Vous aimez la musique ? Vous aimez les jeux vidéo ? Vous n’aimez ni l’un ni l’autre ? Vous n’aimez rien ni personne ? Vous êtes en train de refaire votre vie grâce au système de protection des témoins après avoir révélé au monde que les raisins secs étaient une fraude ? Dans tous les cas, vous êtes au bon endroit.
Deuxième édition du backlog musical. Le concept reste le même : une sélection de 10 musiques de jeux vidéo pour étoffer vos playlists, vous faire découvrir de nouveaux morceaux ou vous donner une bonne excuse pour réécouter vos préférés. Par contre, on ne va pas traîner parce que j'écris cet article le 24 décembre et je viens de mettre le chapon au four.
The City Must Survive - Frostpunk - Piotr Musial
Lorsque j’ai lancé ma première partie de Frostpunk (6 ans après tout le monde, pour changer), je savais que ça allait être difficile. Premièrement parce que je suis nul en jeux de gestion, mais aussi à cause de la façon dont le jeu s'amuse avec nos principes éthiques. Frostpunk nous propulse dans un monde steampunk post-apocalyptique où nous dirigeons la création d’une ville se développant en périphérie d’un générateur à charbon qui doit la protéger d’un froid létal. Le jeu aurait pu s’arrêter là, mais les équipes de 11 bit studios, sortant de This War Of Mine, n’avaient pas fini de nous torturer avec des dilemmes moraux déchirants pensés pour faire vaciller l'évidence de nos convictions.
À la musique, on retrouve Piotr Musial, à qui il ne manque qu’une lettre pour être un aptonyme. Ce compositeur polonais est on ne peut plus proche du studio, puisqu’il a travaillé pour This War of Mine et vient de signer les musiques de Frostpunk 2. D'ici quelques semaines, on le retrouvera à la bande-son de The Alters, le prochain jeu de 11 bit studios. Après avoir débuté comme orchestrateur sur Bulletstorm (une autre ambiance), il entame un partenariat avec le studio de Varsovie pour leur premier jeu, Anomaly Warzone, avant de devenir leur compositeur attitré. Cela ne l'empêche pas de s'adonner à des travaux parallèles, comme le DLC de The Witcher 3, Blood and Wine, pour lequel il a composé quelques morceaux. Il est intéressant de noter des similitudes entre son style et celui de Marcin Przybyłowicz (compositeur principal sur The Witcher 3) dans l’utilisation des cordes. En plongeant dans sa discographie, si vous cherchez davantage un prolongement de l’ambiance Frostpunk, ses musiques pour Gamedec et The Thaumaturge sont un bon choix. Et pour le découvrir sous un tout autre jour, il vous reste les musiques de Beat Cop.
Good Times - Superliminal - Matt Christensen
Puzzle game sympathique, Superliminal a été l'une des bonnes surprises de 2019. À bien y réfléchir, il est probablement plus difficile de vous expliquer clairement son concept que de résoudre ses énigmes. Imaginez un jeu où le principe de perspective permet de s'amuser avec la taille des objets pour trouver la solution à des puzzles principalement architecturaux. C'est à la fois évident quand on le voit et incroyablement complexe à expliquer verbalement. Fort heureusement, Murray s'était chargé de faire la critique du jeu il y a quelque temps, donc je vais vous renvoyer vers son article pour plus d'informations.
Pour agrémenter ses trois heures de jeu, Superliminal propose une bande-son qui démarre dans une ambiance piano-bar, chill, au chaud. On se commanderait bien un Long Island Ice Tea (même si l'alcool n'est pas bon pour la santé, rappelons-le) juste pour voir le barman s'amuser avec son shaker. Mais, par la suite, la musique du jeu prend un virage légèrement plus anxiogène pour une étonnante bascule d'ambiance. Cet album aux multiples visages, on le doit à Matt Christensen, un compositeur australien, saxophoniste de formation. Si vous avez assisté à des représentations live de Chicago, Dirty Dancing ou The Bodyguard en Australie, vous l'avez probablement déjà entendu. Mais cette probabilité étant faible, il vous reste ses musiques pour Superliminal pour découvrir son travail. À noter qu'il existe deux autres albums en lien avec le jeu, Dr. Glenn's Other Dreams: The Superliminal Sessions qui contient des prises non gardées, et Superliminal: The Lo-Fi Mix, un album de reprises au style lo-fi par le génial 2Mello qui ne devrait pas tarder à faire son apparition dans un backlog musical.
