Cette fois-ci dans Partie Rapide, Murray vous parle de Letters – a written adventure, un jeu où les mots comptent beaucoup, et Shift de Ghost on the Shore, jeu narratif à la première personne malheureusement pas très intéressant.
Letters – a written adventure
Premier jeu du (tout) petit studio suisse 5am Games, Letters – a written adventure est l’aboutissement de six années de travail avec, à la base, un concept original de jeu sur les mots, transformé en prototype plus complet, montré un peu partout et ayant enfin fait l’objet d’un Kickstarter réussi. Alors, simple gimmick amusant ou vraie bonne idée bien exploitée ?
Déchiffrez des lettres
Letters – a written adventure vous met dans la peau de Sarah, jeune fille de 11 ans en 1997, qui écrit des lettres à Katya, sa correspondante russe. L’occasion pour elle de lui parler de ses parents qui n’ont pas l’air d’avoir la relation la plus stable, de sa grande sœur en pleine crise d’adolescence et de ses amis, ses amours et ses envies. Le jeu propose de diriger une version miniature de Sarah qui se balade sur les lignes des messages qu’elle écrit tout au long des années que vous allez vivre avec elle.
De cette possibilité de se mouvoir entre les lignes et les lettres découle deux éléments de gameplay différents. Le premier va être pour votre personnage de réussir à atteindre la fin de chaque lettre ou de continuer la conversation que vous avez avec quelqu’un (les années avançant et Sarah grandissant, on accède à un ordinateur permettant de jouer un peu avec la structure des niveaux, certains étant alors réalisés à base de fenêtres et applications).
Les messages adressés sont toujours accompagnés de jolis dessins symbolisant ce que vous décrivez, mais ces derniers viennent souvent bloquer votre route. Heureusement, vous avez la possibilité d’utiliser les mots de votre lettre pour les appliquer sur les dessins et ainsi les modifier. Prenons un exemple : vous parlez de votre sœur très en colère contre vous, apparait alors un dessin d’elle vous barrant le passage. Libre à vous d’utiliser le mot « part », présent quelques lignes plus haut pour l’appliquer sur elle et ainsi la faire disparaitre. Mais tout n’est pas toujours aussi simple et il faudra souvent trouver un mot présent à l’intérieur d’un autre mot de votre message pour vous en sortir (dans le cas de notre exemple, le mot « part » peut se trouver à l’intérieur de « départager »).
C’est malheureusement le moment où je vous annonce que Letters n’est qu’en anglais (le travail de traduction est trop important et nécessiterait de refaire la plupart des énigmes). Mais deux choses sont à noter : l’anglais utilisé est plutôt facile à comprendre et le jeu propose un bouton permettant de faire apparaitre les mots utilisables, de quoi ne jamais être coincé si on ne trouve pas la solution soi-même.
Cette mécanique fonctionne bien, on s’amuse à chercher les mots à utiliser, qu’ils permettent de débloquer une situation ou juste de modifier l’apparence d’un personnage pour le plaisir (ou de rajouter PLEIN de chats à l’image) et on reprendrait bien quelques niveaux supplémentaires, surtout si c’est pour encore envoyer balader des personnages toxiques…
Mais je vous le disais plus tôt, Letters propose un deuxième élément de gameplay, puisque vous allez pouvoir choisir le déroulé de votre aventure. À certains moments, le jeu vous proposera de choisir entre deux mots à utiliser pour régler une situation : vos parents divorcent, vous allez vivre chez maman ou papa ? Oui je sais, c’est très joyeux, mais sachez que le jeu commence avec un message alertant le joueur sur les sujets délicats qu’il aborde (et on le remercie pour cela).
Ces choix impliqueront des conséquences sur le reste de votre aventure et on est bien évidement tenté de revenir sur certains chapitres pour voir ce qu’implique l’autre choix. Il faut reconnaitre que certaines décisions ont de réelles conséquences sur le reste de la vie de Sarah, avec des embranchements différents, même s’il faut remettre ceci en perspective avec le fait que Letters ne dure que 2h/2h30 et qu’il est donc plus facile de mettre en place un tel système de choix que dans un jeu durant 10h.
Letters – a written adventure a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l’éditeur. Il est aussi disponible sur PC.
Letters – a written adventure est un jeu vraiment intéressant, qui arrive à utiliser sa mécanique originale de jeu sur les mots pour faire avancer son histoire et faire évoluer son héroïne dans une vie qui, il me faut l’avouer et vous en avertir, est loin d’être des plus faciles. S’il est un peu court, le système de choix et la découverte des différents embranchements permettent de prolonger un peu sa durée de vie sans avoir forcément l’impression de faire plusieurs fois le même jeu.
