Cette fois-ci dans Partie Rapide, Tritri vous parle de Empire of Sin, XCOM chez les mafieux nuls et Shift de Grindstone, le puzzle game star de l’Apple Arcade, mais sur Switch.
Empire of Sin
Annoncé à l’E3 2019 (vous vous souvenez de l’E3 ? La belle époque, où on pouvait sortir et tout) lors du Nintendo Direct, Empire of Sin se présentait comme un XCOM like à thématique mafieuse. Edité par Paradox et développé par Romero Games (le studio de Brenda et John Romero, que vous connaissez pour des broutilles comme DOOM, l’original, le projet est d’une idée de Brenda qui lui traine dans la tête depuis une vingtaine d’années), le jeu vous propose de gérer votre empire du crime dans le Chicago de la prohibition. Au programme : extorsion, rivalité, guerre des gangs et bagarres dans des entrepôts sombres et autre bordels mal famés.
Tout commence donc à un écran de choix de personnage, le boss que vous incarnerez durant tout le jeu et que vous mènerez à la gloire (ou à la déchéance la plus totale.) Au nombre de 14, ils sont tous caractérisés par des compétences de combat différentes (fun fact : l’une des boss est inspirée de la propre grand-mère de Brenda, criminelle notoire dans le Chicago de l’époque) plus ou moins utiles en fonction des circonstances. Comme toujours lorsque l’on offre ce genre de choix au début d’un jeu que l’on ne connait pas, on choisit plus en fonction du skin que des skills, ne sachant pas trop à quoi correspond quoi, et généralement on se retrouve à mal choisir, louper sa première partie et devoir recommencer. Ce qui m’est arrivé bien évidemment.
Une offre que vous ne pouvez refuser …
Après sélection de votre personnage, vous êtes introduit à son histoire personnelle. Chaque boss en a une différente et elle servira de fil conducteur tout au long de la campagne. Pas nécessairement intéressante, pour ceux que j’ai fait du moins, les cinématiques souffrent en plus d’une animation absolument abyssale, se contentant de deux trois boucles, à peine plus travaillées que des choses que l’on pouvait voir à l’époque PS2. Il aurait été préférable de se contenter peut-être de tableaux fixes plus aboutis plutôt que d’animer des personnages qui semblent sortis d’un point and click pré calculé de 1998. Le doublage est en revanche de facture honorable, insistant un peu peut-être sur les accents des différents personnages, mais soyons honnêtes, ça va avec le contexte et le genre.
Bien évidemment, Empire of Sin ce n’est pas uniquement passer un moment gênant devant des cinématiques. Vous avez un empire du crime à gérer et c’est du boulot. La ville est divisée en quartiers, dont vous devez prendre le contrôle des mains des boss rivaux. Tout commence donc par prendre le contrôle de divers bâtiments : brasseries (l’alcool ne coule pas tout seul), bars clandestins, casinos, bordels, ils seront le coeur de votre empire. Le but est simple : amasser de la moula, améliorer vos bâtiments, piquer les clients des autres boss, et finalement leur chiper leur empire. Avant d’envisager la bagarre vous aurez à votre disposition divers outils diplomatiques : accords de business (à base de bonus de 2%), alliances, guerres communes et j’en passe. Mais bon, il va falloir jouer des flingues au bout d’un moment.
… jouez à XCOM2 plutôt
Et évidemment ça ne se fait pas dans la politesse et la gentillesse de voler l’empire des gens. Arrive donc l’aspect combat tactique au tour par tour. Nous sommes sur du XCOM like pur jus : points d’action, différentes capacités et classes aux prouesses différentes. Votre escouade est composée de gangsters qui ont accepté de vous rejoindre et qui prendront donc une part de tous vos gains, attention à bien équilibrer vos revenus avec vos dépenses de salaires du coup. Au nombre de 5 les classes sont classiques : porte-flingue (distance versatile), docteur (soin), arnaqueur (infiltration et corps-à-corps), expert en explosifs (boom) et brute (fusil à pompe et bagarre). Rien de follement original, les classes sont trop peu différenciées entre elles pour que ce soit réellement intéressant de jouer stratégique et de changer d’escouade en fonction de la situation, d’autant que de multiples perks se retrouvent dans plusieurs classes. Au final on se balade avec une poignée de fidèles qui vous accompagneront durant toute l’aventure et monteront de niveau en même temps que vous.
