C’est au rythme d’un épisode annuel, voire deux, voire trois pour les grands crus que Gust livre les jeux Atelier depuis 20 ans. Cette série qui vous fait incarner des petites alchimistes dans des ambiances assez paisibles avec un ton généralement feel-good n’a jamais eu une ambition énorme, mais avait su peu à peu traverser les crises pour s’adapter au goût du jour. Après un épisode principal très correct et un étonnant épisode dérivé sous forme de jeu de gestion, la série entame un nouveau cycle avec Atelier Lulua : The Scion of Arland.
Il y a quelques jours, Gust a lancé un étrange questionnaire à destination des fans (japonais) de la série Atelier. Cela fait suite à un épisode Lydie & Suelle qui a été une catastrophe industrielle malgré des retours critiques corrects, et à l’épisode Nelke qui n’a pas plus que le précédent réussi à se hisser dans le top 20 des charts japonais. Y compris sur PS Vita où ce type de produit trouve généralement son public naturel. Le 20è jeu de la série principale (tous épisodes dérivés mis à part) est donc cet Atelier Lulua lui aussi sorti dans une indifférence complète au Japon en mars dernier. Et une fois le jeu lancé, pas étonnant que Gust en appelle à la sagesse de sa communauté pour tenter de relancer la série : cet épisode est clairement une impasse, et une belle impasse.
Atelier Ronron
La trilogie Arland sortie entre 2009 et 2011 sur Playstation 3 avait marqué un difficile passage à la 3D pour la série de Gust. Abandonnant les longues aventures épisodes d’Atelier Iris pour de la gestion un peu molle du calendrier d’une petite boutiquière, entrecoupée de combats minimalistes, les jeux Arland avaient cependant fini par trouver un ton, une écriture et des personnages, et développer une mythologie certes succincte, mais qui pavait la route pour de belles réussites futures. La trilogie avait bénéficié d’un remake assez superbe sur Vita et Windows, avec un nouveau moteur de jeu, un contenu enrichi et une modernisation bienvenue des interfaces de création d’objets. Vu le soin apporté par l’éditeur autour du sous-univers Arland, pas étonnant que le nouveau cycle en reprenne les bases, situant les aventures de la petite Lulua au même endroit que celles de sa mère Rorona une génération plus tôt.
Une bien belle idée dans une saga qui a une certaine tendance au manque de continuité : on change d’univers et de chara designer tous les deux ou trois épisodes. Hélas, de cette idée amusante sur le papier, les scénaristes de Gust ne font, disons le tout de go, pas grand-chose. Nous incarnons donc la jeune Lulua, qui doit, un peu comme d’habitude, résoudre divers problèmes pour les gens de sa ville pour progresser en vue de devenir une alchimiste aguerrie, le tout dans le même pays où vivait sa maman Rorona quand elle a fait ses armes. Et c’est à peu près tout. À l’exception de quelques caméos sympathiques et de vagues allusions aux événements de la trilogie Arland, on se retrouve vite piégé dans un scénario bavard pour ne rien dire, mou, vu et re-vu, manquant cruellement de fun et de personnages secondaires. Peu de RPG m’auront autant ennuyé que ce triste Atelier Lulua. Vous me direz que dans un RPG où des petites filles touillent des chaudrons pour fusionner des miches de pain, on ne vient pas forcément pour la qualité des sous-intrigues. Hélas, cet épisode brille aussi par son absence de génie dans presque tout le reste.
JRPG en Pilote Automatique
Alors que la série nous avait habitué à l’exploration de zones assez vastes, à de la collecte d’ingrédients assez funs et à des rebondissements amusants pendant les explorations, Atelier Lulua fait dans le minimalisme : on y enchaîne les zones minuscules bouclées en moins de quelques minutes, pour y récolter des trucs dont on lit à peine les descriptions et débloquer des recettes qu’on enchaîne sans joie en fonction des besoins de l’intrigue. La mort du fun, rythmée par pas grand-chose d’autre. Pire : la très mauvaise idée d’Atelier Lydie & Suelle consistant à balancer une partie de ce pourquoi on est venu dans des DLC hors de prix est reconduite. Certains personnages de l’ancienne trilogie Arland sont tout simplement retirés de votre équipe jusqu’à ce que vous vous acquittiez d’une lourde taxe de 10€ par personnage. D’autant plus scandaleux que la tradition de la série veut que les personnages d’un jeu précédent soient naturellement ajoutés à votre roster.
