Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift explore le très joli monde du point & click polonais TOHU, tandis que Fanny a dévoré Sarawak, un petit jeu narratif prenant.
TOHU
2020 aura été l’année des reports, encore plus que d’habitude et pour les raisons que vous connaissez, 2021 risque d’être l’année de « tout finit par sortir ». Mince, même Biomutant semble s’annoncer pour les mois qui suivent – mais rien n’est joué encore. C’est en tout cas ce qu’il s’est produit pour TOHU, pour lequel j’avais reçu une clé preview d’une dizaine de minutes en novembre 2019 et annoncé pour juin 2020 avant d’être repoussé. Le voilà qui débarque tout pimpant en janvier, fin prêt dans ma bibliothèque Steam deux semaines avant sa sortie et doté d’une date une peu plus précise que Q1 2021 : le 28 janvier. Et si je ne suis pas très familier des versions preview, ni de ce que je suis censé en retirer, dans ce cas précis force est de constater que les points forts notés durant les quelques minutes d’essai se sont confirmés, tout autant que mes craintes.
La petite fille en alu
TOHU, donc, c’est un point & click excessivement mignon, développé par le studio polonais Fireart Games – à qui l’on ne doit pas grand chose d’autre que Spirit Roots, un action-platformer qui laissait déjà pas mal entrevoir leur très chouette patte visuelle, malgré un gameplay plutôt mou du genou – et qui mise à peu près tout sur deux bases : son univers et son petit twist de gameplay. Côté univers, le pilier est particulièrement solide. Peu de choses sont expliquées – c’est très bien comme ça – , mais on est face à un mélange visuellement très plaisant de nature et de technologie toujours inventif et surprenant, à base d’hélicos portés par des moustiques mécaniques, de chiens à tête de clé à molette, de planètes-poissons et autres oiseaux-boules à thé.
Une telle nébulosité dans l’univers peut parfois être à double-tranchant dans des œuvres au scénario et aux enjeux complexes, impliquant de saisir au moins un minimum les règles qui régissent le monde théâtre de l’intrigue, mais ce n’est absolument pas le cas ici : l’histoire de TOHU est parfaitement prétexte et tient sur un timbre-poste. À partir de là, peu importe que les designs, personnages, situations et décors soient absurdes : on finit par ne plus se poser de questions, accepter que ce loup est sur roulettes, et se laisser porter par les idées aussi créatives que saugrenues des développeurs. Ce qui paradoxalement est assez salvateur pour la cohérence de l’œuvre et la suspension d’incrédulité, puisque, point & click oblige, les résolutions d’énigmes sont tout aussi farfelues que le reste.
TOHU est fini entre nous
Ce qui nous amène à cette seconde base, malheureusement beaucoup moins solide : la particularité de TOHU. Dès l’intro, Fireart nous annonce la couleur, nous n’allons pas contrôler un, mais deux personnages, entre lesquels on pourra jongler en un clic. Et sur le papier, autant que sur les premières énigmes, c’est effectivement plutôt prometteur. Notre personnage principal, la petite fille – non, elle n’a visiblement pas de nom – peut grimper sur des trucs et parler aux gens, et se transforme à l’envi en Cubus, son alter ego robotique, quand il s’agit de porter des charges lourdes ou casser des choses. Malheureusement, si la mécanique fonctionne assez bien sur les premiers tableaux, elle s’essouffle aussi très vite et le jeu laisse tomber le pauvre Cubus assez rapidement, pour ne le faire revenir que sur le dernier acte – acte qui s’avère d’ailleurs très poussif. TOHU est un jeu court – il se boucle en à peine 6h – , mais il aurait, en l’état, mérité de l’être encore plus, tant sa dernière partie est laborieuse.
Ses premiers puzzles, certes assez simples, suivent la logique éprouvée mais efficace du point & click d’aventure, avec différents objets à ramasser et utiliser dans une poignée de tableaux pour résoudre les énigmes et faire progresser l’histoire. Ça se parcourt agréablement – sauf quand le jeu demande un timing particulier, tout en étant peu précis sur le changement de personnage – et le système d’indices en petites BD à la Machinarium est plutôt efficace (malgré l’insupportable mini-jeu à résoudre pour l’activer). Jusqu’à ses trois quarts, et ce malgré la place de moins en moins importante de Cubus, TOHU est une très belle porte d’entrée dans le genre du point & click, avec des énigmes assez sympas à résoudre sans être ni simplistes, ni obscures, faisant du titre un très bon jeu à faire en compagnie d’un enfant. Malheureusement, il faudra aussi composer avec un dernier acte plutôt pénible, ressortant un condensé des pires poncifs du jeu de puzzle, du liquide à transvaser à la séquence loup – mouton – salade, en passant par les engrenages et fils emmêlés.
