Je l’avais abordé la semaine dernière dans ma chronique sur Yooka-Laylee and the Impossible Lair : en ce mois d’octobre, j’ai choisi de sortir de ma zone de confort et tester de nouvelles licences et nouveaux genres. Si le plateformer moche mais sympathique de Playtonic Games me faisait rejoindre une nouvelle licence et un nouvel univers, il ne m’avait que peu dérouté en termes de gameplay, tout habitué du crapahutage en 2D comme en 3D que je suis. Il était donc largement temps de passer à la phase 2 avec Legend of Heroes : Trails of Cold Steel 3, qui remplit toutes les cases en termes de nouveautés. Nouveautés en termes de licence, puisque que je n’ai joué à aucun des 120 000 (environ) épisodes précédents, de gameplay – dans le genre je n’ai joué qu’à Persona 4 et 5 – et même de pays d’origine. Sans être hermétique aux jeux japonais (j’ai même pu poser mes pattes sales sur Octopath Traveler cet été), je dois bien reconnaître n’avoir une connaissance que très sommaire du sujet et l’occasion semblait toute choisie.
Malheureusement, mon premier contact avec Trails of Cold Steel 3 s’est encore plus mal passé qu’avec Yooka-Laylee (qui n’était pourtant déjà pas bien glorieux). Lancer ToCS 3, ça m’a fait le même effet que d’arriver à une fête à laquelle je ne connais personne. Les gens se connaissent tous, se font des private jokes, discutent de personnes dont je n’ai jamais entendu parler et évoquent tour à tour, le regard embué de nostalgie ou goguenard, leurs souvenirs communs, pendant que moi, ben je m’ennuie. Tout le long de ma partie, j’ai eu ce vague sentiment que j’ai pu avoir en lisant les articles de Zali Falcam au sujet de la série Atelier : celui d’être face à un jeu issu d’une très longue lignée, dont chaque changement, ajout et retrait est un petit événement en soi et dont les nouveaux opus ne finissent par ne plus s’adresser qu’aux fans de la saga. Et tant pis pour les autres. Mon inculture crasse en la matière m’a immédiatement fait comparer Legend of Heroes à ma seule référence sur le sujet : Persona 5. Il faut dire que niveau similitudes il y a de quoi dire, avec ses combats au tour par tour en 3D, son alternance entre donjons et simulateur de vie estudiantine, liens à tisser avec les autres personnages, les tartines de dialogues et j’en passe. Sauf que là où la comparaison se brise et, je trouve, devient intéressante, c’est que Persona 5 (ainsi que le 4 avant lui), est extrêmement accueillant avec les néophytes.
Du lore ou du feuilleton
La première différence se trouve au niveau de l’univers, et plus particulièrement, de la façon dont il est présenté. Là où le titre d’Atlus prend la peine d’introduire tout son petit monde au fur et à mesure, Legend of Heroes nous balance dans la suite directe de ToCS 2 sans passer par la case présentations. Bon prince, il propose quand même de rattraper le scénario des jeux précédents via une montagne hallucinante de texte accessible via le menu principal, dans ce qu’ils appellent un « résumé interactif » (c’est-à-dire : une image de temps en temps). Je me demande sincèrement si une seule personne aura le cran et la patience de s’enfiler ces kilomètres de résumé, jouer à tous les jeux me semblant à peine moins long et certainement plus intéressant. Bien qu’à mon goût peu original, le lore de la saga est, il faut le reconnaître, sacrément touffu et il n’y a pas qu’avec les péripéties des titres précédents qu’il faut se mettre à jour, mais bien tout un univers, à la géopolitique complexe et aux nombreux, très nombreux, lieux, personnages et enjeux.
Ce qui est aussi passionnant pour les habitués de la saga que parfaitement décourageant pour un nouveau venu. À titre perso, le choix fut très vite fait : lecture rapide du résumé sur Wikipédia, et roulez jeunesse. Les fans seront, je suppose -j’espère-, contents de retrouver tel ou tel personnage de la saga, en rôle secondaire, caméo ou dans un flashback, tandis que de mon côté, je bataillais à comprendre qui était qui, qui était nouveau et qui faisait son grand retour. Si j’ai à peu près réussi à suivre du côté des personnages, j’ai en revanche vite jeté l’éponge pour ce qui était des noms de villes et pays ou des tensions géopolitiques dans tout ce bazar. Nul doute que c’est passionnant quand on suit, des sujets assez graves et peu abordés étant traités, mais ça faisait beaucoup de choses à rattraper d’un coup.
La légende des héros : Titre générique 3
Cette complexité, bienvenue pour les habitués de la saga, sérieux frein pour les paumés un peu bêtes dans mon genre, n’est pas, mais alors vraiment pas, soutenue par son interface ou même son apparence globale. Je sors de Persona 5, jeu où le moindre menu pète tant la classe que j’ai passé des dizaines de minutes à tous les parcourir, dont l’interface est un modèle de clarté et de conception, où la moindre règle ou boucle de gameplay est amenée et expliquée avec talent et qui camoufle presque parfaitement ses limitations techniques derrière une esthétique et mise en scène maîtrisées de bout en bout. C’est ça aussi de commencer avec le meilleur, le reste en est forcément moins bon et décevant.
