Chaque semestre à peu près, j’ai besoin de faire un petit Metroidvania, ou quelque chose qui s’en approche. C’est comme ça, un besoin ponctuel de passer 5 ou 6 heures dans un clone quelconque des grands noms du genre. Les derniers pour moi étaient Axiom Verge, Timespinners, Blasphemous ou Gato Roboto, mais Kunai, avec sa tablette tactile armée de grappins en guise de héros, n’avait pas vraiment retenu mon attention lors de son développement. Et c’est pourtant Kunai qui ouvre ma saison de platformers 2D pour cette année 2020 qui s’annonce riche en la matière.
Le pépin avec les jeux à scrolling horizontal d’exploration non linéaire avec boss et boost d’équipement occasionnels, c’est qu’on commence à les avoir eu sous tellement de coutures qu’on commence doucement mais sûrement à saturer de la formule, surtout depuis que les Souls-Like ont investi la 2D. Insectes, voyageurs du temps, religieux en pèlerinage qui tourne mal, religieux en pèlerinage qui tournent pire, chat dans une combi d’astronaute, lutteurs mexicains qui se transforment en poulet ou encore hiboux humanoïdes : n’en jetez plus, il semble que la course au gimmick soit sur le point de s’épuiser. Et pourtant, les petits malins de Turtleblaze arrivent encore à mélanger des ingrédients sans en faire une soupe imbuvable : dans Kunai, vous êtes un ordinateur, un ninja, Mega Man et un pistolero tout à la fois, sans que ça ne soit jamais ridicule, et c’est déjà bien, malgré les défauts qu’il embarque également avec lui.
Désolé, mais on se Kunai, non ?
C’est à la fois l’erreur et le miracle de Kunai : tout ce que le jeu propose, vous l’avez déjà vu un peu partout, à moins que ça soit vraiment votre tout premier platformer d’action. A vrai dire, c’est par honnêteté professionnelle que j’ai choisi de pousser la curiosité au-delà de la première heure tant le démarrage du jeu m’a fait l’impression particulièrement désagréable de n’être qu’une compilation peu inspirée de choses que j’avais déjà expérimentées une bonne dizaine de fois. De mon premier contact avec Kunai, je n’ai retenu en positif que la rapidité de l’action, et le côté furieux et bondissant du personnage, qui rythme bien la prise en main.
Mais filez-moi donc le double saut directement, au lieu de me livrer encore et encore les mêmes déserts aux dunes infranchissables, les mêmes quarts de cœurs à collecter, les mêmes boss à pattern sensibles à l’électricité, les mêmes PNJ qui me racontent les mêmes blagues hahaha c’est la base de la résistance N°42, 42 comme le chiffre des geeks, c’est drôle et cela me fait rire car j’aime l’humour, sérieusement, non, j’en peux plus. Trouvez autre chose.
Ceci étant dit, j’ai bien fait de m’accrocher un peu, et de ne pas m’étrangler dans ma propre mauvaise foi. Comme un chef cuistot s’inspirant de ses aînés pour créer un petit plat familier mais savoureux en piochant pile les bons ingrédients, Kunai arrive très vite à trouver son rythme de croisière, et il est plutôt agréable. Le grappin ? Déjà vu, mais utilisé de manière très créative. Se propulser au-dessus du vide à coup de flingues ? Banal, mais fonctionne à merveille. Les systèmes de portes à activer dans le bon ordre ? Un classique, mais jamais ennuyeux. Passé le deuxième boss, j’ai commencé à aimer mon voyage dans les terres désolées à dégommer des dizaines de robots avec ma tablette-ninja. Le problème de Kunai, c’est qu’il révèle ensuite trop vite tout ce qu’il a dans le ventre, et qu’il a un tout petit estomac.
Ah bon, c’est tout ?
