Sorti il y a quelques mois sur Nintendo Switch, le jeu d’action-aventure Skellboy ressort ces jours-ci dans une version corrigée et amplifiée sur PC, sobrement intitulée Skellboy Refractured. Quelque part au croisement improbable de Paper Mario et Zelda, avec une dose (ne riez pas) de level design labyrinthique à la Dark Souls, ce jeu rejoint la liste étrangement longue des titres où l’on incarne un squelette.
Œuvre de la toute petite équipe allemande d’UmaikiGames (qui a choisi l’autoédition), Skellboy n’a pas spécialement fait parler de lui au moment de sa sortie, fin janvier 2020, à l’époque où le monde commençait à bien davantage se préoccuper d’une petite pandémie inattendue que d’un obscur jeu à gros pixels sur Switch. La sortie de ce Skellboy Refractured en pleine rase campagne éditoriale du début janvier est donc l’occasion inespérée de faire enfin parler du jeu un peu plus largement que lors de sa première sortie. Tant mieux : malgré des défauts évidents dès les premières minutes qui rendent l’expérience de jeu un peu désagréable, Skellboy Refractured est une assez bonne surprise, qui fait preuve de plus d’originalité qu’il n’en a l’air.
L’as des os
Je peux d’ores et déjà dire que ce qui m’a immédiatement semblé être un coup de génie anormal de rareté, c’est la capacité de Skellboy Refractured à très, très rapidement en venir au fait. L’approche du jeu est résolument arcade, et son univers extrêmement simple nécessitait une mise en bouche tout aussi rapide : des monstres attaquent le château et menacent de s’en prendre à la famille royale, et vous, un simple squelette valeureux du nom de Skippy, allez les repousser afin de suppléer à la garde du royaume, totalement dépassée. Si le jeu est parsemé de quelques dialogues (essentiellement informatifs ou juste à teneur vaguement humoristique pour souligner l’ambiance légère de Skellboy Refractured), pour l’essentiel, le jeu est assez peu disert et vous laissera le champ libre pour vous y promener à peu près librement.
Votre quête principale est assez linéaire, et consiste, à la manière d’un jeu vidéo, à avancer dans des niveaux et à taper tout ce qui s’y trouve, l’aventure étant plus ou moins chapitrée par des combats intenses contre des boss (au design plutôt bien fichu, d’ailleurs). La principale originalité de Skellboy Refractured, c’est que sous son aspect de jeu d’action simpliste à la 3D grossière et cubique se cache un jeu à monde semi-ouvert impliquant labyrinthes et raccourcis, un peu à la manière des productions FromSoftware. On ne s’éloigne jamais vraiment de son point de départ dans Skellboy Refractured, et la navigation n’y est jamais tout à fait libre, mais le château et ses alentours constituent un labyrinthe assez retors pour qu’on s’y perde facilement, quitte à être étonné qu’un apparent cul-de-sac soit en fait un astucieux raccourci. L’inconfort organisé d’un Metroidvania aux murs artificiels couplé avec la souplesse d’un Bloodborne qui crée des ponts au-dessus de ces murs pour qui sait fouiller, en somme.
Si les commandes de votre valeureux squelette semblent au début si minimalistes qu’on se demande vite si on ne va pas tourner en rond (sauter, taper, recommencer et ce pendant une dizaine d’heures), Skellboy Refractured propose heureusement deux systèmes voués à complexifier habilement son gameplay : un système d’armes interchangeables pour vous faire varier les approches de combat (certaines situations nécessitent un marteau, d’autres un sceptre, d’autres une lance…), et un système de parties de corps interchangeables qui font office de pièces d’équipement. Votre squelette peut ainsi à la volée ramasser des têtes décapitées ennemies pour « équiper » une nouvelle tête dotée de capacités spéciales sur son corps, changer de paire de jambes ou encore d’armure.
