Suite du très remarqué rogue-lite indé Gonner publié en 2016, Gonner 2 promet la même chose en mieux : une balade frénétique dans le monde des morts sous forme d’un platformer procédural nerveux et psychédélique. Le tout bien sûr avec un niveau de difficulté assez élevé, et la promesse d’un multijoueur jouissif, rare dans ce style de jeu. Et autant vous le dire tout de suite : Gonner 2 est sans doute un assez bon titre, mais ça ne m’a pas empêché de le détester de toutes mes forces.
C’est un sentiment étrange que de recevoir un jeu vidéo, de passer un certain temps à le tester, l’analyser, y trouver un certain nombre de qualités et même imaginer à qui, précisément, il pourrait plaire… Sans y trouver pour soi-même la moindre qualité ludique. À vrai dire, l’exercice tient presque du mauvais rêve. Pendant des heures, je me suis demandé pourquoi j’avais un problème avec ce jeu. En principe, j’aime beaucoup les jeux difficiles, je suis très client de la formule rogue-lite, et la direction artistique à grands aplats de couleurs psychédéliques inspirée du monde des morts du folklore mexicain a tout pour me plaire. Mais Gonner 2 m’a profondément irrité de bout en bout, car ses choix de game design et sa philosophie de jeu sont à mille lieues de l’expérience que je recherche manette en main. J’ai essayé de toutes mes forces, pendant des heures et sur des dizaines de runs, mais en vain. Ce qui m’a fait renoncer à essayer d’aimer ce jeu malgré ses évidentes qualités (et ses quelques vilains défauts), c’est réaliser que ne pas réussir à aimer Gonner 2 n’était pas un problème : je n’ai rien à prouver à ce jeu, et il n’a rien à me prouver.
Rendez-vous manqué avec la lisibilité
Gonner 2 se présente sous une formule simplissime éprouvée au rythme d’un jeu minimum par semaine (lisez mes miettes de l’actualité, vous verrez il y en a vraiment un par semaine) : le monde des morts a été envahi par des monstres. Vous, un squelette armé d’un gros fusil, allez devoir remédier à tout ça pour la satisfaction de la divinité locale. À chaque mort, vous revenez au hub de départ, éventuellement armé d’équipements que vous aurez pu déverrouiller en route… Et c’est à peu près tout. Simple et efficace. Bien entendu, Gonner 2 ne se contente pas de cette simple matrice. Les deux principales originalités du jeu tiennent à une approche ultra minimaliste de la mise en scène (le jeu est quasiment muet, les décors quasiment vides…) et à un système de seconde chance assez bien fichu quand le personnage se fait toucher.
En effet, le squelette que l’on contrôle vole en morceaux une fois touché par un projectile ennemi (ça arrive souvent), vous laissant l’opportunité d’essayer de vous reconstituer avant de repartir à l’assaut. Si votre corps décapité se fait toucher à nouveau, vous mourez pour de bon… Sauf si vous avez ramassé assez d’argent que vous pourrez dépenser dans une ultime tentative de résurrection. Cette idée assez bienvenue pousse le joueur à la prise de risque et donne une vraie marge de droit à l’erreur pour passer les tableaux les plus chargés en ennemis. Il est même possible de continuer une run sans sa tête, exposant le joueur à une mort immédiate s’il se refait toucher, mais laissant la possibilité de trouver plus loin un crâne « frais » pour rebooster sa barre de vie. Idem : c’est une bonne idée pour pousser le joueur à flirter avec le danger.
