Cette fois-ci dans Partie Rapide, Murray vous parle de Adios, un walking simulator à la ferme, et Shift de If On a Winter’s Night, Four Travelers, la bonne surprise de mars.
Adios
Il y a des jeux qui débarquent sans prévenir et d’une seule image ou d’une seule phrase, vous font craquer. Alors on y joue sans vraiment réfléchir parce que le jeu n’arrive pas à sortir de nos pensées et, en général, il emprunte une voie parmi deux : soit il égale (et même parfois dépasse) nos attentes, soit il devient une vraie déception. Quand j’ai entendu parler d’Adios pour la première fois, c’est son synopsis qui m’a fait craquer tout de suite. Alors, à votre avis, quelle voie a-t-il emprunté ?
Une offre qu’il ne pourra pas accepter…
Adios vous met dans la peau d’un fermier… Comment ça ce n’est pas vendeur ? Non mais attendez j’ai pas fini ! Vous jouez donc un fermier dans la campagne américaine qui a pour habitude d’aider la mafia à se débarrasser des corps indésirables en les donnant à manger à ses cochons. Vous voyez c’est mieux déjà ! En plus, vous avez pris la décision d’arrêter le deal, vous êtes trop vieux pour ces conneries.
Le problème ? On n’arrête pas une relation professionnelle avec la mafia comme ça. Aussi, notre interlocuteur direct, presque un ami après tant d’années à se parler et à nourrir les cochons ensemble, décide de passer la journée avec nous, histoire de nous faire changer d’avis plutôt que d’avoir à nous mettre une balle dans la nuque. Et c’est ainsi que commence cette possible dernière journée, un dernier cadavre en morceau pour la route et quelques tâches quotidiennes dans une ferme tranquille en compagnie d’un homme de main au sourire à la fois amical et menaçant.
Et autant vous dire que la partie narrative du jeu est une réussite. On croit tout de suite à cette relation qui existe depuis plusieurs années entre notre fermier et cet homme de main. Ces deux personnages qui vont passer cette journée ensemble à discuter de tout et de rien tout en enchaînant les activités (traite des chèvres, ball-trap, nourrir un cheval etc), pour éviter de parler du sujet qui fâche, parce que votre résolution semble être solide et son issue inéluctable. Mention spéciale donc aux dialogues, bien écrits, ainsi qu’aux doublages qui arrivent à délivrer l’émotion d’une telle situation (notamment quand on en apprend plus sur le passé familial de notre personnage).
Oui mais voilà il y a un problème au milieu de tout ça. Et plus j’y pense, plus il grossit et occulte le reste. Voyez-vous le jeu se présente comme un walking simulator, mais il est aussi vendu comme un jeu où « la façon dont on répond va déterminer le reste de la vie de notre personnage ». Y aurait-il donc plus d’une fin ? Peut-on voir notre personnage mourir ancré dans ses convictions ou être sauvé par un changement d’avis ? Ou peut-on influencer cet ami/tueur qui semble être attaché à nous ?
La réponse est malheureusement non. Oh bien sûr il y a quelques questions avec plusieurs possibilités de réponse mais cela ne change strictement rien (dans le meilleur des cas, on a droit à des réponses impossibles à choisir mais qui permettent d’en apprendre plus sur ce que notre personnage pense vraiment). C’est d’autant plus dommage que l’histoire elle-même et certains éléments pendant le jeu laissaient à penser que d’autres fins étaient envisageables. D’ailleurs Mischiefs, le développeur, a annoncé que si le jeu se vendait assez bien, une fin alternative pourrait voir le jour.
Soyez donc averti qu’Adios n’est bien qu’un « simple » walking simulator, où les quelques activités à réaliser (assez basiques au demeurant) ne sont en réalité qu’un prétexte pour des discussions entre deux hommes qui s’apprécient mais qui semblent enfermés dans leurs convictions.
Adios a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est aussi disponible sur itch.io et Xbox One X.
J’avais tellement envie d’aimer Adios. Son synopsis et ses dialogues très bien doublés me laissaient croire à une petite pépite surprise. Malheureusement, la déception d’une promesse non tenue d’un choix ayant un impact sur l’histoire est trop forte. Pour une heure de jeu à 15 euros et malgré les qualités narratives de ce titre qui ne se refera que pour débloquer ses succès, ce n’est malheureusement pas suffisant.
