Je me plaignais il y a peu (vraiment peu) d'avoir atteint mon Souls de trop avec Lords of the Fallen, et espérais bien faire une pause du genre avant de m’y refrotter. Bon, The Last Faith faisant autant appel aux codes du metroidvania qu'à ceux du Souls-like, on va dire que ça ne compte pas vraiment, si ? Allez, je suis toujours fatigué, laissez-moi user de mauvaise foi.
Seastrom vous en avait parlé en 2020 à l’occasion de sa campagne Kickstarter, campagne qui s’était particulièrement bien passée, récoltant un bon 210 000 £ sur les 45 000 nécessaires, à un stade déjà bien avancé de développement du titre, qui devait alors être livré pour septembre 2021. L’équipe derrière The Last Faith étant très réduite, cela n’a pas surpris grand monde de voir le jeu repoussé à plusieurs reprises, jusqu’à finalement nous parvenir en cette fin d’année 2023. Pas le meilleur timing, malheureusement, mais le jeu ayant été largement kickstarté, et donc déjà acheté avant sa sortie, il dispose d’un nombre déjà très confortable de reviews positives (le nerf de la guerre de la visibilité sur Steam). On ne s’en fait donc pas trop pour lui : la niche de joueurs·euses à qui il s’adresse l’a probablement déjà dans sa bibliothèque.
Blasphèmes, je vous aime
Une niche conséquente, tout de même, puisque le titre tape dans des influences très précises et très appréciées, Castlevania et Bloodborne en tête, mais difficile également de ne pas voir du Blasphemous là-dedans. On ne va pas y aller par quatre chemins : le contrat est rempli, et c’est assez appréciable de voir une campagne Kickstarter – certes bien en retard, mais un retard assez prévisible – délivrer très exactement ce qu’elle avait promis, et avec ce niveau de finition. Le titre n’est pas parfait, mais il faut lui reconnaître certaines qualités assez indéniables (à commencer par une absence quasi totale de bugs), d’autant plus remarquables au regard de la taille de l’équipe et de la quantité conséquente de contenu.
D’un point de vue plastique, si je ne suis personnellement pas client de tous les aspects de la direction artistique – tout en reconnaissant de chouettes idées en ce qui concerne son bestiaire assez varié – je ne peux que saluer la finesse du pixel art et la fluidité des animations : c’est non seulement très détaillé, mais tout cela bouge aussi très bien. On notera ici et là quelques objets et éléments de décors piochés dans des banques d’assets, ce qui est encore une fois assez normal vu l’immensité de la carte et le nombre de zones, mais le tout s’accorde assez bien : c’est plutôt convenu, mais c’est lisible et propre – contrairement à la map, terriblement austère (c’est le mot poli pour dire super moche). Et surtout, c'est porté par un gameplay très efficace.
The Last Faith coche ainsi avec la plus grande des applications toutes les cases de ce que l’on peut attendre à la fois d’un metroidvania et d’un Souls-like. Deux genres extrêmement codifiés, mais, les exemples cette année n’ont pas manqué, très faciles à rater, si on applique sans les comprendre les grammaires de ces jeux. Les codes sont ici ressortis avec une compréhension évidente des genres : les feux de camp sont très correctement disposés, des checkpoints sont placés avant les boss ou au milieu de zones particulièrement vastes, ne punissant ainsi pas (trop) sévèrement les morts, les zones regorgent de secrets et de recoins accessibles au fur et à mesure des objets et capacités débloqués et le level design est peu inventif, mais tout à fait acceptable. Vous vouliez du metroidvania, vous avez du metroidvania, et un particulièrement solide et fourni. Si j'ai tiqué en début de partie devant l'aspect assez générique et attendu de l'ensemble, je dois avouer m'être rapidement pris au jeu de l'exploration et du backtracking. Il en est de même pour le Souls-like, et si l’on regrette l’inspiration Bloodborne impliquant de devoir farmer ses fioles de soin (le système est heureusement plus permissif que celui de son modèle), sur le reste, ça tient, autant sur les différentes builds possibles, les types d’ennemis et de styles de combat, les affrontements de boss, le game feel des attaques : c’est encore une fois très classique, mais très solide.
Je me sens un peu backtrack
J’émettrai seulement une réserve concernant un petit problème inhérent au mélange du Souls-like et du metroidvania, que l’on retrouvait déjà dans Blasphemous, et qui semble compliqué à gérer : c’est celui de l’équilibrage. Car la montée en puissance de notre personnage se fait de deux manières. D’un côté sur le plan Souls/RPG, à savoir la montée de niveau et l’amélioration des armes, c’est-à-dire tout ce qui passe par la dépense de points d’XP et qui se fait naturellement en parallèle de la progression de l’aventure (quoiqu'il m'est arrivé de farmer un peu en début de partie). Et de l’autre, via la progression du metroidvania, qui repose sur du backtracking optionnel, chaque nouvel objet débloqué permettant de retourner explorer des zones déjà visitées pour looter des pièces ou recoins jusqu’ici inaccessibles, et qui vont largement booster notre personnage, via des améliorations de stats et d’équipement ou la découverte d’armes et pouvoirs surpuissants, et qui va provoquer une différence assez énorme entre un personnage qui aura exploré et un qui aura suivi la quête principale sans tellement s’occuper du backtracking.
Faisant partie de la première catégorie, je me suis ainsi retrouvé avec une barre de vie et des dégâts infligés parfaitement ridicules, qui m’ont permis de tanker et atomiser les trois derniers boss de fin sans trop de difficulté, ce qui m’était déjà arrivé pour la fin de Blasphemous. C’est une façon assez étonnante de concevoir l’aspect metroidvania, comme si les développeurs ne voulaient pas trop punir les joueurs·euses qui n’auraient pas envie de s’atteler à cet aspect, qui correspond pourtant à la moitié du gameplay et pour lequel une grosse partie du public est venue, puisqu’il s’agit, je le rappelle, d’un jeu de niche, spécialement adressé à un public de niche, habitué et décidé à backtracker comme jamais un jeu qui incite et récompense l’exploration acharnée. Ce n’est pas un immense défaut, et la sensation de toute-puissance en fin de partie est même assez drôle et satisfaisante, mais elle atténue tout de même l’aspect Souls-like/boss rush et amène les affrontements finaux à se révéler un poil anticlimactiques. Je n’ai rien contre le comique situationnel d’un gros boss final fracassé presque par accident par un joueur devenu quasi invincible, mais tout cela s’accorde assez mal avec les enjeux dramatiques et l’ambiance gothique extrêmement premier degré de The Last Faith.
The Last Faith a été testé via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Nintendo Switch, PlayStation 4 et 5 et Xbox One et Series.
Si vous souhaitez un "Blasphemous, mais en fait c'est Bloodborne", vous êtes au bon endroit, The Last Faith délivre au pixel près ce qui était promis dans son Kickstarter, à savoir un Souls-like mâtiné de metroidvania (ou l'inverse). Inutile cependant d'y chercher le moindre twist, la moindre originalité, le moindre pas de côté, rupture de ton ou de gameplay : le titre de Kumi Souls Games est d'un classicisme absolument radical et assumé, ce qu'on ne lui reprochera pas trop fort, tant la formule est exécutée avec rigueur et générosité, à l'intention d'un public qui en attend précisément cela.
Les + | Les - |
- Très solide sur les aspects metroidvania et Souls-like | - Bizarrement équilibré |
- Le pixel art et les animations sont très propres | - C'est vraiment très très classique et à l'intention d'un public vraiment ciblé |
- Un niveau de finition remarquable | - La carte est vraiment super moche. Pardon, austère |
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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