Entendons-nous : qu’un jeu soit court n’est pas un défaut. L’an dernier, sur un modèle quasi similaire, j’avais passé 5 heures formidables sur Gato Roboto, et encore avant, j’avais fini le formidable Minit en moins de deux heures. A l’inverse, il m’avait semblé lors de sa ressortie sur Epic Games Store qu’Axiom Verge tirait à la ligne comme rarement un clone de Metroid l’avait fait. Dans le cas des deux premiers, ces jeux étaient des ensembles qui ne semblaient avoir rien de plus à affirmer. Ils allaient au bout de leur concept, et donnaient l’impression que plus aurait été trop.
Kunai, en revanche, m’a fait l’impression de s’arrêter en pleine montée, et de laisser le joueur en plan sans avoir approfondi aucun de ses concepts. Utiliser ses grappins comme des élastiques, électrifier ses ennemis, atteindre des interrupteurs à distance, renvoyer des missiles ou franchir des gouffres, tout ceci est fort bon, mais on aurait aimé que chaque feature ne se résume pas à un simple tuto étiré sur tout un donjon avant de passer la prochaine, sans jamais vraiment y revenir. On a parfois l’impression d’un service minimum se résumant à filer des armes au joueur pour les oublier ensuite dans la routine d’un level design un peu plat.
Ce qui manque à Kunai, c’est une vraie application à livrer des niveaux qui forcent le joueur à être créatif et à combiner les différents pouvoirs obtenus au cours du jeu pour faire émerger des solutions à des problèmes bien conçus. Presque jusqu’à la fin, vous pouvez vous en tirer en tapant un peu au pif, et en utilisant quelques sauts bien timés et en vous aidant d’un double grappin vraiment craqué qui vous permet de vous sortir d’à peu près n’importe quelle situation. L’avantage, c’est que Kunai est un jeu excessivement accessible, qui ne frustrera jamais personne, en faisant une excellente première approche de ce type de jeu. Mais il se refuse à proposer le moindre challenge au joueur qui en rechercherait, et risque d’ennuyer assez vite les habitués du genre. J’avais l’impression, lors du dernier tiers du jeu, d’être en pilote automatique (avec des grappins, certes, ce qui ne manque pas de cachet).
Mention Bien mais sans génie.
Jusque dans ses boss, Kunai enchante autant qu’il irrite : chacun d’entre eux est un modèle de design, et les confrontations sont plaisantes, mais elles sont si espacées et si rares qu’on peine à mesurer tout le talent (pourtant évident) des créateurs du jeu. Ils sont à l’image de tout ce qu’entreprend le jeu : fun, nerveux, inspiré, mais un peu chiche. L’avantage, cependant, c’est qu’un plat un peu maigre mais délicieux donne toujours envie d’en reprendre une bouchée, davantage d’un truc trop dégoulinant d’huile et de chantilly, et c’est avec plaisir que je reviendrai dans l’univers de Kunai si d’aventure Turtleblaze en proposait un DLC ou une suite.
Il me restera en tête, malgré toutes mes réserves, un design général, un rythme et des décors à couper le souffle malgré leur minimalisme. En plus de toutes ces jolies choses, il reste à Kunai un certain nombre d’autres qualités que je pourrais lister pendant encore deux ou trois paragraphes pour vous convaincre de donner quelques euros à un titre somme toute honorable de ce début d’année, mais je vais arrêter là pour que vous ayez exactement le même sentiment que moi en reposant la manette.
C’est un peu énervant, pas vrai ?
Kunai a été testé sur Switch via une clé fournie par l’éditeur
J’aurais aimé tomber amoureux de Kunai, qui sous ses atours un peu forceurs déploie une énergie et un talent fous pour se faire aimer. Mais sous ses airs généreux et festifs, le jeu de TurtleBlaze livre une expérience un peu sèche, brève, aux levels et aux boss designs un peu pauvres. Kunai reste un jeu solide que je vous recommande, mais il est en deçà de ce qu’il aurait pu proposer.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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