Dans le Backlog de TPP, les rédactrices et rédacteurs du site dépoussièrent leurs bibliothèques virtuelles et viennent vous parler tous les mois de jeux, récents ou anciens, enfin sortis de leurs backlogs et qui les ont séduits. En ce mois de mars, glau affronte des hordes de bestioles à plusieurs bouches dans Aliens: Dark Descent, Zali arpente la Jupiter rétrofuturiste de Return to Grace et Shift combat les cryptides dans Mothmen 1966.
glau : Aliens: Dark Descent
Si l'on met de côté les derniers errements de sir Ridley Scott, la saga Alien(s) reste un décor d'angoisse formidable, en témoigne la quantité de jeux qui s'en est emparée ces dernières années. Ce qui ne présage rien de la qualité desdits jeux : personne n'a oublié la catastrophe Colonial Marines. Aussi a-t-on le droit de se méfier de ce Aliens: Dark Descent sorti l'année dernière. Notez bien le s final, qui renvoie bien au deuxième épisode de James Cameron. On ne dirige donc pas un pauvre personnage affolé comme dans Isolation, mais une escouade de marines plus résilients, capables de se hacher un chemin à la sulfateuse dans une vague de xénomorphes. Le jeu prend logiquement la forme d'un X-Com, dont l'alternance de rythme permet de souffler entre deux missions haletantes. Un croiseur échoué fera office de base centrale, où l'on s'occupera de fabriquer des armes, analyser les échantillons extraterrestres, sans oublier de panser les (nombreuses) blessures des marines éprouvés. Car ils vont en baver, les pauvres, et les blessures physiques ne seront peut-être pas les pires.
Trêve de bavardages, soldat, c'est l'heure de la sortie. Bonne surprise : Dark Descent innove avec un gameplay en temps réel où l'on ne s'occupe pas de diriger chaque membre indépendamment, mais toute l'escouade de quatre. Le tout dans un temps réel pas vraiment pausable, mais ralentissable… ce qui n'est pas toujours suffisant pour s'occuper des bestioles aussi rapides — et c'est évidemment fait exprès. Il vaut mieux se préparer en amont à l'assaut, ce qui alors donne au gameplay un petit air de tower defense.
La tension monte d'autant plus que l'on ne peut pas sauvegarder à tout instant : il faut pour cela se trouver une zone suffisamment close, dont on soudera les portes afin de permettre aux troupes de décompresser un peu. Car plus que les points de vie, c'est le niveau de stress des soldats qui est la véritable ressource critique. Poussez-les un peu à bout, et ils se mettent à paniquer, hurler et tirer n'importe comment. On pense à l'excellent jeu de rôle du même univers, qui utilise également le stress comme moteur principal et partage un certain nombre de mécaniques. Il est ici essentiel de bien mesurer cette jauge pour savoir si l'on peut encore pousser un peu, ou s'il faut exfiltrer l'escouade, quitte à revenir un autre jour… mais l'heure tourne, et chaque jour fait grimper le baromètre d'infestation de la planète.
Au fur et à mesure que l'on parcourt les différents sites, l'angoisse va forcément se déliter un peu. Le fonctionnement des ennemis devient plus clair et plus mécanique, la psychologie des soldats aussi. Pour autant, Dark Descent ménage quelques surprises pour continuer à nous déstabiliser, tandis que nos braves soldats s'enfoncent de plus en plus dans la folie post-traumatique. Vous pensez à Spec Ops: The Line ? C'est normal, ce Dark Descent valide parfaitement l'inspiration conradienne de la série de Ridley Scott. Tout ceci est bon signe pour la suite : Alien a eu son Isolation en 2014, Aliens a aujourd'hui ce Dark Descent. Vivement une digne adaptation de Alien 3 en 2034…
Zali : Return to Grace
Je déteste l'expression "walking simulator" parce que d'une part, je la trouve un poil condescendante, et d'autre part, c'est souvent factuellement faux. Les jeux narratifs dans leur ensemble se résument rarement à une simple promenade introspective simulée (des jeux comme Dear Esther ou Everybody's Gone to the Rapture faisant sans doute exception) utilisée pour raconter une histoire. Comme si on pouvait résumer un roadmovie au simple déplacement des personnages, considérant que Aaltra et Logan sont le même film. Return to Grace, production Creative Bytes sortie mi 2023, pourrait facilement se résumer à une "simple" promenade sur Jupiter. Je pense que c'est un peu plus que cela.