Un système on ne peut plus simple à comprendre qui sert un gameplay qui mise sur la fluidité plutôt que sur la complexité : on équipera ainsi plutôt des bouts de corps appartenant à des zombies pour s’aventurer dans un miasme de poison, ces derniers y étant immunisés. D’autres pièces d’équipement augmentent la défense, protègent du froid… Ou à l’inverse vous laissent malade et sans défense. Ajoutons que la version présente de Skellboy Refractured offre la possibilité de parcourir le jeu en coop locale et qu’un donjon et de nombreux items bonus ont été inclus à cette version, et on tient un portage tout à fait solide d’une petite pépite indé méconnue. Attention cependant, Skellboy Refractured a ses limites.
Skippy fait ce qu’y peut
Skellboy Refractured n’a pas de défaut majeur. Rien de « critique ». Mais cela ne suffit pas à en faire un hit, ni même un incontournable de ce début d’année. La faute à une constellation de petits défauts qui pris indépendamment ne seraient que des peccadilles, mais qui mis bout à bout finissent par ternir un peu l’expérience. Le principal, le plus criant, c’est la faiblesse relative d’une partie du level design. Mélange de couloirs étriqués et de grandes zones vides, l’aventure de Skippy se résume trop souvent à avancer d’arène en arène, entrecoupé de pas grand-chose sinon d’une certaine conformité et d’une certaine monotonie, certaines phases de gameplay étant répétées un peu trop souvent pour leur propre bien. On se perd souvent, non pas parce que les donjons sont spécialement labyrinthiques mais parce que le jeu ne propose ni map, ni boussole, ni moyen de marquer son chemin, ni des décors assez variés pour qu’on ne passe pas son temps à se paumer bêtement ou à accidentellement revenir sur ses pas au gré d’une rotation de caméra.
Et puis il y a la gestion des checkpoints, complètement à la ramasse et forçant le joueur à refaire trois, cinq, parfois dix minutes de couloirs fastidieux pour revenir à un combat de boss perdu. Alors que le jeu est globalement très dynamique, le moindre échec est sanctionné par une baisse de rythme assez radicale, difficile à éviter quand la plupart des gros ennemis sont des boss à pattern où il est très commun de perdre lamentablement lors des premières confrontations. La moindre des choses aurait été de mettre systématiquement un checkpoint à proximité des épreuves les plus difficiles. Même chose pour les phases de plate-forme, rares mais frustrantes tant on a l’impression de parfois chuter sans raison et de devoir recommencer de zéro l’ascension fastidieuse d’un donjon.
Enfin, j’ai dénombré quelques vilains défauts un peu plus purement techniques, comme une gestion des hitbox pour le moins floue : on ne sait pas toujours pourquoi on touche l’ennemi ou pourquoi on est touché, la faute à une caméra capricieuse, des perspectives souvent illisibles et la portée des armes assez mal pensée. Plus grave, Skellboy Refractured conserve une belle pelletée de bugs de collision, où notre brave squelette se retrouve parfois coincé entre des tables, derrière des murs, ou les armes disparaissent, etc. Jamais assez cassé pour être injouable, mais souvent assez pour que ça soit un peu pénible. Il n’empêche que ces réserves mises à part, Skellboy Refractured tient quand même mieux la route que de nombreuses autres tentatives de metroid-zelda-vania à gros pixels, et c’est bien pour ça qu’on aurait aimé un résultat avec davantage de finition, particulièrement dans le cas d’une édition définitive.
Skellboy Refractured a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Un univers sympathique simple et efficace, un gameplay très instinctif et fun et une capacité à proposer beaucoup de contenu sans s’étendre trop longtemps (une dizaine d’heures pour en voir le bout) : Skellboy Refractured est la version définitive très solide d’un jeu qui était lui-même très prometteur. Quel dommage cependant qu’il soit encore ralenti et parfois même gâché par autant de péchés de jeunesse et de petites approximations. Plus rythmé, moins approximatif, et assorti de quelques éléments de base comme une carte (ou au moins assez de narration environnementale pour qu’on ne s’y perde point), Skellboy Refractured aurait pu être un des meilleurs jeux de son genre pour un bon bout de temps. J’attends avec impatience la prochaine production d’UmaikiGames qui, en corrigeant ces quelques défauts, pourrait devenir un grand nom parmi les studios indés qui comptent.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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