Attention, petit coup de vieux : il y a sept ans, Dead Cells démarrait un spectaculaire accès anticipé, de ceux quasi irréprochables qui nous ont gardés captifs durant des heures, bien avant l’arrivée en V1.0. Version 1.0 qui a merveilleusement bien marché l’année suivante et nous a collectivement fait replonger. Je ne pense pas prendre trop de risques en avançant que le titre de Motion Twin a été la porte d’entrée dans le roguelite d’action pour pas mal de monde, et ce bien avant Hadès. Le studio a finalement passé la main à Evil Empire, qui a fait prospérer le jeu à coups de formidables et gigantesques DLC, de contenu gratuit et de multiples collaborations avec d’autres licences. Au fil des années, Dead Cells est devenu un mastodonte, à la fois du roguelite d’action et du jeu indé, il a été porté et adapté sur quasi toutes les plateformes, a eu sa série animée : c’est un classique.
Un morceau assez énorme du paysage vidéoludique, donc, qui amène fatalement une difficile question maintenant que le développement au long cours du titre est définitivement terminé : qu’est-ce qu’on peut bien faire après Dead Cells ? Qu’est-ce qui pourra répondre aux attentes forcément gigantesques ? La réponse pour Evil Empire, c’est The Rogue Prince of Persia, dont j’ai dit tout le bien que j’en pensais un peu plus tôt dans l’année. On conserve la structure, le level design, le système de combat, la méta-progression et on passe le tout à la moulinette esthétique orientaliste et gameplay axé plateforme de Prince of Persia. Pour Sébastien Bénard, un des concepteurs d’origine de Dead Cells, c’est Nuclear Blaze, un titre assez différent et original, nous mettant aux commandes d’un pompier envoyé éteindre un gigantesque incendie. Et pour Motion Twin, la réponse post Dead Cells vient tout juste d’entrer en early access, et c’est Windblown.
Envole-moi
Une réponse à la fois un peu surprenante, et un peu prévisible. Prévisible, car comme The Rogue Prince of Persia, Windblown apporte dans ses bagages un certain nombre de caractéristiques directement importées de Dead Cells. La structure en biomes, dont l’enchainement diffère selon les zones de départ, les pouvoirs permanents à débloquer qui ouvrent de nouvelles portes, les différentes méta-monnaies qui permettent d’acheter améliorations définitives et nouvelles armes et compétences, armes et compétences qui fonctionnent d’ailleurs exactement comme dans son grand frère spirituel, jusqu'au mapping de la manette : c’est vraiment la philosophie de Dead Cells sur bien des points. On sent Motion Twin à l’aise avec cette manière de construire un roguelite, et s’il y a bien de la nouveauté dans Windblown, elle n’est définitivement pas de ce côté-là.
Je ne sais jamais trop comment me positionner face à ce genre de choix. D’un côté, je trouve ça assez lucide et même un peu humble de la part d’un studio de reconnaitre que des éléments marchent si bien que tenter de les chambouler serait casse-gueule et mènerait à quelque chose de moins bien et moins abouti. La formule Dead Cells a été éprouvée et affinée ces sept dernières années, il serait presque dommage de s’en débarrasser. Surtout qu’en tant que joueur, c’est très confortable de déjà connaître les codes et les motifs d’un jeu et de pouvoir entrer dans un titre avec déjà un nombre conséquent de clefs en main. Confortable, mais aussi un poil frustrant, si la découverte est un élément constitutif du plaisir vidéoludique. Mes deux premières heures sur Windblown ont globalement consisté à commenter d’un "ah oui, comme Dead Cells en fait" l’apparition de bien 80% des écrans tutoriels, le tout en étant de plus pas très convaincu par la direction artistique et encore moins par l’écriture et ses dialogues pénibles.
