Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali nous parle du jeu de stratégie minimaliste Hero’s Hour et Murray nous parle de Little Orpheus, un jeu d’aventure invraisemblable, mais dans le bon sens du terme.
Hero's Hour
Développé en quasi solo par le développeur indé Benjamin Hauer, Hero’s Hour se veut être un successeur spirituel des premiers épisodes de la légendaire série stratégique Heroes of Might and Magic. L’approche utilisée est graphiquement minimaliste, loin des ambitions (avortées) de King’s Bounty II, mais mise sur la profondeur de son système de jeu. Avec succès.
Minimaliste, mais il fait le maximum
Hero’s Hour reprend l’essentiel de l’héritage de la série dont il s’inspire. Vous commencez sur une grande carte stratégique, avec un château dans lequel vous pouvez recruter des unités et construire des bâtiments. Pour parcourir la carte, vous avez des héros, dont la force est en grande partie déterminée par les unités militaires que vous allez empiler dans son inventaire. À chaque tour, vos héros ont des points de déplacement pour aller ramasser des trucs sur la map, capturer des bâtiments producteurs de ressources et affronter des armées ennemies. Certaines sont neutres (et bloquent généralement l’accès à des ressources), d’autres représentent une faction adverse (et l’objectif, c’est de prendre leur château)… Et c’est à peu près tout, et c’est déjà assez pour vous occuper un bon paquet d’heures.
Ce qui surprend quand on fait ses premières parties de Hero’s Hour, c’est tout d’abord son aspect formellement ultra minimaliste : chaque information y est réduite à quelques pixels, la narration est quasiment absente du propos général, tous les détails confinent à l’abstraction. On est pas encore au niveau d’épure d’un Cave of Qud, mais pas loin. Plus étonnant encore : si de nombreuses (très nombreuses) maps ont été implantées dans le jeu et présentent des situations et des configurations pour le moins variées, on s’étonnera de ne trouver aucune campagne à proprement parler, ni vraiment de scénario, de mythologie ou de propos, comme si ces petits pâtés de pixels se battaient un peu sans but ni raison.
Cette impression de vide passe rapidement quand on découvre le tour de force principal de Hero’s Hour : avoir caché sous cette bouillie graphique un jeu de stratégie à la profondeur absolument redoutable.
Hero’s Hour ne propose rien de très compliqué à comprendre, mais mise sur la richesse et sur la qualité de l’articulation de ses différents sous-systèmes. Les factions sont plutôt nombreuses, chacune avec un gameplay légèrement différent et un set complet d’unités uniques. Le système de magie est bien pensé et les bâtiments et événements disséminés sur la carte sont très variés, bref, il faut des dizaines d’heures et de parties avant d’en faire le tour ou d’avoir l’impression de refaire deux fois la même mission.
Le pari fait par Hero’s Hour tient d’ailleurs à cette richesse de contenu : certes, tout est un peu moche et un peu abstrait, mais en compensation vous avez une quantité de possibilités beaucoup plus élevée que dans la plupart des jeux du genre. Une variété qui s’incarne autant par les immenses possibilités de customisation de vos armées et de vos héros que par les affrontements en eux-mêmes, qui composent une bonne partie du jeu (l’aspect gestion économique et exploration restant pour le coup plutôt en retrait).
Principale différence avec Heroes of Might and Magic : les combats proposés par Hero’s Hour ne se déroulent pas sur un damier au tour par tour en vous laissant composer méthodiquement vos actions, mais bien dans un temps réel (certes pausable) où vos unités se jettent sur les troupes adverses et vice versa sans trop vous demander votre avis. Dans un premier temps très déroutants, ces affrontements semi-automatiques s’avèrent en fait de plus en plus intéressants à mesure que vos armées grossissent et que vos héros débloquent des compétences magiques qui vous permettent de renverser le cours de la bataille : téléporter des unités, en ramener d’autres à la vie, empoisonner certaines zones… Plus vous jouez, et plus cette impression de chaos s’ordonne et fait de Hero’s Hour un excellent et très addictif jeu de stratégie. Encore un tour ?
Hero’s Hour a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Hero’s Hour est un peu moche, Hero’s Hour fait des blip blop un peu irritants, mais Hero’s Hour est aussi l’une des propositions stratégiques les plus immersives et les plus subtiles de ce début d’année. Le jeu étonne à chaque partie par la variété du contenu proposé et la profondeur stratégique redoutable qu’il déploie sous des atours minimalistes. Une excellente surprise qui nous rappelle que la meilleure chose qui soit arrivé à la série Heroes of Might and Magic depuis quinze ans est cet hommage qui dépasse son modèle par bien des aspects.