Reynn’s Melody - World of Final Fantasy - Masashi Hamauzu
Malgré un nom presque ronflant, World of Final Fantasy n’a pas marqué les esprits. Avec son style Funko Pop, qui peut s'avérer rédhibitoire, et un rythme catastrophique (à tel point que le jeu lui-même nous propose d’appuyer sur une touche pour vivre ses dialogues et combats en accéléré), il est difficile de le défendre avec énergie. Pourtant, malgré ses erreurs et maladresses, il dégage une bonhomie touchante. Dans ma plaidoirie, je soulignerai qu’il est possible de capturer des ennemis, ce qui ravira les personnes atteintes de collectionnite, et que le concept de pyramide de personnages/monstres pour les combats est novateur et rafraîchissant. Les fans de Final Fantasy seront ravis de voir quelques caméos de personnages emblématiques dans l’aventure, même si cela nuit fortement à l'identité propre du titre.

Côté musical, vous connaissez peut-être Masashi Hamauzu, à qui l’on doit ce morceau. Il est, avec Junya Nakano, celui qui a accompagné Nobuo Uematsu lors de son passage progressif de flambeau en tant que compositeur de la série, démarche amorcée sur Final Fantasy X. Et c’est aussi à lui que l’on doit la couleur musicale de Final Fantasy XIII, dont les prémices pouvaient s’entendre dès 2002 avec son travail sur Unlimited Saga. Si vous avez une oreille un tant soit peu musicale, je vous conseille d’enchaîner les 4 OST dont je viens de vous parler pour engrammer dans votre esprit et reconnaître à l'instinct le style du compositeur. Peut-être reviendrai-je vous parler de lui plus en détail dans un À la compo'.
Sharp Business - Minit - Jukio Kallio
Pour reprendre les termes de Vitaa s'adressant à Diam's dans un instant suspendu de gravité extrême : asseyez-vous, il faut qu'on parle. J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c’est que vous êtes un canard ou quelque chose d’approchant, dans un univers Zelda-like en noir et blanc. La mauvaise, c’est qu’il vous reste une minute à vivre. Mais pas de panique, car vous revenez juste après. Certes à votre point de départ, mais c’est mieux que rien. Pour le reste, vous pouvez compter sur la magie de la boucle temporelle, des raccourcis qui se débloquent, de l’apprentissage du monde dans lequel on évolue, pour obtenir un jeu qui nécessite deux heures pour en voir le bout. Drôle, satisfaisant dans sa progression, et se permettant des piques anticapitalistes (c'est toujours un bon point), Minit est une petite sucrerie que je vous recommande si vous n’y avez jamais goûté.
À la musique, on retrouve Jukio Kallio, dont le travail le plus connu est paradoxalement le moins intéressant (selon moi) : l’OST de Fall Guys. Auparavant, il avait signé quelques merveilles, comme les bandes-son de Nuclear Throne ou Luftrausers. Ces deux jeux ont été développés par le studio indépendant Vlambeer, dont le cofondateur est l’un des quatre créateurs de Minit. Vous comprenez donc comment le compositeur finlandais (même s’il est né au Japon) est arrivé là. Pour en revenir à mon entame de paragraphe, je vous recommande d’aller sur son Bandcamp pour découvrir ses travaux en dehors de Fall Guys, voire du jeu vidéo. Ses albums Kuvankaunis, Pluto et Gardening sont un bon début pour effleurer la multitude d'ambiances qu'il sait créer et communiquer par sa musique.
You, Me, and Other Animals - Planet Zoo - Jim Guthrie
Très peu amateur des jeux de gestion, je me suis surpris à lâcher des dizaines d’heures sur Planet Zoo sans les voir passer. Probablement parce qu’il est incroyablement mignon, mais aussi parce qu’il demande de se renseigner sur chaque espèce animale pour lui créer l’espace le plus adéquat au sein de notre établissement. Et me voilà à lire des informations sur le mode de vie, les préférences alimentaires, la reproduction, l’environnement végétal le plus idoine pour chaque nouvel animal dans mon zoo. Et pour ne rien gâcher, le workshop Steam du jeu regorge de créations de la communauté pour donner un certain cachet à votre zoo malgré votre absence totale de vision architecturale.
Si j’avais choisi n’importe quel autre extrait de la bande sonore du jeu, il aurait été composé par J.J. Ipsen, à qui l'on doit aussi l’OST de Planet Coaster. Mais il a fallu que je prenne la seule musique signée Jim Guthrie. Et, comme son CV me laisse supposer que j’aurai facilement l’occasion de vous parler de lui plus en détail lors d'un prochain backlog, j’aimerais vous présenter Young Mbazo. Connu aussi sous le nom de Thee Legacy, il s’agit d’un groupe spécialisé dans l’isicathamiya, un style de chant a capella provenant des Zoulous d’Afrique du Sud. Centré sur l’harmonie des voix, l’isicathamiya a gagné en popularité hors des terres sud-africaines par le groupe Ladysmith Black Mambazo, fondé par le grand-père de Babuyile Shabalala, fondateur de Young Mbazo, comme ça la boucle est bouclée et vous avez des recommandations d’écoute.