Ghost on the Shore
Développé par le studio belge like Charlie, Ghost on the Shore rejoint le gang des jeux narratifs à la première personne plus intéressés par leur scénario et leur écriture que par leur gameplay. Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : je n’y vois aucun mal. Je ne vois pas d’inconvénients à ce qu’un jeu se contente de me raconter une histoire et de me promener de tableau en tableau, et j’aime me poser devant un walking sim ou un visual novel une fois de temps en temps, pour peu que le récit soit bon, que sa mise en scène soit intéressante, ou que son rythme tienne sur la durée. Ce n’est malheureusement pas tellement le cas de Ghost on the Shore.
Sur la plage abandonnée, ectoplasmes et macchabées
Je vais tenter de ne pas être ce sale type qui compare n’importe quel nouveau jeu aux classiques du genre. D’une part car ce serait injuste d’attendre de Ghost on the Shore ou de n’importe quel autre walking sim qu’il soit le nouveau What Remains of Edith Finch ou Firewatch (même s’il en reprend quelques mécaniques de narration), de l’autre car il y a déjà bien assez à (re)dire dessus sans avoir à le comparer à ses petits camarades. Car les soucis de Ghost in the Shore ne viennent ni de son statut de jeu narratif, ni du fait qu’il passe après les quelques cas d’école du genre, mais plutôt d’un rythme souffreteux, de grossières erreurs de game design et d’un twist qui tourne au jus de boudin.
Pour replacer un peu de contexte, le titre de like Charlie nous met dans la peau de Riley, jeune fille fuyant de bien mystérieux problèmes personnels en allant faire du bateau au large des îles Rogue, sur lesquelles elle va s’échouer après avoir essuyé une tempête carabinée. Ce n’est qu’une fois arrivée qu’elle se rend compte qu’un fantôme, du nom de Josh, a élu domicile dans sa tête et lui parle. En permanence. L’exploration des lieux évolue ainsi très rapidement en enquête, Riley essayant de démêler l’histoire des îles, de leurs habitant·es, et la cause de la mort de Josh. Et c’est là que le premier écueil pointe le bout de son nez.
Le principal enjeu, à mon sens, du jeu narratif est l’équilibre à tenir entre un trop plein de gameplay, qui souvent dilue le propos plus qu’il ne le sert – les critiques de Zali et Jok offrent un large panel d’exemples de puzzles, de phases de piratage, de cache-cache et autres tableaux électriques inopportuns – et un trop peu, qui risque de rapidement ennuyer si la mise en scène et l’histoire ne suivent pas ou mettent trop de temps à démarrer. Et c’est globalement ce qu’il se passe avec Ghost on the Shore. Si le dernier acte du jeu s’emballe un peu en termes de péripéties et révélations – le tout accompagné de quelques effets pas inintéressants -, force est de reconnaître qu’on s’ennuie globalement sévère dans cette visite de village fantôme insulaire.
La faute d’abord à cette base de gameplay, qui déclenche (trop) régulièrement des dialogues entre Riley et Josh, dont les réponses tracent plus ou moins explicitement l’un des quatre épilogues du jeu. Et cette mécanique pose plusieurs problèmes. Le premier est que Josh ne la boucle absolument jamais : ses dialogues ne sont pas toujours déclenchés par nos découvertes, et quand l’histoire n’avance pas, il continue de parler de tout et de rien, surtout de rien, dans ces cas-là. Si je peux comprendre l’intérêt de cette présence quasi-constante pour le scénario, ainsi que l’importance de créer du lien entre nos deux personnages en quelques heures, ces interventions m’ont sévèrement pris la tête à plusieurs reprises, particulièrement quand elles impliquent de s’interrompre toutes les minutes pour répondre à une question bateau alors qu’on est perdu sur cette fichue île.
Mais le souci ne tient pas que dans le côté prise de tête des relances constantes de Josh. Ces dernières s’enchaînent parfois un peu n’importe comment et il en découle une certaine artificialité, que ce soit en termes de sujets abordés ou de ruptures de ton un peu brutales, enchainant quasi sans transition des discussions graves sur la mort d’un personnage, des questions légères sur les hobbies ou le quotidien, et des engueulades remettant en question la fiabilité et sincérité de la relation. Et ces discussions étant indispensables à la conclusion de l’aventure, cette mécanique s’accompagne d’un effet secondaire peu agréable : le moindre objet trouvé, la moindre lettre, le moindre audiolog immobilise Riley, histoire que deux dialogues ne viennent pas se télescoper ou qu’une description ne vienne pas bloquer le lancement d’une question ou remarque, dégradant encore un peu plus un rythme déjà bien mou. Et sans vouloir spoiler, disons que la nature de la conclusion et des twists ne justifie pas vraiment un tel dispositif et s’avère particulièrement peu satisfaisante.
Ghost on the Shore a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Si Ghost on the Shore dispose de quelques bonnes idées de structure et mise en scène et que le mystère mis en place attise suffisamment la curiosité pour vouloir aller jusqu’au bout, son système de dialogues, leurs enchaînements incessants et sans grande cohérence, cumulé à un rythme mou et une conclusion décevante, en font un titre assez peu recommandable. Assez dommage, quand le postulat de départ et la direction artistique promettaient un titre au moins intéressant.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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