Un exemple de plus pour souligner qu’un jeu court sera toujours préférable à un jeu vide : avec son tunnel final de puzzles peu inspirés, TOHU laisse un arrière-goût un peu amer, qu’il n’aurait pas eu avec une heure de jeu en moins. Les péripéties de ce segment ayant un intérêt plutôt léger, une coupe franche n’aurait de toute manière pas changé grand-chose au déroulement de l’intrigue. Et c’est très dommage, car couplée à ses quelques soucis de maniabilité dans les niveaux demandant du rythme ou de la précision, et un sound design exaspérant – les personnages ne la bouclent jamais, taisez-vooooooous – , cette petite heure de trop n’est pas loin de faire basculer TOHU de point & click agréable à antipathique.
TOHU a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Malgré un final décevant, quelques bruitages insupportables et une maniabilité parfois crispante, TOHU est un point & click magnifique, simple d’accès sans pour autant être inintéressant, fourmillant de détails et de trouvailles visuelles et proposant tout de même quelques bonnes idées d’énigmes. Porté par la chouette B.O de Christopher Hollow Knight Larkin, le titre de Fireart Games vaut tout de même le détour, au moins pour son univers et son atmosphère.
Sarawak
C’est en partie dans leur ville natale d’Oxford que Cowleyfornia Studios, composé de seulement deux personnes, a décidé de placer l’action de leur premier titre, Sarawak. Ils précisent d’ailleurs que « Cowleyfornia » est le surnom de la partie Est d’Oxford, la partie plus colorée et artistique de la ville, une inspiration qui se retrouve dans la patte graphique qui caractérise leur titre.
Une aventure narrative rapide mais satisfaisante
C’est dans un café que commence notre aventure, lorsque Mia Green est interrompue dans son repas par une policière venue lui poser des questions sur sa mère, soupçonnée dans une affaire de meurtre d’un professeur d’université. Cette discussion la lance dans une aventure entre Oxford et Sarawak, afin de découvrir quel était vraiment le lien entre ce professeur et sa mère et si cette dernière est réellement coupable de ce qu’on l’accuse. Sarawak s’inscrit dans cette vague de petits jeux narratifs courts qui, s’ils ne sont pas nouveaux, connaissent une certaine popularité en ce moment ainsi qu’un regain d’originalité dans leur présentation, au-delà du visual novel ou du jeu textuel simplissime.
Si ce titre ne va pas révolutionner le genre, il présente tout de même de très bonnes idées : le défilement vertical pour dérouler les dialogues à la place du simple clic et les illustrations pastel saupoudrées de touches de couleurs plus vives qui se font interactives et deviennent puzzles lorsque le récit en présente le besoin, comme dans le premier chapitre, où il s’agit de simplement éteindre une radio pour comprendre ce que nous dit notre interlocutrice. Les puzzles ne présentent aucune difficulté particulière mais apportent une respiration bienvenue entre plusieurs paragraphes de texte. Sarawak arrive à nous tenir en haleine tout au long de la petite heure (si vous lisez vite) que dure le jeu, malgré un scénario classique de polar, grâce à un équilibre parfait trouvé entre ses moments de narration plus calmes et ses révélations.
Trop souvent encore la durée de vie d’un jeu est jugée comme un point positif ou négatif en prenant comme seul critère l’argent qu’il a fallu débourser pour y jouer, sans vraiment prendre en compte le contexte autour du jeu : trop court c’est négatif, long c’est positif car on en a pour notre argent. Pourtant, nombreux sont les jeux trop longs pour leur bien ou ceux qui, malgré leur brièveté, durent le temps qu’il faut pour raconter juste ce qui est nécessaire. Par exemple, un Tacoma aurait été probablement lassant sur la durée là où les AAA ont tendance à faire gonfler artificiellement leur temps de jeu au détriment de la qualité. Sur ce point-là, Sarawak oscille entre le trop court et juste ce qu’il faut : certains personnages secondaires auraient mérité un peu plus de développement pour comprendre leur attachement à Mia et à cette affaire mais l’histoire reste satisfaisante et gagne à pouvoir être dévorée d’une traite.
Sarawak a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Sarawak est un très bon premier titre d’un petit studio prometteur. Loin d’être absolument parfait ou révolutionnaire, le titre possède de très bonnes idées de présentation et une narration maîtrisée. Nous avons hâte de voir ce que nous proposera Cowleyfornia Studios par la suite, même si nous avons déjà une petite idée puisque leur prochain jeu, We’ll always have Paris, est annoncé pour fin 2021 sur Steam.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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