Passons maintenant aux combats. J’ai dû compter quatre maps. Je rigole à peine. Une pour les entrepôts, une pour les bars, une pour les bordels et une pour les casinos. Et c’est tout. Vous trouverez deux/trois variations d’éléments de décor mais trop peu pour que ce soit réellement intéressant. On est loin des maps aux possibilités tactiques profondes de XCOM (1, oui, voire même l’original si j’étais méchant). Même un Phantom Doctrine offrait plus de possibilité, notamment avec son aspect infiltration qui permettait de tendre des embuscades intéressantes, voire même de finir des missions sans combattre. C’est très décevant. Un jeu du genre à la partie stratégique peu intéressante peut être sauvé par une couche tactique profonde mais ce n’est pas le cas ici où la couche stratégique ET la couche tactique ne sont pas assez intéressantes pour justifier d’y passer des dizaines d’heures. Au bout de deux heures on a fait le tour de ce que le jeu peut vous proposer et on s’ennuie ferme.
Empire of Sin a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Empire of Sin n’est pas bon. Je ne peux même pas dire qu’il y a deux trois bonnes idées étant donné que le jeu n’apporte rien. Le XCOM-like est un genre très difficile. Le maitre en la matière (XCOM 2 War of the Chosen pour les deux qui dorment) étant quasi indépassable, la plupart des titres du genre tentent au moins d’ajouter un twist intéressant (Phoenix Point avec ses ennemis qui évoluent, Phantom Doctrine et la surcouche espionnage et infiltration) pour faire oublier que, bien sûr, ils ne peuvent pas être du niveau de XCOM 2. Mais pas Empire of Sin, le jeu est trop pépère chausson pour être réellement intéressant et on n’a même pas envie de rester pour suivre l’histoire. Dommage.
Grindstone
S’il y a bien quelque chose que l’on ne pourra pas reprocher à Capybara Games, c’est de tourner en rond. Après des escapades diverses dans le jeu d’aventure contemplatif avec Sword & Sworcery, le shooter bourrin en side-scrolling avec Super Time Force Ultra ou la survie avec Below, le studio était parti s’aventurer sur le terrain du puzzle game pour mobile avec Grindstone en septembre 2019, pour se poser dans le catalogue de lancement de l’Apple Arcade. Son arrivée sur Switch le 15 décembre dernier est l’occasion d’enfin comprendre comment ce dernier a pu tenir autant de monde captif du service d’Apple.
Je l’avoue, ma culture vidéoludique possède quelques trous béants, et l’un d’entre eux concerne le jeu sur mobile. J’ai beau posséder un smartphone depuis plusieurs années, j’oublie continuellement qu’il est possible de jouer dessus, et que l’offre et la qualité y sont tout aussi présentes que sur d’autres plateformes. Ce n’est pas du tout le cas de ma copine, qui elle teste un paquet de trucs et me parle des plus sympas ; c’est comme ça que je me suis retrouvé avec le très chouette et reposant Two Dots sur mon téléphone et c’est de cette manière que j’ai entendu parler pour la première fois de l’excellente saga Cube Escape / Rusty Lake. Two Dots, c’est ce genre de petits jeux à la Candy Crush Saga, les fameux match-three, dans lesquels il faut connecter un maximum de symboles de la même couleur pour vider des grilles et faire un maximum de points, et dont les mécaniques se complexifient au gré des nouvelles zones, des nouveaux types de blocs et de contraintes de mouvements.
Un jeu mobile affranchi des limites du genre
Grindstone, c’est globalement la même chose : on remplace les bonbons, les coccinelles ou les petits blocs de couleur par des monstres, et on envoie un barbare à l’air idiot au milieu de tout ça. La même chose, à une différence majeure : l’absence de vies. Les jeux mobiles ont cette tendance à coller un nombre de tentatives limitées – par jour souvent, mais cela peut varier – , un aspect qui s’explique par leur système financier : la plupart étant des free to play, leurs principales façons de gagner de l’argent avec l’appli sont la pub et la vente de vies supplémentaires et autres objets bonus. Grindstone, étant conçu pour faire partie d’un abonnement payant, n’a ainsi pas besoin d’un tel système – même si certains titres de EA ou Activision ne s’encombrent pas de tels états d’âme et collent des bonus et DLC hors de prix dans des titres déjà payants.
