Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali vous parle du FTL-like The Wind and Wilting Blossom qui entame son early access et Shift de The Shattering, un walking simulator sur fond de thriller psychologique.
The Wind and Wilting Blossom
Après quelques années à travailler pour l’industrie du jeu vidéo, Thomas Spradling and Tyler Monroe, deux développeurs de Seattle, ont décidé de se lancer en indés. Le premier jeu de leur studio, The Wind and Wilting Blossom, a un pitch prometteur même s’il tiendrait sur un demi timbre poste : c’est Faster Than Light, mais dans le Japon mythologique médiéval.
Faster Than Light Yagami
Au cas où vous n’auriez jamais eu la chance d’y toucher, Faster Than Light est un titre de 2012 vous mettant aux commandes d’un vaisseau spatial qui devait avancer de cases en cases et lutter pour sa survie au gré de combats et d’événements aléatoires, le tout en étant poursuivi par une sorte de mur qui vous forçait à aller en continu de l’avant. The Wind and the Wilting Blossom, c’est : exactement pareil, mais aux torpilles spatiales et autres envahisseurs aliens se substituent ninjas, samurais, yokais et autres bakemonos du folklore nippon.
Ma première demi-heure sur The Wind and Wilting Blossom m’a fait passer de la peur à la déception, tant mes quelques premiers runs sur le jeu ont été marqués par l’impression de jouer à FTL en moins beau et en moins intéressant. Animations rigides, événements assez inintéressants, difficulté complètement déséquilibrée, j’étais parti pour jeter le jeu contre un mur en lui disant que dans le meilleur des cas, on se reverrait quand il aurait un peu plus de contenu et un peu moins de bugs à proposer. Cependant, le rythme et la générosité auxquels chaque run débloquait de nouvelles possibilités (armes aléatoires, objets magiques, quêtes…) m’a forcé à tenir. Peut-être qu’après ces quelques introductions à la dure, The Wind and Wilting Blossom en avait sous le capot.
Oni soit qui mal y pense
J’ai bien fait de m’accrocher. Déjà parce qu’au système de tactical en semi temps réel de FTL, The Wind and Wilting Blossom substitue une sorte de Tactical RPG qui n’est pas sans rappeler une version simplifiée de Heroes of Might and Magic, référence pour le moins honorable. Sous l’aspect trop minimaliste des premières parties se cachent en réalité pas mal de subtilités, avec une gestion de la météo, des dégâts d’armures et des dégâts physiques, plusieurs systèmes d’armes et de munitions assez complémentaires… le tout sur fond de combats qui ont, je le répète, encore cruellement besoin d’équilibrage, de même que l’économie du jeu (il est un peu frustrant de débloquer sans cesse de nouvelles armes et de ne jamais pouvoir se les payer quand on entre dans des magasins).
De manière évidente, ce début d’early est davantage une jolie note d’intention (FTL avec une dose de combats tactiques) qu’une expérience assez aboutie pour vous faire passer un bon moment. Il manque simplement trop de choses, à commencer par des animations, des effets graphiques, une ambiance musicale moins monotone et une direction artistique un peu plus engageante. Mais vu les promesses de la petite équipe de Picklefeet Games et les correctifs d’ores et déjà apposés par les premiers patchs, on peut imaginer que le jeu gagnera en superbe dans les mois à venir. Vu son faible prix (une dizaine d’euros), le pari est raisonnable.
The Wind and Wilting Blossom a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
En l’état actuel de son développement, The Wind and Wilting Blossom est très très loin du côté magique et addictif de son vénérable ancêtre. Mais de manière évidente, ses développeurs savent ce qu’ils font, et livrent un premier jeu prometteur, dont je suivrai avec grand plaisir les prochaines mises à jour.
The Shattering
Marche à l’ombre
Le walking simulator nouveau est arrivé, et il nous vient de la toute petite équipe tchèque de Super Sexy Software, qui livre ici son tout premier jeu avec The Shattering. Taisons les grognons de suite – c’est de toi que je parle Jean-Action qui laisse des critiques négatives sur Steam car ça ne bouge pas assez – oui, le gameplay de The Shattering se limite à marcher, cliquer pour démarrer une interaction, et suivre l’histoire qu’on nous raconte. Un walking sim donc. Il ne sera pas question ici de remettre en cause la légitimité du genre à être un jeu vidéo sous prétexte d’un gameplay pauvre : le simple fait que le genre puisse raconter quelque chose en tirant parti de l’interactivité et de la spécificité du média enterre le débat. Essayez donc de faire What remains of Edith Finch autrement qu’en jeu vidéo, qu’on rigole.
