Je suis ravi à plus d’un titre de pouvoir écrire cette critique sur Monster Hunter Rise. Déjà parce que ça faisait longtemps que je n’avais pas retouché à un jeu de cette série qui me tient pourtant très à cœur, et d’autre part parce que c’est un excellent jeu. Rejouer à cet opus m’a permis à la fois de retrouver des sensations de jeu que je n’avais plus ressenties depuis le collège, et m’a aussi donné une parenthèse de respiration dans le quotidien globalement assez morne de ces derniers mois.
Étant donné la date à laquelle sortira ce papier, vous savez sans doute déjà que ce dernier Monster Hunter est très bon, voire excellent, et je ne souhaite pas vous répéter des louanges que vous pouvez déjà entendre ou lire ailleurs, bien que j’y adhère sans réserve : il s’agit d’un des meilleurs jeux de la Switch à mes yeux alors qu’elle possède déjà une ludothèque exemplaire. A la place, je voudrais profiter de ce papier pour vous parler en détail d’un aspect plus personnel de ce Monster Hunter Rise : son côté méditatif et sa capacité à me plonger dans un autre monde.
Prendre le temps de prendre le temps
Tout commence par un simple constat : je suis quelqu’un de terriblement lent. Ce n’est pas vraiment une question de mauvaise volonté, mais je suis juste lent à l’exécution et à la décision. Sans surprise, c’est un trait qui est vu de nos jours comme une tare, voire une abomination contre la productivité, érigée en but ultime du monde capitaliste, mais c’est comme ça que je suis et j’en suis très content. Cet état de fait impacte, outre mon quotidien, aussi ma manière de jouer aux jeux vidéo : par exemple je me tiens éloigné de pas mal de jeux qui mettent la pression aux joueurs pour aller vite, comme le premier Pikmin et sa limite de 30 jours pour le finir, ou Jet Set Radio et ses niveaux chronométrés. D’un autre côté, ce n’est pas pour autant que j’aime particulièrement les jeux délibérément lents : pour tout l’amour que je porte à Spiritfarer, je dois admettre avoir pesté contre les nombreux allez-retours hyper longs nécessaires à la progression.
En fait, à titre personnel, j’aime les jeux qui nous laissent libres de gérer notre temps comme on veut, sans nous presser via le gameplay, par l’ajout d’un timer serré par exemple, ou via la narration. C’est pour ça que j’aime les jeux de gestion, d’énigmes, ou ce bon Monster Hunter Rise (car je n’ai pas oublié de quoi il est question ici). Les plus connaisseurs de la série de Capcom me rétorqueront à raison que toutes les missions ou presque des Monster Hunter sont chronométrées et que Rise ne déroge pas à la règle, ce à quoi je répondrais : en effet mais le jeu maitrise son chrono d’une manière toute particulière.
Dans Monster Hunter, le timer n’est jamais mis en avant, il est relégué à un coin de l’écran et n’est pas animé. De plus, il est extrêmement généreux en donnant largement plus de temps qu’il n’en faut pour faire toutes les missions, même celles ne prenant que 10 minutes, ce qui en fait une incitation à ne pas se presser. En donnant 50 minutes pour cueillir 3 champignons, implicitement le jeu nous invite à prendre notre temps et à utiliser ce temps supplémentaire pour faire autre chose comme chasser des monstres en rab, ou explorer un peu et collecter des ressources. Je sais que c’est contre intuitif, mais imaginez qu’à votre boulot on vous donne 3 semaines pour créer un simple PowerPoint : si vous êtes consciencieux, vous allez probablement profiter de ce temps pour faire des tâches annexes pour lesquelles vous n’avez jamais le temps et livrer un PowerPoint hyper bien fichu. Monster Hunter Rise donne la même possibilité par sa gestion du temps très généreuse. En prenant à contrepied l’utilisation naturelle d’un timer, c’est un peu comme si le jeu nous disait « Quoi t’es mou du genou ? Non mais t’en fais pas rien ne presse, fais comme tu le sens ça ira bien. Et si t’as du temps à tuer, profites-en pour te balader. » Autant dire que ça change de mon quotidien où tout me renvoie au fait que je ne suis pas assez rapide, ni efficace.
L’ivresse de la sobriété
En plus de nous laisser faire les choses à notre rythme, tout en nous incitant à ne pas se presser, Monster Hunter Rise dispose d’un autre atout majeur pour permettre au joueur d’oublier son quotidien pendant quelques heures : son univers. Pour les néophytes, il faut savoir que la série Monster Hunter comporte deux parties distinctes : les missions dans lesquelles vous êtes dans un environnement pour chasser ou récolter des ressources, et le hub, dans lequel vous pouvez améliorer votre équipement, discuter avec des PNJ et faire plein de trucs pour faciliter la chasse. J’aimerais m’attarder sur le hub, car si c’était un élément sympathique mais sans plus dans les autres épisodes de la série, dans Rise il s’agit d’un des plus gros points forts du jeu à mon sens. Le village de Kamura est l’un des plus charmants lieux de vie que j’ai pu voir dans un jeu vidéo. Tout y est extrêmement vivant, alors même que les PNJ n’y sont pas bien nombreux et qu’ils n’ont pas énormément de lignes de dialogues. Je prends toujours beaucoup de plaisir à juste discuter avec le gamin qui vend des onigiris et qui ne veut pas déclarer sa flamme à la petite vendeuse de pommes d’amour, ou alors à flâner dans la rue principale pour manger des dangos. La caractérisation des PNJ n’a pas forcément besoin de milliers de lignes de dialogues et de descriptions, ils ont simplement besoin d’être cohérents et crédibles, et dans cet exercice Rise s’en sort à merveille. D’autant plus que la direction artistique et musicale du titre aide beaucoup à se plonger dans l’ambiance du village.
