Onde est une expérience méditative et musicale, vous faisant incarner une petite boule de lumière, quelque part entre le photon et l’animal, qui voyage accompagnée de petites méduses symbiotes et doit surfer sur des ondes pour avancer dans des décors psychédéliques et poétiques formant une série de tableaux entre rêve et réalité.
Anciennement connu sous le nom d’oQo, Onde est un projet mi-artistique mi-ludique développé à Toulouse depuis plus de cinq ans par le studio Lance, avec le renfort du développeur 3-50, dont on a pu admirer la patte sur Furi ou encore Haven. Initialement conçu comme une petite expérience minimaliste de déplacement sur des lignes propulsées par des sons, le projet a depuis été repéré et édité par l’éditeur allemand Mixtivision. Une des spécialités du catalogue de cet éditeur est de proposer des jeux esthétiquement et conceptuellement assez différents, voire carrément marginaux : nous vous avions par exemple parlé de A Juggler’s Tale et son théâtre de marionnettes, de Minute of Islands et ses tableaux poétiques, du noir et blanc radical de White Shadows ou encore des photos retouchées sombres et âpres de Interrogation. Onde est sans doute le projet le plus particulier qu’ils aient jamais édité : à la fois superbe, astucieux et varié, Onde est aussi formellement plus proche d’un clip interactif que d’un véritable puzzle game, au risque de diviser.
Un spectacle qui va vous méduser
Surgie de l’obscurité et des abysses, une petite lumière se met à danser sur des cercles, glissant de surface en surface. Elle est bientôt rejointe par une, puis deux, puis quatre petites méduses capables de produire des ondes sonores, et d’entrer en résonance avec leurs congénères : autant de nouvelles plateformes circulaires à parcourir en multipliant les notes de musique. Très vite, on comprend qu’Onde sera pour l’essentiel une variation de ces deux commandes extrêmement basiques : glisser à gauche ou à droite d’une onde générée par nos petits symbiotes, et actionner occasionnellement un mécanisme permettant de générer des ondes supplémentaires pour atteindre des zones plus lointaines.
Onde n’a pas à proprement parler de scénario, ni même de narration : il s’agit d’une expérience esthétique relaxante nous proposant de découvrir des tableaux variés évoluant au gré de la multiplication des ondes, des sons et des couleurs. De ce point de vue, le jeu est un triomphe : c’est absolument magnifique, chaque « chemin d’onde » emprunté fait évoluer la bande-son du jeu de manière dynamique, et le titre parvient à merveille à mêler pure abstraction et paysages bien réels sans que les transitions entre décors connus et expressions purement oniriques soient jamais forcées ni étranges. Chaque fin de séquence est généralement conclue par une véritable explosion de couleurs, de sons et de concepts visuels abstraits qui vous laisseront bouche-bée.
Onde n’aurait pu être qu’un court générateur de fonds d’écran destiné à saturer vos sens et à dilater vos pupilles, mais j’ai été plutôt bluffé par sa capacité à se renouveler, à ne jamais baisser de rythme pendant les deux ou trois heures nécessaires à le boucler et à ne jamais tomber dans la facilité d’être un simple enchainement d’images New Age. Au contraire, Onde est une démonstration toujours renouvelée d’art numérique avant-gardiste, qui de plus fait l’effort de se rendre accessible au plus grand nombre. Peut-être est-ce aussi là sa limite : Onde me semble être davantage une exposition virtuelle avec un volant légèrement interactif qu’un puzzle platformer à proprement parler.