Bref, on s’ennuie à jouer à un machin au contenu tronqué de partout, et ce n’est certes pas le côté technique qui viendra relever la sauce. Plus moche que Lydie et que l’épisode Nelke, Atelier Lulua enchaîne les décors verdâtres et les modèles 3D approximatifs. L’interface retombe dans ses travers typiquement japonais de menus mal agencés et de consignes peu claires. On gardera cependant quelques qualités au milieu de toutes ces déceptions : une héroïne attachante, un système de création alchimique un tout petit peu mieux pensé que dans les épisodes précédents, des combats légèrement moins mécaniques et plus inventifs que la moyenne. Mais ça reste bien maigre pour un jeu qui débarque après des titres bien plus intéressants (comme le superbe Atelier Firis).
Peut mieux faire
Il y a des articles dont on sent en commençant à les écrire qu’ils ne gagneront pas un Prix Albert Londres. Mon article sur Atelier Lulua est de ceux-là. En réalité, j’ai reposé ma Switch avec perplexité, en me demandant ce que je pourrais bien vous raconter là-dessus qui ne sois pas juste un étalage amer des défauts du titre. Et j’ai l’impression que Gust a rendu sa copie un peu avec le même sentiment. Un Atelier de plus dans la machine. Peut-être un Atelier de trop.
Je repense toujours à cette formule un peu grotesque qui ornait l’écran d’accueil de Final Fantasy XV : « Pour les fans et les nouveaux venus ». La problématique de cet Atelier Lulua est presque inverse. Bien que l’addition soit un poil salée au regard de la pauvreté de l’expérience, la production de Gust n’est pas une croûte, ni un jeu si honteux que cela : les heures défilent et on crée des recettes alchimiques sans y penser, en sautant de plus en plus vite les dialogues. Mais ça se laisse jouer. Par contre, Atelier Lulua ne convaincra en aucun cas les nouveaux venus, qui devraient lui préférer n’importe quel autre titre de la série (par exemple les autres jeux de la série Arland), et ne passionnera guère les fans, appâtés par la promesse de découvrir Rorona, Totori et Meruru vingt ans plus tard et laissés en plan avec une fanfiction médiocre ni faite ni à faire. Un épisode pour personne, en gros. Quel dommage.
Ce n’est pas la première fois que la série Atelier se trouve confrontée à des impasses. En réalité, les débuts de cycle ou les changements de console ou de moteur de jeu donnent rarement des résultats très heureux aux aventures des petites alchimistes. Mais rarement la franchise, qui vient de fêter ses vingt ans, a semblé aussi proche de la catastrophe, avec des ventes catastrophiques et une légende qui s’étiole peu à peu. Il est temps pour les responsables de Gust de revoir leur copie, et de prouver que comme ils l’ont fait par le passé, ils peuvent réinventer la saga. On y croit !
Atelier Lulua : The Scion of Arland a été testé sur Switch via une clé fournie par l’éditeur
Ce n’est certes pas un accident inédit au sein de la prolifique série Atelier, mais Atelier Lulua : The Scion of Arland est un épisode qui fait clairement fausse route. Sans être catastrophique, il n’apporte ni amélioration notable ni point de vue nouveau sur la franchise, et réussit par dessus le marché à être une suite particulièrement inintéressante à la saga Arland. Techniquement assez pauvre, assez mal écrit, étriqué… On ne gardera de cet accident de parcours qu’une héroïne attachante et un système de combat assez futé, mais ce n’est pas suffisant.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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