Issu de la collaboration du (mini) studio Small Bros et de l’éditeur Retrovibe spécialisé dans les expériences nostalgiques, B.I.O.T.A. est un metroidvania 2D pur jus, cherchant à compenser de petits moyens par la multiplication d’idées.
Ce n’est pas du tout la première fois que quelqu’un se lance dans l’aventure d’une relecture du Metroid de 1986 en essayant d’être presque plus rétro en apparence que l’original : avant B.I.O.T.A., nous avons par exemple pu nous frotter à Axiom Verge, Gato Roboto ou encore Astalon : Tears of the Earth. Plonger un personnage ou un groupe de personnages dans des labyrinthes anxiogènes pour leur permettre de massacrer des abominations biologiques figurées par des bouillies de pixels sanglants est même un sous-genre de l’action platformer indé à part entière. B.I.O.T.A. essaye donc de tirer son épingle du jeu en multipliant les personnages jouables (et donc les gameplays possibles) ainsi que les phases de gameplay alternatives : platformer, run and gun, pilotage de mechas ou de vaisseaux ou encore esquive d’obstacles pendant une chute libre… Pour un résultat hélas pas forcément très bien calibré malgré son évidente bonne volonté.
Biobazar
Si B.I.O.T.A ne fait pas vraiment d’efforts pour livrer un scénario particulièrement consistant, disons tout de même que le jeu fait ce qu’il faut pour nous intéresser à son propos. Dans un futur particulièrement pourri, il y est question d’une équipe de mercenaires, dont on incarnera les différents membres pour autant de styles de combat possible, envoyée sur un astéroïde minier. Sur place, comme dans tous les astéroïdes miniers de SF qui se respectent, un incident biologique hors de contrôle causé par la cupidité d’une multinationale est en train de transformer tout le monde en monstres-zombies. À vous, envoyés en mission suicide, d’arriver à vous tirer de là, et, si possible, d’empêcher la contamination bactériologique de s’étendre à la planète Terre. C’est classique, ce n’est pas très inventif, mais c’est assez fonctionnel et discret pour se faire oublier.
Le fait que la narration de B.I.O.T.A soit (un minimum) travaillée est plutôt une bonne chose, et s’avère être assez payant dans la dernière heure du jeu (comptez en 5 pour voir le générique de fin), qui met les pièces du puzzle en place de manière assez efficace. Le titre se paye même le luxe de plusieurs fins, venant pour l’essentiel récompenser la complétion de votre exploration de la map et des quelques quêtes secondaires proposées par l’aventure. On regrettera d’ailleurs un peu que la narration soit parfois tellement discrète qu’elle n’explicite que très vaguement les objectifs nécessaires pour atteindre la meilleure conclusion de l’aventure… Tout en se permettant pourtant de gros pâtés de dialogues pas très intéressants avant quelques moments-clés de l’intrigue. Rien de grave, on est pas vraiment là pour lire du Shakespeare, mais pour s’imprégner de l’ambiance.
Et à cet égard, B.I.O.T.A fait plutôt un bon boulot : les différents environnements de l’astéroïde sont glauques à souhait, la musique électronique poisseuse et nerveuse du musicien jpeg fonctionne vraiment bien pour nous mettre dans le mood de massacre de mutants, et le jeu réserve quelques belles surprises esthétiques jusqu’à la fin. On regrettera cependant que l’idée centrale de B.I.O.T.A pour varier son esthétique soit la possibilité de changer de « palette » en switchant à la volée la gamme de couleurs affichées à l’écran. Une idée vieille comme le jeu vidéo, mais qui, dans le cas présent, fonctionne plutôt mal, un bon deux tiers des switch de couleurs proposées nuisant plus qu’autre chose à la lisibilité de l’action. Qu’importe, en laissant les couleurs grisâtres de base, B.I.O.T.A se regarde sans déplaisir.
Saute, nage, cours, vole
B.I.O.T.A n’est pas qu’un simulateur d’expérience ayant mal tourné, c’est aussi un metroidvania tout ce qu’il y a de plus classique. Le jeu est découpé en zones que vous devrez explorer tableau par tableau en débloquant pouvoirs et bonus pour ouvrir des portes closes et avancer encore plus profondément dans les entrailles de l’astéroïde. Le tout ponctué de boss hideux et peu amicaux, bien entendu. L’originalité principale consiste à pouvoir revenir à la base pour changer de personnage et donc de palette de coups possibles : le sniper tire plus loin mais plus lentement, la scientifique peut se soigner, le robot peut envoyer des roquettes et circuler dans des environnements radioactifs, etc. On regrettera cependant qu’on soit finalement très rarement contraint par le jeu de changer de personnage : chacun d’entre eux aurait pu avoir « son » moment adapté à son gameplay. Ce n’est le cas que d’une ou deux petites séquences réservées à un perso précis, ce qui vous conduira à négliger mécaniquement certains membres de l’équipe franchement moins forts et moins utiles que les autres.
On regrettera aussi un level design un peu en dents de scie, livrant tour à tour des passages de plateforme et de combat nerveux et habiles, et des moments complètement redondants nous poussant à faire exactement la même chose pendant une dizaine de tableaux, le tout en proposant un système de sauvegarde moitié manuel moitié automatique ni fait ni à faire qui vous forcera parfois à recommencer plusieurs fois le même donjon, voire vous bloquera au milieu d’une séquence de jeu avec très peu de vie restante, vous poussant à faire un perfect sur une séquence pas très bien calibrée. On appréciera en revanche les séquences de combats de boss, vraiment trop rares dans le jeu mais admirablement conçues et à la difficulté un peu mieux calibrée que le reste de B.I.O.T.A, globalement trop facile une fois qu’on a pigé ce qui fonctionnait à coup sûr contre tous les ennemis.
Mon principal souci avec B.I.O.T.A, au fond, n’est pas tant situé dans les moments où il est d’un classicisme tranquille (parce qu’il le fait assez bien, et l’originalité n’est jamais une obligation formelle) que quand il tente de sortir des sentiers battus à coup de séquences « choc » à bord de robots, d’avions, de tourelles automatiques, de saut à la corde ou encore de pilotage de sous-marins. Particulièrement mal fichues à cause de la physique du jeu très inadaptée à la conduite de gros objets lourds, ces séquences cumulent à la fois une certaine faiblesse esthétique (ce n’est pas très lisible à l’écran) et ergonomique (on a l’impression de conduire des camions dans des couloirs étroits). Dommage, car l’idée d’un metroidvania hybride dans lequel on troque parfois la solitude de l’exploration de couloirs hostiles par de la déglingue frénétique à la Metal Slug n’est pas pour me déplaire. Mais dans le cas de B.I.O.T.A, j’ai surtout trouvé que ces séquences relevaient du parasitisme, particulièrement dans le dernier quart du jeu, où elles se multiplient de manière peu satisfaisante au point d’occulter tout le reste du gameplay.
B.I.O.T.A a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
B.I.O.T.A ne démérite pas, et livre finalement une copie honnête de Metroid qui parvient même à quelques moments de grâce, le temps d’un boss ou d’un niveau particulièrement bien conçu. On regrettera cependant que lors des quelques heures nécessaires à en voir le bout on se retrouve si souvent irrité par des bugs, des plantages ou des séquences de gameplay un peu hors de propos qui auraient mérité soit d’être plus travaillées, soit de ne pas figurer dans le jeu du tout. Il n’en reste pas moins que pour une aventure réalisée en grande partie par une seule personne, c’est une copie très honorable qui manque juste un peu de finition.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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