Deuxième jeu du projet Pixel Pulps après le très réussi Mothmen 1966, Varney Lake est la nouvelle proposition du studio LCB, revisitant sous forme de visual novels minimalistes les classiques du cinéma et de la littérature horrifique populaire. Après les extraterrestres, les cryptides et les dimensions parallèles, place aux vampires et au southern gothic.
Derrière LCB, on retrouve avant tout un duo argentin composé de l'écrivain Nico Saraintaris et de l'illustrateur Martinez Ruppel. Une paire de créateurs qui embrasse pleinement l'esthétique du cinéma de la Hammer autant que de la pop culture kitsch de l'adolescence américaine des années 80. Le tout baignant dans une paranoïa que ne renieraient pas les grandes fresques conspirationnistes à la X-Files : on nous cache tout, on ne nous dit rien, et tout ce que vous pouvez imaginer en matière d'un gouvernement corrompu envoyant ses hommes en noir effacer toute trace du dernier crash d'OVNI est forcément et fatalement vrai. Et, littérature pulp oblige, tout le petit monde peuplant ces jeux semble accepter beaucoup trop vite et beaucoup trop facilement que leur voisin est un vampire ou que l'homme assis à la table de derrière eux dans le diner est un homme-chèvre. On n'a pas le temps de douter, ici. Varney Lake constitue ainsi une fresque étrange, fiévreuse, parfois à la limite du ridicule, mais livrant un hommage toujours mesuré et équilibré aux patrimoines dont il s'inspire. À quelques mini-jeux pénibles près, tout du moins.
Le lac des morts-vivants
Située sur deux temporalités, l'intrigue de Varney Lake vous plonge au sein de deux époques particulièrement prisées des maîtres de l'horreur : les années 50 réputées heureuses et insouciantes, et les années 80 pluvieuses et sinistrées des années Reagan. La partie du récit située dans les eighties met en scène un écrivain sur le déclin, spécialisé dans le paranormal et contraint de réaliser un gros coup pour ne pas perdre la confiance de son éditeur. Dans un restaurant miteux, notre héros réalise l'interview de deux quadragénaires qui affirment avoir vécu un été tragique vingt-cinq ans plus tôt, autour du lac de Varney.
C'est via une série de flashbacks composant l'essentiel du récit que l'on va donc revivre l'été particulièrement étrange de Doug, Jimmy et Christine, trois adolescents un peu paumés liés par leurs familles dysfonctionnelles et un certain sentiment de solitude. Persécutés par une bande de brutes locales, les trois gamins se réfugient dans une cabane autour du lac et font la connaissance de Liszt, qui est sans aucune ambiguïté un dangereux vampire. Plutôt que de prendre peur, nos trois enfants vont passer une partie de leur été aux côtés de cette figure gothique et inquiétante. Et Varney Lake vend assez rapidement la mèche : l'été en question s'est assez mal passé.
Deux décennies plus tard, Doug n'est plus là, et Jimmy et Christine semblent avoir tout fait pour oublier les étranges événements survenus à l'époque. Au fil du récit, des questions posées par le journaliste et des quelques choix que vous allez effectuer au cours des témoignages, le voile se lève doucement sur une tragédie qui prend lentement une direction assez différente de son simple postulat de base. En moins de deux heures, guère plus qu'il n'en faudrait pour terminer une longue nouvelle, on en a fait le tour, et on en ressort un peu avec le cafard : loin de sublimer les époques qu'il évoque, Varney Lake nous en rappelle les aspects sinistres et tragiques, loin des couleurs fluo et des résolutions heureuses d'un Stranger Things. On est loin de la folie furieuse ahurissante d'un Critters for Sale, mais on tient quand même une histoire assez solide pour apporter sa pierre à l'édifice des récits vampiriques les plus originaux du moment.
Choix cryptiques
Varney Lake est, à bien des titres, un jeu radical, avec ce que cela implique de bonnes et de mauvaises choses. Sans aucune forme de gras, refusant de détailler ou de contextualiser certains éléments, et n'hésitant pas à partir du principe que vous avez déjà terminé Mothmen 1966, situé dans le même univers. Allant presque toujours droit au but, il vous présente des situations parfois brutales en évolution très rapide, au point que l'on a parfois l'impression de courir après le récit davantage que de le découvrir en même temps que ses différents protagonistes. C'est beau, mais c'est rude. Et quelques scènes supplémentaires, particulièrement dans la partie "années 80" n'auraient pas été de trop pour poser le contexte de manière légèrement plus calme.
À ce titre, ce visual novel aurait aussi vraiment pu bénéficier de choix plus tranchés encore, en se concentrant un peu plus sur ses aspects purement textuels et sur une mise en lumière plus claire des embranchements de son récit. On perd finalement pas mal de temps sur des jeux de pêche, de rythme ou de puzzles mathématiques à base d'allumettes, alors qu'on en passe assez peu sur certains choix narratifs dont les enjeux ne sont pas toujours explicités de manière limpide. Certes, Varney Lake est un jeu pensé pour être parcouru au minimum deux fois pour en comprendre tous les tenants et les aboutissants. Mais de ce point de vue, le titre de LCB manque d'options de confort, par exemple d'une arborescence narrative claire une fois le générique de fin atteint pour la première fois.
Tout au long de ma partie, je me suis demandé s'il s'agissait tant que cela d'une aventure pensée pour être jouée de manière indépendante. Bien que le studio affirme que les différents Pixel Pulp fonctionnent très bien tout seuls, il me semble que l'univers imaginé par Saraintaris, ses guerres de cryptides, ses dimensions parallèles et ses hommes-chèvres est davantage pensé comme un grand récit choral. Un récit dont le prometteur Bahnsen Knights, lui aussi attendu pour cette année, offrira une conclusion à cette première trilogie. Il me semble que ce n'est qu'une fois cette trilogie achevée que l'on pourra pleinement apprécier Varney Lake. Pour le moment, il s'agit d'une très chouette nouvelle horrifique, mais qui parait avoir été extraite d'un recueil dont nombre de pages sont pour le moment perdues.
Varney Lake a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5, sur les consoles Xbox et sur Nintendo Switch.
Une belle écriture rehaussée par un magnifique pixel art, parfois il n'en faut pas plus pour passer un bon moment devant son écran. Mais vous savez ce que c'est : il arrive que l'on soit injustement plus dur avec les bons élèves qu'avec les cancres. Je regrette qu'un bon tiers de la courte aventure constituée par Varney Lake se perdre dans des activités fastidieuses (dont un très, très laborieux jeu de pêche) plutôt que dans les embranchements tortueux de son récit d'épouvante. Qu'à cela ne tienne, il s'agit tout de même d'une excellente surprise, vendue à petit prix et qui ravira n'importe quel amateur de récit fantastique populaire et donc d'une chaude recommandation de ma part.
Les + | Les - |
- L'ambiance extrêmement étrange | - Les mini-jeux poussifs |
- Court, mais va droit au but | - Les conséquences de certains choix sont nébuleuses |
- Intrigue plus originale qu'elle n'en a l'air | - Certains éléments sont incompréhensibles si vous n'avez pas fait Mothmen 1966 |
- Le pixel art est incroyable |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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