Le problème auquel je me suis très rapidement heurté vient du côté fouillis, voire carrément illisible par lequel cela se traduit à l’écran. Bien que quasiment vide de textes ou d’éléments d’arrière-plan, Gonner 2 sature bien vite l’image de projectiles, d’éléments à collecter et d’ennemis qui donnent vite un côté brouillon assez laborieux, particulièrement quand on doit slalomer entre les différents assaillants pour aller récupérer son crâne tombé au fond du niveau. J’ai longtemps essayé de mettre mon incapacité à m’y retrouver sur le compte de ma propre mauvaise vue (je suis daltonien, et ce jeu ne manque pas de me le rappeler), mais je me suis vite rendu compte que non, c’était vraiment la pagaille constante à l’écran. En témoignent les combats de boss, beaucoup plus lisibles et beaucoup plus clairs, rares moments où j’ai apprécié le jeu. Je n’ai pas eu l’occasion d’essayer le titre en multi, mais je pense que ce côté saturé doit y prendre un aspect encore plus extrême, pour le meilleur et pour le pire.
Il n’est pas de Gonner suprême
Mais ce n’est pas ce qui a le plus heurté mon expérience avec Gonner 2. Des jeux fouillis ou pas très clairs, j’en ai fait d’autres, et il est loin d’être le pire. Non, j’ai finalement davantage été bloqué par d’autres choix, moins esthétiques et plus mécaniques, opérés par les développeurs du jeu, à commencer par une génération procédurale des niveaux assez faible. On a l’impression féroce de retraverser en boucle les mêmes salles… À ceci près que certaines semblent parfois mal fichues, difficiles à franchir, ou proposent des précipices pour lesquels on ne dispose d’aucun moyen visuel de déterminer s’il s’agit d’une salle en contrebas ou d’une chute qui sera fatale à votre run. On meurt trop facilement à cause de cette génération un peu faiblarde, et contrairement aux morts en combat, elles condamnent à un redémarrage complet de la partie, ne donnant pas l’occasion de pouvoir reconstituer son corps.
Pire, certains choix ont été directement à l’encontre de ce qui me semble plaisant dans un jeu de plate-forme un minimum nerveux et dynamique comme devrait l’être Gonner 2. Ainsi, les niveaux de départ vous projetteront dans divers biomes, jouant soit sur l’horizontalité, soit sur la verticalité… Soit sur l’élément aquatique. Et même si je sais que détester les niveaux aquatiques n’est pas un trait de personnalité, force est de constater que dans le cas de Gonner 2, ils ne sont pas un grand service rendu à la nervosité et au rythme qui se veut endiablé du jeu. Tout cela pour dire qu’un bon tiers de mes runs ont été gâchées par ces partis-pris étranges qui viennent à mon sens plomber une expérience par ailleurs assez équilibrée et dépourvue de bugs majeurs.
C’est au moment où j’ai réalisé qu’une bonne partie de la communication de Gonner 2 tournait autour du côté irrémédiablement fun de son mode multijoueur que j’ai pris conscience que ce jeu n’était définitivement pas pour moi. L’idée est formidable : quitte à foutre la pagaille partout à l’écran et à le saturer de couleurs vives, autant le faire jusqu’à quatre en même temps ! Mon principal souci, c’est que c’est bien le genre d’argument qui me laisse totalement indifférent, le rogue-lite étant dans mon expérience personnelle une pratique totalement solitaire et presque méditative. À ce stade de mes réflexions, je suis enfin arrivé à la conclusion que ce n’était pas moi le problème, mais la distance de philosophie de jeu entre moi et les devs de chez Art in Heart, qui ont simplement bâti un jeu correct, mais à rebours exact de ce que je souhaite trouver dans un jeu du genre. C’est dommage, mais je reste persuadé que Gonner 2 saura trouver un public plus adapté que moi à ce genre d’expérience.
Gonner 2 a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Sur le papier, Gonner 2 avait tout pour me plaire. En pratique, il m’est tombé des mains avec violence, et n’a jamais assez accroché mon attention pour que je m’astreigne à franchir le mur de difficulté assez raide que représentaient pour moi son gameplay et sa philosophie de game design. À mon sens, cela est loin d’en faire un mauvais jeu, mais si chaque pot a son couvercle, Gonner 2 est un carré et moi un dodécaèdre non euclidien.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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