En ce qui concerne les missions, je pense que le mot qui pourrait le mieux en définir l’ambiance est : calme. Les décors dans lesquels se passent les parties de chasse sont d’agréables endroits de nature, très ouverts et grands, mais beaux dans leur simplicité. Se promener dans une zone de chasse, c’est se sentir petit face à un environnement plus adapté aux énormes créatures qui y vivent qu’à nous, et c’est aussi être seul avec ses pensées pour observer les monstres ou pour chercher des ressources, tout en écoutant le bruit du vent et de l’eau. En effet, tant que vous n’engagez pas le combat, il n’y a pas de musique pendant les missions, seulement les bruits classiques d’un coin où vivraient des animaux de la taille de dinosaures. En parlant d’eux, ils participent grandement à l’immersion, en vivant leur vie de leur côté. Les monstres arrivent à simuler de manière convaincante un écosystème complet, avec ses herbivores, ses prédateurs, ses charognards, ses opportunistes, et nous. C’est assez difficile de mettre le doigt sur ce qui fait exactement l’alchimie des zones de chasse, car en jouant à des RPG en monde ouvert, j’ai l’habitude de me promener dans de grands environnements avec une vie locale. De même, le dernier Zelda offre de beaux espaces qui donnent envie de les explorer, mais je ne me suis jamais senti aussi « présent » et absorbé par son monde. Je ne saurais dire avec exactitude à quoi est dû ce sentiment de « faire partie » de l’environnement, mais toujours est-il que Monster Hunter Rise y arrive parfaitement, et me permet de me poser tranquillement dans des ruines inaccessibles pour observer en paix des herbivores vivre leur vie.
Un monstre à échelle humaine
Tout cet aspect « d’appartenance » au monde fictif du jeu m’amène à un point qui a énormément d’importance à titre personnel : Monster Hunter Rise ne nous place à aucun moment sur un piédestal. Non pas que j’aime que mes jeux me maltraitent, mais j’aime que la place qu’on me donne dans son univers soit une place normale. Sauver la galaxie ainsi que la veuve et l’orphelin c’est marrant 5 minutes, mais parfois je prends plus mon pied en incarnant simplement Didier Bidule, le boulanger du village. Dans Rise, on incarne effectivement le chasseur de monstres de Kamura, et c’est une place importante dans la communauté, cependant il n’y a aucun doute sur le fait que quelqu’un d’autre pourrait l’occuper si on n’était pas là, on n’est pas l’élu de la légende de quoi que ce soit ; on est juste le type vers qui on se tourne quand il y a un ours géant qui vient foutre le boxon sur les routes commerciales. J’admets que c’est une appréciation très personnelle, et je comprends tout à fait ceux qui préfèrent les power fantasy classiques, mais incarner un individu banal d’un univers me permet de mieux me greffer à celui-ci.
Cette normalité dépaysante dont je parle est le moteur principal de l’évasion qu’arrive à me faire vivre ce titre. Actuellement, j’exerce un boulot qui me met pas mal de pression sur le dos pour diverses raisons, et je le gère assez mal. Donc quand un jeu me propose de devenir un mec lambda, sans me presser, et dans un univers passionnant, tout en ne me donnant pas de grosse responsabilité, ben j’en profite. C’est d’ailleurs assez rare qu’un jeu nous fasse incarner quelqu’un de banal, à mon grand regret d’ailleurs. Je trouve dommage que l’on soit toujours au centre des récits que raconte le jeu vidéo, et qu’on ne soit pas plus souvent un témoin, ou un acteur secondaire de ceux-ci, comme dans This War of Mine par exemple où l’on joue une victime de la guerre et non un soldat au cœur du conflit. Au final, mes meilleurs souvenirs de ce Monster Hunter Rise ne sont pas mes victoires arrachées sur le fil face à des monstres dangereux, mais plutôt les instants posés à me promener dans des ruines, ou à discuter avec les villageois entre deux missions, un peu comme dans la vraie vie, où je chéris plus les moments posés avec mes amis autour d’un repas, plutôt que mes grandes réussites comme mes diplômes.
Monster Hunter Rise a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l’éditeur. Il sera disponible sur PC en 2022.
Vous l’aurez compris, j’ai largement trouvé mon jeu de l’année, voire mon jeu de la génération avec ce Monster Hunter Rise (vous l’avez ?). En plus d’être un excellent jeu, c’est aussi une expérience très immersive, et un lieu dans lequel je sais que je peux être une personne lente, émerveillée par la tranquillité et la brutalité de la nature sans me sentir coupable d’être « improductif ». Je vous le recommande chaudement, et sachez que si vous n’avez jamais touché un titre de la série, celui-ci est une excellente porte d’entrée.
Un Rieur
J'aime tous les jeux, surtout les jeux un peu nazes ou cassés. C'est pas parce que c'est nul que c'est pas bon, et puis j'aime aussi la bouffe, et le JDR
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