Little Orpheus
Edit : The Chinese Room et Secret Mode ont annoncé repousser la sortie de Little Orpheus en raison des événements actuels. Le jeu est maintenant annoncé pour une sortie au 13 Septembre.
Sorti à l’origine en juin 2020, vous n’avez sans doute jamais joué à Little Orpheus, tout simplement parce qu’il était sur Apple Arcade. Mais la vie est bien faite et le jeu de The Chinese Room, à qui l’on doit notamment Dear Esther et Everybody’s Gone to the Rapture, déboule enfin sur toutes les plateformes du monde (il est probablement même derrière vous, méfiez-vous). Qu’on se le dise tout de suite, c’est une très bonne nouvelle !
Voyage au centre de la Terre
Nous sommes dans les années 60, et alors que les États-Unis cherchent à envoyer un homme sur la Lune, l’URSS, elle, veut envoyer un homme au centre de la Terre pour y découvrir ses secrets. 3 ans plus tard, le camarade Ivan Ivanovitch disparu avec son vaisseau/foreuse marchant au nucléaire, le Little Orpheus, fait enfin son retour, mais sans le vaisseau. De quoi justifier un interrogatoire par le Général pour savoir ce qui lui est arrivé et où est le Little Orpheus. Et c’est ainsi que commence une histoire extraordinaire.
Little Orpheus est un jeu d’action/aventure en 2.5D ultra classique. À l’image de beaucoup de personnalités politiques françaises, vous commencez à gauche de l’écran pour finir à droite, vous sautez de plateforme en plateforme, poussez certaines caisses pour vous aider, activez quelques leviers ouvrant des portes ou descendant des ascenseurs, et fuyez les différents ennemis qui cherchent à vous attraper. Comme je vous le disais donc, c’est très classique et ne vous attendez pas à quelque chose de nouveau niveau gameplay, bien que celui-ci soit réussi et qu’il ait l’intelligence de ne jamais être punitif quand vous faites une erreur. Mais l’intérêt n’est pas là.
Vous savez quel est le point commun entre Little Nightmares 1 et 2, Inside et Limbo (et en réalité la très grande majorité des jeux du genre sortis ces dernières années) ? Au-delà d’être des jeux réussis, ce sont aussi et surtout des jeux extrêmement tristes, qui donnent juste envie d’un câlin réconfortant une fois les crédits déroulés.
Si Little Orpheus reprend les mécaniques de ces jeux, il est à l’autre bout du spectre niveau ambiance. Tout est coloré et respire la bonne humeur. Les décors des neuf niveaux du jeu, qui sont autant d’épisodes d’une série télé avec un générique de début, une durée d’environ 30 minutes et une fin avec cliffhanger haletant, sont variés. On prend plaisir à parcourir une jungle luxuriante avant de plonger au fond de l’océan et de traverser un désert ou les entrailles d’une baleine géante.
Mais la plus grande réussite du titre est sans doute son humour. Le jeu est avant tout un échange entre Ivan et le Général, deux personnages hauts en couleur et aux accents russes dignes d’un Rocky IV. D’un côté, le récit d’Ivan accumule les situations, lieux et monstres invraisemblables. De l’autre, le Général perd un peu plus patience à chaque minute qui passe mais ne peut s’empêcher de vouloir voir jusqu’où cette histoire va aller. Et le jeu a bien compris que cette relation entre Ivan et le Général est un de ses points forts, n’hésitant pas à proposer des moments plus calmes, à simplement avancer au milieu des jolis décors, juste pour pouvoir profiter ce ping-pong continu entre les deux personnages.
Little Orpheus a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu sera bientôt disponible sur Nintendo Switch, PlayStation 4 et 5, Xbox One et Xbox Series.
S’il ne réinvente pas son genre, Little Orpheus réussit tout ce qu’il entreprend. Jamais punitif quand on meurt, son histoire est entrainante, son rythme épisodique donne toujours envie de lancer la suite et de découvrir quels nouveaux mystères attendent notre héros et surtout les dialogues entre Ivan et le Général sont hilarants. Il aurait été dommage de limiter cette belle surprise à l’Apple Arcade.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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