On nous prend pour des sons
Le studio à l’origine du jeu ne survend pas le côté ludique de l’expérience, et à raison : en tant que pur puzzle platformer, Onde n’est pas formellement très intéressant. L’idée centrale des énigmes du jeu qui rythment chaque tableau est toujours un peu la même : au moment où votre bouboule de lumière touche la surface d’une onde sonore, cette dernière devient une surface solide et donc un pont vers la suite du tableau. Certaines ondes se déplacent, d’autres restent fixes, on peut parfois en générer et choisir à quel moment glisser dessus pour définir un chemin parfait en forme d’arc vers la suite du niveau. Le principal challenge consiste donc la plupart du temps à sauter d’onde en onde en rythme, ce qui est esthétiquement très plaisant mais constitue également une expérience qui ne se renouvelle qu’assez peu dans le jeu. Une fois qu’on a compris le truc, Onde s’avère être à peine un puzzle game, voire par moments à peine interactif, ce qui pourra frustrer un peu les amateurs du genre.
Pire, certaines séquences font l’effort de s’écarter un peu de ce modèle en proposant des moments de course-poursuite, d’esquives d’ondes noires ou d’obstacles solides ou lumineux. Des séquences qui s’avèrent parfois hors de propos : sans être particulièrement ardues, on sent qu’elles se situent un peu plus loin de la zone de confort des développeurs et sont au mieux pas très intéressantes, au pire un chouilla frustrantes car une caméra trop resserrée ou des décors trop sombres forcent parfois à apprendre une séquence par cœur pour continuer à avancer.
Mais dans l’ensemble, ces remarques sont de simples broutilles, tant il est évident que la partie purement ludique n’était pas au cœur des préoccupations pendant le développement d’Onde. Son gameplay ne passionne jamais, mais n’est jamais un obstacle non plus. Ainsi, il s’agit d’un jeu qui me fait me poser une question qui me taraude de temps à autre face à ce type de projet et à laquelle je n’ai jamais trouvé de réponse pleinement satisfaisante : pourquoi Onde est-il un jeu vidéo et pas, par exemple, une exposition à la manière des expériences de la Gaîté Lyrique à Paris ou du Miraikan de Tokyo ? Ou encore, pourquoi ne pas avoir privilégié le passage par un film d’animation ? Une fois le jeu refermé, je n’arrive pas tout à fait à savoir si j’ai formellement joué à quelque chose ou simplement parcouru une vision artistique, certes superbe, mais à laquelle ma participation a davantage été celle d’un spectateur que celle d’un acteur.
Un début de réponse est sans doute à trouver dans le côté sonore de l’expérience : si Onde propose des interactions qui ne dépassent jamais vraiment le stade du symbolique, il s’agit aussi d’un titre qui nous place dans la peau d’un co-créateur d’ambiance sonore : chaque touche martelée, chaque glissade sur une onde en mouvement, chaque passage à proximité d’une méduse symbiote est l’occasion d’une illusoire influence sur la partition déroulée par le jeu. La nature interactive d’Onde est avant tout une expérience de superposition sonore, nous proposant d’ajouter ponctuations et modulations à un tableau en train de de dévoiler sous nos yeux. Rien qui ne puisse être proposé par ailleurs dans une installation au sein d’un musée, mais le côté par nature plus intime de la forme prise par un jeu solo est sans doute un choix pertinent : à plusieurs reprises, Onde semble prendre la forme d’un clip dont vous êtes le héros, et c’est une expérience que des formes plus impersonnelles ou distantes de le·a joueur·euse auraient sans doute moins bien rendu.
Onde a été testé sur PC, via une clé fournie par l’éditeur.
Difficile de trouver le moindre reproche à faire à Onde, à moins d’être radicalement allergique à toute forme d’art contemporain, même très accessible : le jeu remplit parfaitement son office de nous proposer un voyage visuel et sonore, dans lequel on chevauche vibrations et particules. On notera cependant que la proposition s’éloigne de ce que l’on a l’habitude de croiser dans le monde du puzzle game, et qu’elle ne s’adressera donc pas à tout le monde : si vous cherchez une longue séquence relaxante et contemplative et que vous êtes du genre à marteler la touche capture d’écran, allez-y. Si, en revanche, vous cherchez dans Onde le moindre début de challenge, des puzzles particulièrement retors ou à stimuler la partie logique de votre cerveau, passez votre chemin, car vous risquez de vous ennuyer sec.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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