Dans un futur fort lointain, on y suit le destin contrarié d'une astronaute venue explorer les restes de structures abandonnées sur la planète Jupiter. Un lieu témoin d'un temps où l'Humanité avait tenté d'unifier le système solaire en utilisant des technologies avancées d'intelligence artificielle. Bien entendu, tout ne s'est pas super bien déroulé, et réactiver tout ce bazar, même à des fins scientifiques, pourrait s'avérer être une idée assez douteuse.
Return to Grace m'a marqué en particulier par le soin apporté à son univers rétrofuturiste inspiré de la culture New Age et des années 60. Ici, la science se décline façon Yoga, en méditant dans des jardins parfumés plein de grelots et de gongs plus ou moins asiatiques. Cela nous met forcément un peu mal à l'aise, et c'est fait pour.
L'aventure se boucle en quatre ou cinq heures, et on en ressort avec l'idée d'avoir découvert une très chouette petite histoire de SF pulp explorant des thématiques intéressantes. Return to Grace propose une vision du futur rarement envisagée sous cet angle, et on retient surtout ce ton étrange et méditatif, davantage que les puzzles vraiment pas ouf (pour être sympa) qui hachent le rythme de l'aventure.
Shift : Mothmen 1966
Fortement influencé par les deux papiers assez positifs de Zali concernant Varney Lake et Bahnsen Knights, respectivement deuxième et troisième opus de la trilogie de visual novels Pixel Pulps, j’ai fini par me prendre ces jeux, et me lancer dans le premier épisode, Mothmen 1966. De manière parfaitement explicite, les jeux du duo argentin LCB Game Studio sont des hommages à la littérature et au cinéma d’horreur de série B, chaque titre piochant dans un registre particulier (et la palette de couleurs allant avec).
Avec ses hommes en noir et ses extraterrestres menaçants, Mothmen 1966 tape immédiatement dans la SF conspi à l’esthétique X-Files et chapeaux en alu : on sait dès les premières secondes où l’on a mis les pieds. Et pourtant, alors même que je suis familier de ce genre de tropes, et que j’étais largement documenté sur la série des Pixel Pulps, le titre a réussi à me surprendre à plusieurs reprises. Si sa trame et ses péripéties sont volontairement cousues de fil blanc, Mothmen 1966 est cependant loin d’être paresseux et propose quelques tableaux très marquants, autant grâce à sa mise en scène qu’à sa BO, mais surtout via une utilisation hyper efficace de son pixel art, tout juste assez fin pour que l’on comprenne toujours ce qu’il se passe à l’écran et toujours assez grossier pour occulter la majorité des détails et faire travailler le pouvoir évocateur de ces vignettes mal dégrossies.
Là où je m’attendais un peu moins à une surprise, c’est du côté de l’écriture. Les dialogues en eux-mêmes ne sont pas spécialement mémorables et restent confortablement dans le ton de la science-fiction horrifique cheapos, mais la multiplication des points de vue donne lieu à de très bonnes séquences. En nous laissant incarner tour à tour Lee et Victoria, jeune couple parti en escapade nocturne pour un diner en amoureux sous une pluie d’étoiles filantes, et Holt, tenancier d'une station service paumée, des scènes aussi quelconques qu’une dispute en voiture deviennent assez palpitantes, grâce à des chapitres qui dévoilent les pensées de chaque personnage au fil du récit. Il n’y a finalement pas un ou une héros/héroïne dans Mothmen 1966, mais un groupe de protagonistes, dont les motivations et arcs se développent en parallèle et peuvent prendre des directions parfois très marquantes avec finalement très peu de moyens narratifs.
La force du titre, au-delà de ses inspirations parfaitement assimilées et reformulées, c’est de réussir à brosser des interactions convaincantes et des personnages très crédibles et attachants en quelques phrases, quelques écrans et quelques interactions. Tout est dans l’économie, le titre se boucle en à peine deux heures, mini-jeux (épouvantables) compris, mais tout dans la narration est terriblement efficace, et pave la route à un univers qui dévoilera par la suite, avec Varney Lake et Bahnsen Knights, des concepts et liens narratifs pas si clichés ou prévisibles. Bref, jouez aux trois Pixel Pulps, mais surtout : jouez-y dans l’ordre.
Retrouvez nos avis sur d'autres jeux du mois de mars
glau
Se perd dans des mondes ouverts, dans les rouages de sa propre usine ou dans le fracas des chars, mais trouve toujours un petit chemin de fer pour rentrer.
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