant les mesures prises depuis ces derniers mois.
Ce mercredi dans le Washington Post, ce sont à leur tour certains des actionnaires d’Activision Blizzard qui demandent la démission de Bobby Kotick et celle du conseil d’administration.
Il est certains que de nouvelles réactions et conséquences vont suivre au cours des prochaines heures et prochains jours. Mais ce que cette enquête détaillée du Wall Street Journal souligne, c’est avant tout que les changements n’ont lieu que lorsque les structures de ce type y sont contraintes et forcées, et que changer la couleur des rideaux et repeindre la façade ne suffit pas lorsque les fondations sont pourries.
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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