If On a Winter’s Night, Four Travelers
Publié en 1979 par l’auteur Italo Calvino (je vous laisse deviner la nationalité), Si par une nuit d’hiver un voyageur est un roman post-moderne composé de réflexions sur le rapport à la lecture – dans une narration à la deuxième personne du singulier mettant en scène le lecteur – et de différents morceaux de fiction (chaque chapitre est le premier chapitre d’un livre différent), dans des styles et genres différents. Lui-même inspiré par le groupe littéraire Oulipo et les écrits de l’auteur et poète Vladimir Nabokov, l’ouvrage aura marqué et influencé les générations suivantes d’artistes, de la structure du Cloud Atlas de David Mitchell à l’album If on a Winter’s Night… de Sting, en passant par le titre qui nous intéresse aujourd’hui : If On A Winter’s Night, Four Travelers.
Le train de la hype
Et c’est de la structure du roman dont s’inspire Dead Idle Games – studio composé du duo Laura Hunt (programmation, écriture et composition) et Thomas Möhring (art et animation) – pour Four Travelers (on va abréger le titre, si vous voulez bien), puisque le jeu se découpe en trois chapitres, racontant chacun la fin d’une histoire différente, aux thématiques et atmosphères variées (ça vous rappelle quelque chose ?) et liées entre elles par son épilogue. Mais l’hérédité s’arrête ici, puisque si le roman variait les styles d’un chapitre à l’autre, et expérimentait d’un point de vue narration, Four Travelers, lui, reste extrêmement classique sur sa forme et constant dans ses mécaniques.
Chaque chapitre présente ainsi une atmosphère, époque et problématique différentes – attention, c’est parfois assez gore, particulièrement dans le troisième chapitre, et toujours plombant – et met en scène un personnage dans une situation dramatique, qui le mènera à sa mort. Wouhou ! L’occasion d’aborder des thèmes particulièrement lourds, du danger qu’implique une relation homosexuelle sous un régime fasciste, du deuil, de la solitude et du déni après le décès d’un·e conjoint·e, de déontologie médicale, d’être une personne racisée dans les années 20, bref, de la grosse éclate. Si, vu la courte durée du titre, ces sujets sont survolés – une heure trente pour approfondir autant de problématiques complexes c’est tendu – ils sont néanmoins traités avec suffisamment de justesse et de sincérité pour qu’on s’implique dans le développement des personnages et que leur traitement dépasse le simple prétexte scénaristique – des titres comme Neurodeck ou The Shattering peuvent en prendre de la graine.
Et heureusement que l’écriture et la mise en scène sont aussi finement ciselées – et servies par un pixel art et des animations à tomber par terre – , car à côté, Four Travelers assure le minimum syndical en termes de gameplay. Le titre s’obstine à être un point & click jusqu’au bout, mais ce choix lui porte plus préjudice qu’autre chose, puisqu’il se retrouve constamment le cul entre les deux chaises de la narration et du gameplay. Pour trouver le bon équilibre, il aurait été bon de soit étoffer l’aspect point & click, en plaçant un peu plus que deux énigmes – qui bien qu’assez basiques, sont plutôt chouettes – , en accélérant la vitesse de marche des personnages – les allers-retours sont fastidieux, d’autant qu’ils sont clairement là uniquement pour s’assurer que personne ne rate le moindre pixel de ces sublimes décors – et en donnant des conséquences ou seulement un impact notable aux choix de dialogues ; soit de s’en passer et d’assumer être un jeu narratif et contemplatif. En l’état, certaines séquences qui auraient pu être de purs moments de mise en scène et de narration environnementale se trouvent plombées par une exploration laborieuse et des objectifs peu clairs.
Si If On A Winter’s Night, Four Travelers pêche du côté gameplay, il reste largement recommandable, grâce à ses différentes atmosphères toutes parfaitement réussies, son pixel art sublime et son approche fine de sujets lourds et importants. Le titre est entièrement gratuit, et se boucle en moins de deux heures : je ne vois sincèrement pas de raisons de passer à côté. Et si, comme beaucoup de gens, vous êtes frustré·e de ne pas pouvoir jeter votre argent au visage du studio, patience, si Four Travelers est voué à rester gratuit, d’autres histoires en DLC sont en préparation.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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