J'ai trouvé mon étoile
Et pourtant, dès ces premières heures, j’ai été très emballé par ce que Windblown me proposait. Dix heures plus tard, j’étais toujours aussi emballé, et j’ai ainsi continué de le relancer, run après run. La raison la plus évidente, c’est que Motion Twin excelle toujours autant dans la conception de roguelites, mais aussi de jeux d’action et dans la manière de mener un accès anticipé. Résultat, les mécaniques de roguelite et de méta-progression présentent la même addictivité qu’à la découverte de Dead Cells, et ce début d’early access propose déjà un contenu assez costaud, avec ses 4 biomes, ses boss et mini-boss, ses nombreuses armes et capacités à débloquer et tester. C’est honnêtement très dur de ne pas y retourner dès que j’ai 15/20 minutes de libre et c’est à la fois la marque des bons rogues et des earlys qui en ont sous le capot.
Mais Windblown est loin d’être juste un nouveau Dead Cells. Si côté structure et construction de roguelite, c’est effectivement une réutilisation de la formule, il faut faire avec un changement beaucoup plus important qu’il n’y parait : le passage à la 3D. J’ai un peu craint qu’il ne s’agisse que d’une innovation un peu cosmétique et artificielle, mais cela remet en question tout le level design très vertical et metroidvaniesque auquel Dead Cells nous avait habitué. Ici, les biomes sont beaucoup plus linéaires, on ne fait pas d’allers-retours, il n’y a pas de téléporteurs, il n’y a d’ailleurs même pas de carte à afficher, puisque tout se fait en pure ligne droite. Les secrets à découvrir sont cachés dans des recoins, derrière des cascades ou des passages dissimulés dans un mur que l'on trouve sur le chemin. Et surtout, Windblown est pensé pour aller beaucoup, beaucoup plus vite. Cette horizontalité et linéarité n’est pas une régression ou une paresse de design, c’est une autre conception du level design, à laquelle le game feel s’adapte à fond.
Dès la première zone, on comprend que l’aspect metroidvania a totalement été éjecté, et laisse la place à une vision encore plus nerveuse de l’action que Dead Cells. Les dash vont vite, très vite, et ce qu’on perd côté moveset de plateforme se retrouve dans le combat. En plus des alternances entre deux armes et deux capacités viennent se greffer des finish moves et des coups spéciaux (l’Alterattaque). Le point commun entre toutes ces mécaniques étant qu’elles se basent principalement sur le rythme. Il faut effectuer les combos dans le bon ordre et le bon temps pour déclencher les coups spéciaux, mais aussi les effets de certaines armes, dasher en rythme face à certains boss, presser à temps la touche de finish : Windblown devient rapidement un balai nerveux et hypnotique, enterrant la maniabilité de Dead Cells. Le titre s’arrangeant en plus pour proposer des améliorations synergisant avec nos armes et pouvoirs, on a vite fait de se construire des builds vraiment grisantes et à même de résister à sa difficulté assez brutale. C'est Dead Cells, mais plus tellement Dead Cells, et c'est vraiment très bien. Vivement les prochaines mises à jour, vivement la V1.0.
Windblown a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Évidemment, on est toujours censés nuancer avis et attentes face à un accès anticipé, puisque le jeu est amené à évoluer tout au long de son développement. J'ai beaucoup de mal à garder cette réserve face à Windblown. Ce début d'early access fonctionne incroyablement bien, les bases et le contenu sont déjà très très solides, et on connait le talent de Motion Twin pour mener des accès anticipés et équilibrer des roguelites. À moins d'un spectaculaire accident industriel, Windblown devrait suivre tranquillement sa feuille de route et devenir le petit banger que ce début d'early promet.
Les + | Les - |
- C'est pas mal comme Dead Cells | - C'est pas mal comme Dead Cells |
- L'action est super nerveuse et agréable à manier | - Pas très convaincu par la DA et l'écriture |
- La BO de Danger dans mes veines | |
- Le passage à la 3D, loin d'être un détail |
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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