Et de ce côté-là, Trails of Cold Steel 3 ne tient pas plus la route. Les menus sont peu lisibles et sont régulièrement remplis de stats, symboles, chiffres, pourcentages, y en a un peu partout et le tutoriel passe dessus à la vitesse du son. « Ça va vous connaissez, vous êtes à la maison, installez-vous », semble presque-t’il dire, ne mettant évidemment l’emphase que sur les nouvelles mécaniques, le reste étant expédié par-dessus la jambe en deux trois tableaux explicatifs. Sauf que moi j’étais pas à la maison, on m’a fermé la porte au nez et j’ai regardé les autres par la fenêtre tandis qu’il me pleuvait dessus. Le prologue est à ce titre une référence en termes de punition d’ignorance, puisqu’il faut jouer pas loin de 45 minutes avant d’avoir droit au premier tutoriel. En attendant, j’ai testé un peu n’importe quoi parmi tous les pouvoirs, jauges, objets de mes personnages, sans vraiment comprendre ce qu’il se passait ni pourquoi telle ou telle action se déclenchait sous mes yeux incrédules. Mais même une fois les bases acquises, j’ai continué de me faire plier en deux durant un paquet d’heures, demandant sans honte aucune au jeu de diminuer la difficulté des combats.
Et ce ne sont pas que les menus et interfaces qui sont dégueux, derrière c’est aussi techniquement plutôt à la ramasse. Le jeu est sorti en 2017 au Japon, pour finir sur nos PS4 européennes et américaines en octobre 2019 et j’aurais envie de dire que ça se sent, mais même pour un titre vieux de deux ans, je trouve que c’est limite sur certains aspects. Je ne vais rien dire sur l’esthétique, ça ne me parle pas, mais c’est ni pire ni mieux qu’un paquet d’autres JRPG sur le marché et niveau qualité des textures ça reste honnête. En revanche, l’animation est bien rigide, certaines collisions sont gérées assez approximativement, je ne compte plus le nombre d’objets et armes qui ont disparu avant leur mouvement achevé et la caméra part régulièrement vivre sa meilleure vie loin de mes directives. Rien de tout cela n’est franchement grave, mais toutes ces austérités, cumulées à mon ignorance du lore et du gameplay de la saga, m’ont très sérieusement rebuté en début de partie, tant le jeu semblait vouloir me prouver qu’il n’était pas pour moi et qu’il eût fallu être mordu de la série pour passer outre ces désagréments.
ToCS, goes my heart
Sauf que badaboum, est-ce là un énième syndrome de Stockholm, une amélioration du titre au fil des heures, ou ma personne devenant moins mauvaise et plus impliquée – probablement un peu tout de cela – mais je me suis retrouvé à m’intéresser à ce qu’il se passait là-dedans et même, à vouloir connaître la suite. De mémoire, je crois que c’est le premier jeu qui m’a coûté à ce point de devoir le relancer lors des premières heures, j’ai littéralement dû me forcer pour le continuer, négociant avec moi-même la durée minimale de mes sessions, allez, encore quinze vingt minutes, tu peux le faire. Et puis, de personne seule à la fête, observant les autres s’amuser sans les comprendre, je suis devenu ce nouveau pote d’un soir, qui, s’il ne comprend toujours pas les blagues et références du groupe, est là pour vivre les nouveaux moments, ceux qui seront racontés plus tard, pour une autre soirée. Et qui finalement, ne passe plus une si mauvaise soirée.
Si je n’ai toujours aucune idée du rôle de certains personnages dans les jeux précédant Legend of Heroes : Trails of Cold Steel 3, je sais en revanche que je me suis attaché à ceux présents dans cet opus, et à leurs histoires, les légères comme les plus plombantes (malgré une écriture et localisation anglaise, hum, assez médiocres). Je suis incapable de différencier les mécaniques ancestrales de la saga des nouvelles, ni de dire s’il y a eu amélioration, dégradation ou statu quo du gameplay. Je sais en revanche que si j’ai souffert en le découvrant, j’ai ensuite pris plaisir à l’apprivoiser, puis enfin avoir la sensation de le maîtriser, même rien qu’un peu. Legend of Heroes est devenu ce pote d’une soirée, soirée qui ira probablement jusqu’à terme, le plus dur étant passé, mais pas plus. Ensuite, je retournerai avec mes amis de d’habitude, glandant jusqu’à 3h du matin dans les Palais de Persona 5 et peut-être, dans ces moments-là, aurai-je une pensée pour Trails of Cold Steel 3.
Legend of Heroes : Trails of Cold Steel 3 a été testé sur PS4 via une clé fournie par l’éditeur.
Si je m’étais arrêté aux premières heures de Legends of Heroes titre à rallonge, j’aurais rendu un verdict 100% aigri et salé, pestant contre un titre mal écrit (ou du moins traduit), techniquement perfectible et hermétique aux nouveaux venus. Ces aspects existent bel et bien, mais il aurait été injuste et dommage de ne pas persister. Car sous son apparence de JRPG militariste simplet et grisâtre se cache un titre au gameplay solide, aux thématiques parfois fortes et au contenu généreux. Clairement pas mon nouveau jeu de chevet, mais une bonne leçon et une parfaite réussite quant à la sortie de ma zone de confort.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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