Après Mothmen 1966 et Varney Lake, le studio argentin LCB livre un troisième récit horrifique inspiré de la littérature pulp des années 60 à 80. Cette fois-ci, place à la panique satanique des années 80, avec un Bahnsen Knights vous proposant de vous infiltrer dans une secte en 1986, sur fond d'épidémie de tornades incontrôlables.
Il y a comme un effet cumulatif dans les défauts comme dans les qualités de la démarche de LCB, consistant à livrer des histoires assez entremêlées, toutes situées dans une version alternative de l'Amérique, entre les X-Files et les films d'horreur de la Hammer. En effet, chaque jeu qui passe pousse plus loin le délire des précédents, et part entièrement du principe que vous commencez à être pleinement familiarisé avec le ton, l'ambiance, les personnages récurrents de la saga. Pour peu que vous entriez dans ce délire étrange, fiévreux et carrément paranoïaque, c'est parfait. Mais cela a un prix : non seulement les trois jeux de la trilogie sont structurellement semblables au point d'embarquer les exacts mêmes défauts, mais de plus, ils deviennent lentement mais sûrement de plus en plus cryptiques si vous n'avez pas bouclé l'intégrale. Notez que ce n'est pas forcément rédhibitoire, particulièrement quand on parle de jeux vendus à tout petit prix, mais il me semble important de préciser qu'il est assez vain d'attaquer la trilogie Pixel Pulp par ce dernier morceau. Ceci étant dit, Bahnsen Knights, même s'il constitue le maillon faible de la saga, a aussi quelques solides atouts dans sa manche.
Tonnerre mécanique
Comme les autres jeux de la série, il s'agit ici de vous raconter une intrigue particulièrement resserrée et bouclée en moins de deux heures (et encore, en s'attardant sur les moindres détails). Après les hommes-mites et le vampire du multiplex, place aux chauffards fous chasseurs de tornades. Une épopée effectuée à bord de voitures de course tunées, effrayantes et rugissantes sur des routes évidemment dangereuses et désolées. Dans une version alternative de l'Amérique des années 80, la campagne est en effet ravagée par des tornades dévastatrices et visiblement surnaturelles. Les pouvoirs publics sont dépassés au point de céder progressivement localement le pouvoir à des groupes de survivants, favorisant l'émergence de milices et de sectes.
Vous incarnez ici Boulder, un agent infiltré du gouvernement au sein des Chevaliers de Bahnsen, un groupe organisé autour d'un étrange gourou prétendant avoir la capacité de dissiper les tornades via un rituel d'exorcisme. Une infiltration extrêmement difficile et brutale, poussant Boulder aux frontières de la folie. L'intrigue est à l'image de toute la saga : âpre, brutale, fébrile et cryptique. On regrettera donc cependant que, plus encore que Varney Lake, le récit de Bahnsen Knights peine énormément à tenir tout seul debout, ayant très régulièrement besoin des béquilles apportées par les deux autres jeux pour que son intrigue ait du sens.
Pour être clair, il arrive de temps en temps qu'on nous balance à l'écran des éléments relativement incompréhensibles. Rien de très grave qui empêcherait de saisir l'élan général du récit et du destin tragique de l'agent Boulder, mais tout de même, on a l'impression de débarquer à une fête déjà un peu finie. En revanche, l'effet marche parfaitement si vous avez déjà bien en tête les événements des jeux précédents, ce qui, par chance, était mon cas.
Mini-jeux, maxi problèmes
Ce qui m'a un peu moins réjoui, c'est ce que j'avais également bien en tête ces fort laborieux mini-jeux, qui viennent ponctuer plus ou moins chaque chapitre de la trilogie. Jamais bien intéressants, ils sont ici terriblement anecdotiques, voire carrément mal ficelés, et heurtent inutilement le rythme du récit. On se désintéresse ainsi bien vite du jeu de fléchettes quasiment infinissable, du jeu de cartes davantage basé sur le hasard qu'autre chose, ou encore de l'esquive de voiture, particulièrement molle et inintéressante. Seules quelques séquences à base de réflexes ou de décisions à prendre dans l'urgence constituent un petit sursaut d'originalité bienvenu.
Je pense que LCB n'a jamais réussi à tout à fait trouver l'équilibre entre le déroulé d'un récit simple et viscéral et ce supposé impératif vidéoludique qui voudrait que moi, devant ma manette, j'aie en permanence besoin d'être distrait et amusé par des variations de gameplay ou des séquences purement ludiques. C'est d'autant plus dommage que le simple fait d'effectuer des choix et d'explorer une arborescence narrative peut très bien suffire à mobiliser mon attention sur deux ou trois heures. Surtout dans un univers avec une direction artistique si personnelle, enrichie par un pixel art toujours plus beau et maîtrisé.
D'autant plus que l'on parle ici d'un titre proposant un univers dont l'originalité ne fait aucun doute, dans un contexte rarement exploré par le jeu vidéo, à l'exception de curiosités comme Faith: The Unholy Trinity. Mais comme si le studio ne faisait pas entièrement confiance à son seul pixel art et aux fins multiples de son récit lui assurant pourtant une certaine rejouabilité, ils persistent à vouloir stratifier les séquences de gameplay de manière assez artificielle. On notera cependant que la plupart de ces séquences de mini-jeux, à l'exception de celles qui sont liées à des événements précis du visual novel, sont heureusement évitables.
Malgré tout, si on devait tirer un bilan de la Pulp Trilogy, dont il me semble que ce Bahnsen Knights est de loin l'élément le moins convaincant, il demeurerait plutôt positif. Au travers de ces trois jeux, nous aurons eu le plaisir de plonger à bras-le-corps dans une vision cauchemardesque des grands mythes fondateurs de l'Amérique contemporaine. Sans vouloir comparer l'incomparable, je crois que les trois jeux de LCB se sont beaucoup plus approchés de l'esprit de l'œuvre de Stephen King que ne le fera jamais Alan Wake avec toute la meilleure volonté du monde. C'est déjà énorme.
Bahnsen Knights a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch, PlayStation 4 et PlayStation 5.
Constituer l'élément le moins réussi d'une trilogie qui prend tout son sens par sa somme davantage que par ses parties n'est pas du tout déshonorant. Et, ses défauts de cohérence narrative et de mini-jeux mis à part, Bahnsen Knights n'est pas du tout un mauvais jeu. Il me parait néanmoins compliqué de le recommander en tant que porte d'entrée de la Pulp Trilogy, ne serait-ce que parce que commencer par ce volet vous exposerait à des révélations rendant les jeux précédents beaucoup moins mystérieux. Il me semble que LCB souhaite vous faire apprécier le mystère dans l'ordre, aussi je vous recommande chaudement d'attendre d'avoir terminé Mothmen 1966 puis Varney Lake avant de vous intéresser à cet épisode. Ils feront de toute manière office de verdict : si vous avez aimé ces épisodes, vous passerez un bon moment devant celui-ci. Dans le cas contraire, vous n'avez aucune chance d'adhérer à cette singulière proposition.
Les + | Les - |
- Court et intense | - Se repose parfois beaucoup sur les deux jeux précédents |
- Le scénario toujours aussi singulier | - Les mini-jeux ne sont pas terribles |
- Le pixel art très fin | - Quelques moments franchement trop cryptiques |
- Une certaine rejouabilité |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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