Déclinaison narrative et plus accessible de la célèbre franchise de chasse aux monstres assurant la fortune de Capcom, le premier Monster Hunter Story avait eu son petit succès sur Nintendo DS. Depuis quelques semaines, sa suite, Monster Hunter Stories 2 : Wings of Ruin, engrange des scores de ventes impressionnants.
Je fais partie de la microscopique partie de l’Humanité qui a eu le loisir d’avoir un « confinement partie 1 » plutôt « heureux » en mars 2020, ou tout du moins supportable. Cette frange de la population qui a passé deux mois avec ses « jeux de confinement » pour se reposer les yeux du télétravail et des gesticulations télévisuelles d’Édouard Philippe. Pour moi ce n’était pas Animal Crossing mais Resident Evil 3, Final Fantasy VII Remake et Persona 5 Royal. De quoi passer deux mois de chômage partiel, d’enfermement, d’anxiété sanitaire et de séparation de mes proches dans le relatif confort de mon canapé et de mondes imaginaires. Le rapport avec ce nouveau Monster Hunter Stories 2 ? Je pense qu’un de ses très rares défauts est de ne pas être sorti dans une telle période, à un moment où je n’aurais rien eu d’autre à faire que de l’apprécier pleinement.
Ce n’est pas QUE pour les enfants
Vu de l’extérieur, Monster Hunter Stories 2 se présente un peu vite sous un aspect « La même chose, mais pour les jeunes joueurs ». Factuellement, c’est vrai, et il faut souligner à quel point l’existence de jeux de rôle pour enfants reste encore beaucoup trop rare, particulièrement ceux bénéficiant d’une traduction française. La plupart des JRPG modernes se caractérisent par des imbrications compliquées de sous-systèmes, de menus complexes et des ambiances pas forcément adaptées à un.e joueur.euse de 8 ou 9 ans, ces derniers étant trop souvent cantonnés à des séries comme Pokémon. De ce point de vue, Monster Hunter Stories 2 fait carton plein : accessible sans être trop simple, entrainant en restant compréhensible, léger sans être niais, c’est un jeu qui prend son public au sérieux. Mais si j’ai pu passer des dizaines d’heures à en explorer la carte principale, c’est avant tout parce qu’indépendamment de sa cible démographique, c’est avant tout un excellent RPG.
Son scénario, tout d’abord, est un modèle du genre : en trouvant un équilibre constant entre la nécessité d’être en retrait la majeure partie du temps (c’est tout de même un jeu de chasse au monstre en monde semi-ouvert) et une mise en scène toujours flamboyante quand il s’agit de faire avancer l’intrigue, Monster Hunter Stories 2 surprend par sa consistance narrative. Reprenant quelques éléments du premier jeu tout en rendant pleinement dispensable d’y avoir touché, il y est question d’un ou d’une jeune membre d’un village de chevaucheurs de créatures qui va devoir quitter son bourg pour empêcher une catastrophe et rétablir l’équilibre écologique perturbant actuellement le comportement de la faune. Très classique, mais efficace : un conte de passage à l’âge adulte, des personnages hauts en couleur, et un univers extrêmement dense qui reprend le meilleur de la licence.
La philosophie centrale du jeu, ensuite, convainc tout autant : si on est amené à y zigouiller un certain nombre de bestioles, on y incarne un membre des « Riders » qui se retrouve régulièrement en opposition avec les « Hunters ». La différence : les Riders font davantage dans la régulation, la domestication et la préservation des espèces que les habituels chasseurs que l’on incarne dans la série. À plusieurs reprises, Monster Hunter Stories 2 parle de la nécessité de respecter l’environnement avec les contraintes que cela suppose, pose la question de la surexploitation des espèces et propose un esprit plus proche de la nature que les autres jeux de la série. Notons tout de même qu’il en résulte parfois une certaine dissonance ludo-narrative : tantôt on nous dira qu’il est impossible d’envahir une tanière de monstre car ces derniers doivent se reposer, tantôt on récoltera à la pelle des quêtes secondaires nous demandant d’aller tuer 10 exemplaires d’un même stégosaure qui n’a rien demandé à personne. Mais la trame principale, elle, reste constante dans sa recherche d’équilibre et d’harmonie, ce qui est appréciable.
Jan-Ken-Pokémon
Plus surprenant encore est la réussite indéniable du système de combat, qui parvient à merveille à allier accessibilité et simplicité. Abandonnant les phases d’action de la série principale pour se concentrer sur un système au tour par tour, Monster Hunter Stories 2 n’y perd pas pour autant en dynamisme. Entre autres par la possibilité salutaire d’en accélérer le rythme ou de zapper certains coups spéciaux, mais également par sa mécanique centrale bien huilée.