Mimic - Ace Combat 7 - Mitsuhiro Kitadani
Quand Ace Combat 7 est arrivé, 11 ans s’étaient écoulés depuis le 6e opus. Certes, deux jeux PSP, le free-to-play Infinity et Assault Horizon étaient sortis entre-temps, mais aucun d’entre eux n’avait adouci l’attente. Quand il est finalement arrivé, j’étais très loin de chez moi, avec un abonnement internet cher et limité en données. Il m’a fallu cumuler trois abonnements pour le télécharger, pour finalement payer plus cher en forfait internet que pour le jeu. Et je n’ai aucun regret. La série iconique de simulation de combat aérien de Namco, devenu depuis Bandai Namco, qui a débuté sur borne d’arcade en 1993, m’a ressorti la même recette pour la énième fois avec ce jeu, et c’est tout ce que j’en attendais.

Lorsque l’on parle de l’incroyable bande-son d’Ace Combat 7, c’est presque toujours Daredevil qui tire la couverture à lui. Mais il serait vraiment dommage de passer à côté des innombrables pépites qu’elle contient, telles que Dual Wielder, Two Pairs, ADFX-10, Sol Squadron, mais aussi les musiques de ses DLC, comme ce Mimic. Thème d’un combat contre deux boss, Rage et Scream, qu’il rend particulièrement épique, il a la gentillesse de faire la part belle à la batterie et à la basse, mais aussi de nous rappeler que Keiki Kobayashi n’est pas le seul compositeur de l’OST du jeu. Il en est certes le directeur audio, mais l’ambiance musicale du jeu est le travail d’une dizaine de compositeurs et compositrices, dont Mitsuhiro Kitadani, qui signe le morceau qui nous intéresse. Il n’est clairement pas le plus connu dans les crédits audio du jeu et j’ai eu bien du mal à trouver un minimum d’informations sur lui. Des débuts sur Pokken Tournament et PacMan Championship Edition 2, pas mal de compositions pour The Idolmaster, le jeu de management de groupes d’Idoles japonaises, mais aussi sur Daemon X Machina, Tekken 7 et 8. Un CV que l’on retrouve chez beaucoup de compositeurs peu ou pas connus de chez Namco, mais qui n’en sont pas moins talentueux, comme le prouve ce morceau.
Lovely City - Lovely Planet - Calum Bowen
Ne bougez pas, je vais voir où en est la cuisson de mon chapon, et, en attendant, je vous laisse répondre à la question suivante : existe-t-il un terme pour évoquer l’équivalent visuel de la dissonance ludonarrative ? Qui pourrait croire en regardant des images de Lovely Planet et en écoutant son OST que ce jeu est horriblement difficile et intransigeant ? Dans des niveaux très courts, avec une course au meilleur temps, il faut atteindre un point d’arrivée en éliminant les ennemis qui nous tuent en un seul coup. Pas très long, particulièrement rageant, mais ô combien addictif, Lovely Planet n’a pas beaucoup fait parler de lui, et sa très courte suite reprenant le même principe n’y changera malheureusement rien. Souvent à moins de 2€ lors de soldes Steam, il mérite votre curiosité, et peut-être un peu de la santé mentale de Shift lors d'un lundi douleur.
Derrière ce morceau enjoué et entraînant qui poussera vos invités à répondre "Katamari Damacy" dans un blind test, se trouve Calum Bowen, compositeur londonien que vous avez peut-être entendu sur Pikuniku. On lui doit aussi trois morceaux pour Omori dont l’excellent My Time qui pourrait vous surprendre si vous ne l’avez jamais entendu. Quant à l’OST de Lovely Planet, elle est en prix libre sur Bandcamp et, si je n’ai pu vous en partager qu'un seul ici, ses sept morceaux valent le coup.
Art - Immortality - Nainita Desai
Il fallait être un jeu à part pour être mon GOTY l’année de la sortie de Xenoblade Chronicles 3. Et c’est exactement ce qu’est Immortality. Dans ce jeu, vous reconstituez trois films pour découvrir le mystère qui se cache derrière la disparition de l’actrice Marissa Marcel. Pour ce qui est du gameplay et de la critique du jeu, je vous renvoie à l’article de Zali, parce qu'il m'est impossible d'être clair et exhaustif sur ce point en un paragraphe. Mais, entre son côté enquête, le jeu de ses acteurs, l’amour total, passionné et contagieux du cinéma qu’il communique, et ses surprises, je ne pouvais que tomber sous son charme.