Mais nous ne sommes pas là pour faire l’éloge du grand frère de Giant Sparrow ou le procès du walking sim, mais pour nous intéresser au thriller psychologique de Super Sexy Software. Du moins est-il présenté et pensé comme cela, ce qui me pose un peu souci. Le jeu se veut comme l’exploration de la psyché de notre personnage, John, au cours d’une séquence d’hypnose, afin de découvrir ce qui a mené à son hospitalisation. Chaque acte de The Shattering nous rapproche ainsi de la vérité et du moment fatidique, en le replongeant dans un de ses – nombreux – traumas. Et attention, à partir de ce moment, Trigger Warning sur beaucoup de choses, car le jeu est un petit best-of de sujets tendus, jugez plutôt. Acte 1 : alcoolisme et tentative de suicide ; Acte 2 : décès des parents et harcèlement scolaire ; Acte 3 : Violence de la recherche d’emploi et du monde du travail. Acte 4 : Rupture amoureuse. Le tout sur fond de dépression et de maladie mentale. Folle ambiance !
Trauma Le Petit Train
Oui bon, c’est très plombant. Ceci étant dit, si certains de ces sujets ont été surexploités dans le jeu indé ces dernières années – la dépression tout particulièrement, parfois avec brio, mais le monde du travail et le harcèlement scolaire commencent également à avoir quelques représentants – d’autres, comme l’alcoolisme ou l’humiliation de la recherche d’emploi restent encore assez peu présents dans la production vidéoludique et mériteraient qu’on s’y attarde. Ce que ne fait pas tellement Super Sexy Software, puisque tous ces sujets ne sont là que pour donner de la consistance et du background à leur personnage. Le sujet de chaque acte était suffisamment dense et important pour en faire un jeu complet, mais aucun d’entre eux n’intéresse particulièrement The Shattering, ils ne sont que des prétextes à l’histoire, pour justifier l’état de John et le twist final.
Dommage, et même pire que dommage, dérangeant, de voir de réels traumatismes, maladies mentales et maux de société utilisés comme simples outils de caractérisation de personnage. Super Sexy Software ne voulait pas parler de troubles particuliers et de ce qu’ils impliquaient, mais voulait des traumas pour son histoire, n’importe lesquels. Fort heureusement, à défaut d’être traités en profondeur, ceux-ci sont au moins traités correctement, puisque l’équipe a travaillé avec un psy, qui les a guidé.es pour que John réagisse aux évènements et les perçoive de la façon la plus crédible possible, ce qui nous mène à la principale qualité du titre : sa mise en scène. Sans forcément s’élever au niveau des cadors du genre, The Shattering a au moins pour lui de nombreuses séquences sacrément efficaces, réussissant parfaitement à nous mettre dans les pompes de John dans ses souvenirs les plus stressants, dérangeants ou effrayants ; tout en étant plutôt limpide sur les objectifs et chemins à suivre dans les différents actes, en privilégiant la grande majorité du temps la narration environnementale et des directives plus visuelles que basées sur le texte et le dialogue.
Malgré un faible intérêt pour son scénario cousu de fil blanc et son twist à deux francs, et surtout en dépit d’un réel traitement des sujets – pourtant graves et dignes d’intérêt – certaines séquences font mouche. Que ce soit le couloir menant à l’entretien d’embauche qui s’allonge à mesure qu’on le parcourt – ledit entretien présenté comme un tribunal -, la narration passant par tout un tas de détails cachés dans les pièces, tiroirs et journaux ou la gestion habile du hors-champ – tantôt cache-misère, tantôt parti pris, mais toujours efficace – les scènes qui fonctionnent sont légions, efficacement épaulées par un doublage et sound design convaincants. Quel dommage que toutes ces scènes bien fichues ne forment qu’un patchwork de traumas sans grand intérêt ni profondeur.
The Shattering a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Malgré la place que prennent ses thématiques, The Shattering ne fait toujours que les effleurer, ne les utilisant que comme prétexte pour ce qui l’intéresse véritablement : son scénario et le mystère entourant le passé de John. Trois/quatre heures de train fantôme assez joli et habilement mis en scène donc, mais sans la moindre profondeur ou réelle considération pour ce qu’il aborde. Certaines très bonnes idées de représentation de l’angoisse ou de la folie auraient mérité un scénario un peu plus ambitieux que ce thriller psychologique assez peu original dans ses rebondissements. Avec The Shattering, Super Sexy Software montre tout son talent à raconter une histoire, espérons seulement que la prochaine soit intéressante.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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