Quand on démarre Grindstone, il est ainsi très vite fait de s’engouffrer dans la quantité astronomique de niveaux affichés sans se trouver confronté à la limite de vies et tentatives journalières. Outre l’aventure principale déjà bien garnie, le titre propose son lot de niveaux et objectifs bonus, de zones annexes et de défis quotidiens. Un contenu démentiel qui remplit parfaitement son but : celui de garder les utilisateurs un maximum de temps sur l’Apple Arcade et son système d’abonnement mensuel – bien mieux que pas mal d’aventures narratives comme Jenny LeClue, Sayonara Wild Hearts ou Assemble With Care, qui en plus d’exister sur d’autres plateformes, se terminent assez rapidement. Une considération qui disparaît complètement sur Switch, puisqu’une fois la quinzaine d’euros déboursée, ni vies ni abonnement ni quoi que ce soit reste à payer : vous êtes libres de vous perdre dans les dizaines et dizaines d’heures de Grindstone.
Et ça a fonctionné à fond sur moi. Ça a fonctionné si fort que j’ai dû me forcer à arrêter pour dormir hier soir, que j’ai dû m’obliger à poser la Switch ce midi pour écrire cette Partie Rapide, et que je n’ai qu’une hâte : la terminer pour pouvoir y retourner. Grindstone est certes terriblement addictif de par ses mécaniques et son absence de vies limitées, mais il est surtout très bon. Outre sa plastique parfaite (et fortement inspirée du style de Pendleton Ward) et sa fantastique BO composée par Sam Wesbter, les mécaniques du titre de Capy Games sont parfaitement maîtrisées et s’empilent intelligemment. On part de la connexion toute bête de couleurs, pour arriver à des ennemis nécessitant un nombre d’enchaînements pour être vaincus, à des clés à récupérer, des items à ramasser pour acheter armes, protections et potions, aux ennemis qui s’enfuient au bout d’un certain temps, qui volent les pierres précieuses disposées sur le plateau ou ouvrent un portail vers un autre univers.
Et je voudrais profiter de Grindstone pour faire un mini-plaidoyer en faveur du jeu mobile – et quand bien même j’ai attendu qu’il soit sur Switch pour y toucher. Une frange non-négligeable de joueurs prétentieux considèrent le jeu mobile comme du sous-jeu, voire pas comme du jeu du tout. Les Cube Escape, les Two Dots, les Puzzlerama, The Room et autres Geometry Dash sont de vrais bons jeux et n’ont pas à rougir devant leurs équivalents consoles et PC. À de rares exceptions, des titres tels que Monument Valley ont droit à leur reconnaissance critique en tant qu’œuvre, mais la grosse majorité des titres restent considérés comme des merdouilles à destination des casus, des meufs et des vieux – car quoi qu’on en dise, le problème du sexisme dans le jeu vidéo reste sérieux. Donc non : le jeu mobile n’est pas du sous-jeu. Il y a d’autres façons de jouer que sur un PC Master Race de tes morts et mecs, meufs, vieux et jeunes peuvent jouer à ce qu’ils et elles veulent sur les machines de leur choix, sans être plus ou moins des True G4merz que les autres. Et moi je joue à Grindstone.
Grindstone est un puzzle game astucieux, joli et doté d’une fantastique BO. Son passage sur Switch l’affranchit de l’abonnement jusqu’ici forcé à l’Apple Arcade, tout en le rendant plus lisible et joli grâce à son portage. Pas de scénario grandiose, ni de boucles de gameplay marquantes, mais un contenu très généreux qui s’étoffe toujours plus au fur et à mesure de la progression. Et tant pis si ce n’est qu’une occurrence de plus d’une longue lignée de jeux mobiles : il est tout aussi bon que ses prédécesseurs.
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
follow me :
Articles similaires
Le backlog de TPP : plancton, démons et apocalypse
nov. 07, 2024
Le backlog musical : un crabe, des robots et du pesto
oct. 20, 2024
Le backlog de TPP : licornes, tapis roulants, disparition
oct. 05, 2024