Cette fois-ci dans Partie Rapide, Tristan vous parle de Spacebase Startopia, jeu de gestion de base spatiale et Zali de In My Shadow, un puzzle game à base d’ombre et de lumière.
Spacebase Startopia
Commençons par le commencement. Tout d’abord il y eut le big bang. Puis 14 milliards d’années de trucs divers impliquant beaucoup trop d’hydrogène avant que l’on arrive en 2001 dans un coin perdu du bras d’Orion de la Voie Lactée et la sortie de Startopia par des développeurs ayant quitté Bullfrog (le premier studio de Molyneux quand il mentait modérément) après qu’EA a emmené le studio dans la ferme aux studios-tu-verras-tu-pourras-te-reposer-t’inquiète-pas. Dans le jeu, votre travail était de développer une série de stations en ruine après une guerre galactique en suivant les désirs de divers employeurs. Au ton léger bourré de références, Startopia avait marqué à son époque par une écriture très drôle, une gestion assez poussée bien que peu documentée et surtout des graphismes assez bluffants pour l’époque. Annoncé en 2019, Spacebase Startopia se voulait comme un remake moderne de ce classique de la gestion. Eh bien il y a du boulot.
Revoyons les bases (spatiales)
Tout d’abord, la première chose qui vous accueillera sur Spacebase Startopia, c’est une voix robotique. Pas Glados, ou HAL, mais bien la synthèse vocale Windows qui a du mal à s’aligner sur ce qu’il se passe à l’écran et du coup se fait interrompre à la fin des cinématiques, dépassée par les évènements. Premier conseil : faites alt+F4, passez le jeu en anglais sur Steam, et mettez les textes en français. Ça vous épargnera la douleur de ce « doublage ». Vous avez trois voix d’IA, dont une fausse Glados, c’est celle que je vous conseille car la mieux doublée (je ne suis pas certain qu’ils aient la doubleuse originale, mais on y croirait et ça va très bien avec le ton très sarcastique de votre assistant virtuel). Mais le doublage c’est secondaire, même si l’original avait très bonne réputation, que donne le jeu en main ? Trêve de suspense : c’est fainéant. Presque insultant. Soyons clairs : nous sommes à ça d’un jeu de gestion mobile, la monétisation en moins (heureusement). Je veux bien qu’il soit compliqué de passer après Bullfrog, qui ont quasi inventé le genre de la gestion moderne avec Theme Park, Theme Hospital, Populous, Dungeon Keeper et j’en passe, mais ce n’était pas la peine d’essayer si c’était pour nous offrir un jeu de gestion aussi léger.
Qu’est-ce qui est le plus important dans un jeu de gestion ? Le feedback, et l’accès facile aux informations les plus importantes : argent, ressources, satisfaction de vos visiteurs et de vos employés et, dans le cas de Spacebase Startopia, oxygène. Un bon jeu de gestion vous donnera un nombre plus ou moins conséquent de panneaux d’informations qui vous permettront de guider vos décisions. Le piège est de ne pas tomber dans un amas de tableaux Excel indigestes enterré derrière 40 sous-menus ou, à l’inverse, de ne proposer quasi aucune information pour savoir ce qui ne va pas. Vous l’aurez deviné, Spacebase Startopia tombe dans le second. Par exemple, l’énergie est votre argent. Mais vous n’avez aucun moyen de savoir combien vous gagnez par période. Pas de tableau de budget ou de résumé de production et de consommation, pas même un indicateur +x ou -x à côté de la valeur. A vous de calculer de tête en regardant toutes les 40 secondes la valeur monter ou descendre pour savoir si vous êtes en déficit ou en bénéfice. Et du coup, impossible également de savoir quel bâtiment rapporte le plus ou consomme le plus. Et le jeu est bourré de ce genre de problèmes où l’on ne sait pas ce qui ne tourne pas rond dans votre station spatiale.
C’est probablement pour cette raison que le jeu s’avère bien trop facile après quelques heures de jeu. Les développeurs ayant dû se rendre compte que leurs choix n’aidaient pas à gérer correctement la station, ils ont donc décidé de simplifier à l’extrême et au bout de quelques heures de jeu en bac à sable (que je vous conseille après les très poussives missions de « campagne », un tuto glorifié de quelques heures), vous n’avez rien d’autre à faire que d’attendre que la barre d’énergie se remplisse pour construire plus de bâtiments. Rince, repeat. Et ce n’est pas la mécanique RTS qui vous occupera. Comme toujours dans ce genre de jeu, oui même les classiques type Pharaon, je ne comprends pas pourquoi il faut rajouter des combats là où ce n’est pas nécessaire. Votre station pourra être attaquée par des pirates et vos robots de défense iront les détruire. Comme dans le reste du jeu c’est brouillon, confus, pas clair et très oubliable.