Les affrontements se déroulent ainsi la plupart du temps en plusieurs phases. Tout d’abord, on essaye de deviner selon un système de pierre-feuille-ciseau quelle attaque de base va lancer le monstre en face : la technique bat la vitesse, la vitesse bat la force, la force bat la technique. Il faudra ensuite choisir l’arme adaptée pour riposter efficacement (tranchante, contondante ou perçante) jusqu’à ce que le monstre s’énerve et change de technique de combat. Il conviendra alors de détruire ses parties les plus dangereuses ou de démêler son nouveau pattern d’attaque, le tout en faisant monter la jauge de coups spéciaux et « d’amitié » vous permettant de chevaucher ou d’attaquer en duo avec le monstre que vous aurez choisi parmi les six de votre roster. Bref, tout est très simple mais l’ensemble est très riche.
Monster Hunter Stories 2 excelle dans sa manière de retranscrire le sentiment de traque, de collecte et de combat propre à la licence tout en le rendant accessible au plus grand dénominateur commun possible. Il faut saluer les efforts produits, aussi, pour hybrider le genre avec le style souvent copié jamais égalé des jeux de collecte de créatures, dont il constitue une des itérations les plus équilibrées. La quête principale, longue d’une trentaine d’heures, ne vous forcera jamais à faire le jeu comme un Pokémon-like, les gains d’xp liés aux quêtes principales vous dispensant la plupart du temps de toute phase de grind obligatoire. Mais tout joueur qui souhaiterait le faire et collecter tout ce qui existe dans le jeu (bon courage : les mises à jour prévues sont colossales) en aura pour des centaines d’heures de plaisir.
Les limites du recyclage
Je pourrais continuer à tresser des louanges à Monster Hunter Stories 2 sur dix paragraphes, mais vous aurez compris l’idée principale : c’est un des JRPG les plus solides de l’année que nous avons là, et pour en revenir à mon propos initial, mon seul regret est de ne pas l’avoir découvert à un moment où j’avais 50 ou 60 heures de libre et une semaine de vacances pour le savourer entièrement. Oui, je pourrais continuer à vous parler du système de fusion, de la grande lisibilité du craft et de la forge, de la bonne humeur des PNJ ou de la qualité de la traduction… Mais attention cependant, l’amour ne rend pas totalement aveugle, Monster Hunter Stories 2 a des défauts.
Un défaut de structure, pour l’essentiel, qui concentre beaucoup des imperfections du jeu : si la quête principale se suit avec grand plaisir, elle propose tout de même un écueil ennuyeux, à savoir la répétitivité assez marquée de sa structure. Notre chevaucheur.euse de monstres va ainsi se retrouver dans une structure narrative assez balisée : on arrive dans un nouveau village, ce dernier a un problème insoluble, on casse la gueule au méchant du coin, puis on clean le tableau des quêtes secondaires, on forge du nouvel équipement, on capture deux, trois bestioles et zou pour la zone suivante. Le manque de perturbation majeure dans cette structure laisse un petit goût d’ennui au bout de quelques dizaines d’heures, même si tous les environnements sont plaisants à découvrir.
C’est un peu un défaut connexe, mais l’ensemble de mini mondes ouverts constituant les différents biomes du jeu sont loin d’avoir le génie qu’on connait à la saga principale : ici, beaucoup de couloirs, de tanières clonées les unes sur les autres, de niveaux faiblement construits, de plaines un peu vides… Comme si davantage de soin avait été placé dans la variété des combats que dans la richesse des paysages et des donjons. Ce n’est jamais très ennuyeux (la direction artistique générale est superbe), mais on aurait aimé qu’un jeu si réussi dans le fond ait un écrin un peu moins cabossé sur la forme. Notons enfin à cet égard que nous avons testé la version PC du jeu, qui tourne plutôt bien, mais j’ai entendu à plusieurs reprises que le titre pouvait marquer de petits problèmes de performances (framerate en yo-yo, clipping un peu trop marqué) sur Switch. De nombreuses mises à jour du jeu pour régler certains petits bugs sont par ailleurs prévues pour limiter ces difficultés, Capcom assurant en général un suivi très sérieux sur les jeux Monster Hunter.
Monster Hunter Stories 2 : Wings of Ruin a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch.
Généreux et accessible, Monster Hunter Stories 2 : Wings of Ruin est le croisement parfait entre l’exigence et la richesse de la franchise Monster Hunter et le cahier des charges idéal pour un JRPG accessible aux plus jeunes. Que vous ayez quelques heures par-ci par-là à y consacrer pour picorer monstres et quêtes annexes ou que vous ayez envie d’une grande aventure portée par un souffle épique, c’est sans doute le JRPG dont vous avez besoin en ce moment. Faites-moi confiance.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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