Pour la musique, Sam Barlow a fait appel à Nainita Desai qui avait déjà travaillé sur Telling Lies. Outre pour l’intro’ et la conclusion, Nainita Desai a créé trois thèmes pour chacun des films que l’on découvre et reconstitue au fil du jeu. Religion pour Ambrosio, Life pour Minsky, et Art pour Two of Everything. Chacun de ces thèmes existe sous trois formes, Classique, Subverted pour appuyer le côté sombre et torturé des artistes, et Supernatural pour un élément que je m’en voudrais de divulgâcher ici. Discrète en jeu, l’OST nous accompagne parfaitement, sans jamais devenir envahissante, mais, grâce à ses qualités, elle enrichit grandement l’expérience. Ce n’est probablement pas la bande-son la plus adaptée pour une écoute en dehors du jeu, mais je voulais tout de même vous la partager ici. Pour terminer brièvement sur Nainita Desai, sa carrière s’étend bien au-delà du jeu vidéo, notamment du côté du cinéma et de la série télé, avec une discographie aussi riche qu’éclectique sur laquelle il est intéressant de se pencher.
Future - Melatonin - Cademakesmusic
Sorti fin 2022, Melatonin est un jeu de rythme dans sa définition la plus fondamentale. On entend une musique agrémentée de quelques indications sonores et c’est à nous de comprendre sur quel rythme le jeu souhaite que nous appuyions sur un bouton, ou deux. Les indications visuelles, aussi utiles soient-elles en phase de tutoriels, peuvent par la suite devenir des éléments perturbateurs pour nous pousser à jouer au maximum à l’oreille et non pas avec ce que nous montre l’écran. Si vous connaissez les Rhythm Heaven de Nintendo, dont on attend éperdument un nouvel opus, vous connaissez la chanson. Et ce n’est pas un hasard puisque la licence de Nintendo est l’inspiration principale reconnue par le studio Half Asleep Games.

Et, une nouvelle fois, vous allez découvrir que je ne choisis pas les morceaux que je vous partage en fonction de la quantité d’informations qui existe sur leur compositeur ou compositrice, parce que… je n’ai rien trouvé sur Cademakesmusic. Rien du tout. Honte à moi. Mais ça me laisse quelques signes en rab pour vous préciser que Melatonin prend place dans un rêve aux multiples univers où vous allez vous faire balancer des parts de pizza directement dessus, sauter sur des téléphones portables, brûler des photos, tirer sur des extra-terrestres, soulever de la fonte ou jouer au baseball avec des portails dimensionnels. Si avec ça je n’ai pas attisé votre curiosité, j’abandonne.
Battle #5 - Saga Frontier - Kenji Ito
Les nomenclatures et numérotations des JRPG de Squaresoft dans les années 90, c'était un concept. On parle souvent des jeux Mana, mais les jeux Saga, moins connus en Occident, ne sont pas exempts. Pour vous faire un résumé, Saga Frontier a commencé son développement sous le nom Romancing Saga 4, puisqu’il fait suite à Romancing Saga 1, 2 et 3. Sauf qu’il s’agit du 7e jeu de la série Saga, car les trois premiers jeux s’intitulaient Final Fantasy Legend. Mais ce n'étaient pas des jeux Final Fantasy pour autant. J'espère que c'est clair pour tout le monde. Pour ce qui est du jeu, je vais être honnête, je n’y ai jamais joué. Mais si vous voulez découvrir la licence, Romancing Saga 2 a bénéficié d’un remake de qualité en 2024.
Par contre, Kenji Ito, le compositeur derrière ce morceau, je le connais bien. Et je le porte très haut dans mon cœur, parce qu’il a composé les musiques de Mystic Quest (aussi connu sous le nom de Seiken Densetsu ou Final Fantasy Adventure, mais sans être, lui non plus, un jeu Final Fantasy). Et c’est à lui que je dois mon intérêt initial pour la musique de jeu vidéo qui aboutit aujourd’hui à la rédaction de cet article. Rédaction à laquelle je me consacre au lieu de surveiller la cuisson du chapon farci prévu pour Noël. Donc vous pouvez insérer ici le meme avec les dominos de plus en plus gros démarrant par "Kenji Ito compose les musiques de Mystic Quest" et se terminant par "Le chapon farci de Noël de Rifampicine est cramé".

Rifampicine
Je vous dirais bien ce que j'aime comme style de jeux mais ça change toutes les 6 heures. Alors disons que j'aime aussi beaucoup les musiques de jeux vidéo et écrire dessus.
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