Spacebase Startopia a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Spacebase Startopia est irritant. Brouillon, peu profond, peu intéressant, c’est un jeu qui fait pâle figure par rapport aux standards actuels de la gestion. Et pour être parfaitement honnête il fait même pâle figure par rapport aux standards de l’époque de la sortie de l’original. Je n’ai pas évoqué l’écriture, qui est également très irritante. Le trope de l’IA sarcastique et méchante c’est rigolo cinq minutes, et surtout rigolo quand c’est bien écrit. Ici c’est fainéant, pas drôle et on a juste envie de débrancher l’IA en mode HAL pour en finir avec ses trois remarques nulles qui tournent en boucle pendant le jeu. L’univers du jeu est du même acabit, bourré de références lourdingues très peu drôles que l’on croirait sorties d’un livre de blagues « geek » que tonton t’a offert à Noël car « tu aimes Starrre Ouarze ça te fera rire » et qui finit aux toilettes.
In my Shadow
Playbae est un petit studio indien, qui a déjà développé quelques jeux pour mobile, et qui fait avec In My Shadow le grand saut vers le monde du jeu PC et la jungle des sorties Steam. Pas facile de se distinguer dans les dizaines de sorties quotidiennes, et, on le sait, d’excellents jeux passent chaque semaine à la trappe faute de visibilité. Dans cette course à la surproduction ludique, un jeune développeur a tout intérêt à avoir une sacrée bonne idée de gameplay, ou au moins un concept scénaristique ou mécanique très solide, pour se distinguer de la masse. Le problème d’In My Shadow, énième jeu basé sur la gestion des ombres et des lumières et énième scénario à base de tragédie familiale teintée de mélancolie, c’est que tout correct qu’il soit, il a toutes les chances de passer totalement inaperçu.
Les ombres, hérauts de l’amer
Une jeune adulte, Bella, reçoit un texto de son père. Hélas, comme dans tout bon jeu à l’esthétique indé qui se respecte, Bella est brouillée à mort avec sa famille. In My Shadow va nous proposer pendant quelques heures de marcher dans les traces de l’enfance et de l’adolescence de Bella, en recomposant peu à peu les souvenirs qui ont amené à cette rupture entre la jeune fille et ses parents. Difficile de rentrer davantage dans les détails, In My Shadow a une histoire qui se laisse suivre mais sans intérêt particulier, et préfère se concentrer sur sa mécanique principale : des puzzles à base d’ombre et de lumière.
In My Shadow est divisé en grands tableaux, chacun représentant une pièce de la maison familiale et une étape de la jeunesse de Bella. Chacun des tableaux est lui-même divisé en plusieurs niveaux, où le but sera toujours le même : arriver à amener l’ombre de Bella au bout de la pièce, pour déclencher un nouveau souvenir, parfois doux, parfois amer. Concrètement, c’est un jeu de plate-forme dont la mécanique principale consiste à bouger des objets physiques dans la pièce pour modifier la taille des ombres et permettre à l’héroïne (ou du moins à son ombre) de progresser. Certains objets ne pouvant être déplacés qu’horizontalement ou verticalement, d’autres devant être pivotés pour projeter une ombre de la bonne forme sur les murs.
Au crédit d’In My Shadow, il faut verser le fait que cette très courte expérience mise beaucoup sur la créativité du joueur : la plupart des énigmes proposées, qui par ailleurs ne deviennent jamais très complexes, ont plusieurs solutions, et misent davantage sur votre capacité à jouer avec les ombres que sur une unique solution à un puzzle étriqué. Playbae tient à ce que vous fassiez travailler votre imagination, et dans les derniers niveaux du jeu, on apprécie cette forme de gameplay émergeant avec les ombres et les perspectives. Le seul problème, si on excepte une direction artistique franchement rebutante (question de goût, mais les personnages à grosse tête aux yeux globuleux modélisés approximativement, bof), c’est que… In My Shadow arrive sur un créneau déjà saturé.
On vous en a parlé plusieurs fois, mais la mécanique consistant à se servir des ombres et des lumières pour fabriquer des puzzles, toute efficace qu’elle soit, commence à être un peu usée. In My Shadow est un puzzle platformer tout à fait correct, mais n’apporte à peu près rien au genre : on a l’impression de voir à peu près les mêmes ficelles et les mêmes puzzles que dans les autres jeux du genre jouant sur la solidité des ombres apparus ces dernières années, et on le referme avec la conviction qu’on l’aura oublié aussi sec. Si vous êtes totalement en manque de ce genre d’expérience, cependant, In my Shadow pourra vous amuser quelques heures.
In My Shadow a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Je me demande toujours la raison qui pousse des petits éditeurs et développeurs à sortir des jeux aussi similaires au reste de la production du marché. Sont-ils rentables ? Ont-ils la moindre chance de se faire remarquer ? In My Shadow est de ceux-là. Appliqué, fonctionnel, mais manquant cruellement d’idées et de personnalité… J’hésite : ce type de jeu est-il une victime ou la cause de la surproduction vidéoludique ? La réponse étant sans doute : les deux à la fois.
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
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