J’aurais voulu aimer Wolfenstein : Youngblood. Dans l’idée, le concept de pouvoir jouer avec mes amis à un FPS coopératif où l’on peut tuer des nazis joyeusement entre copains sonnait très bien. Mais, la faute à une exécution brouillonne, ce n’est pas le cas.
On reproche souvent aux jeux vidéo, et en particulier aux AAA, de ne pas prendre suffisamment de risques, de s’en tenir à la recette pépère de leurs prédécesseurs dans la licence, ou de pomper celle qui marche chez le voisin. Par exemple les derniers Assassin’s Creed, aussi sympathiques soient-ils, restent tout de même The Witcher 3 mais avec un léger twist assassin (ce qui, pour une licence comme Assassin’s Creed, est une révolution). On peut reprocher beaucoup de choses à Bethesda, mais pas qu’ils empêchent leurs studios d’être créatifs et de prendre des risques avec leurs licences. Comme Machine Games avec Wolfenstein sur ce nouvel opus. Co-réalisé avec l’aide d’Arkane Lyon, Wolfenstein : Youngblood est un mélange radicalement nouveau pour la licence, mais hélas pas forcément réussi.
De la simulation immersive
Les deux premiers Wolfenstein de Machine Games étaient des FPS couloirs linéaires tout ce qu’il y a de plus classique. Leur qualité venait de la maitrise du sujet, d’armes jouissives, et d’un univers bien plus travaillé que le postulat de base, « Et si les nazis avaient gagné la Seconde Guerre », le laissait penser. Mais voilà, Machine Games avait envie de changer la recette, peut-on leur en vouloir ? Non, la prise de risque est importante dans tout art, et on peut au moins leur reconnaitre ça. Les voilà donc partis sur l’idée d’un FPS en coopération dans l’univers de Wolfenstein. Le concept n’a rien de nouveau bien sûr, tous les Halo sont jouables à deux depuis 2001, mais dans le cas de Wolfenstein, c’est inédit. Ils auraient pu s’arrêter là et garder la structure classique du FPS couloir qui a fait le succès des deux précédents opus, et le jeu aurait probablement été très bien. Il n’en est rien et le studio est donc allé voir Arkane Lyon, autre poulain de Bethesda, pour réfléchir avec eux sur quoi apporter à la licence pour la renouveler.
Arkane, leur spécialité c’est la « simulation immersive », ce genre un peu flou issu du studio Looking Glass dans les années 90s avec Ultima Underworld, System Shock, et Thief. Le concept de ce genre vous le connaissez : on donne de nombreux outils au joueur, on le lâche dans un environnement bourré de passages possibles, à lui de choisir son approche. Qu’il s’infiltre, rentre dans le tas, hack, contourne, se batte au corps à corps ou à distance, un joueur de simulation immersive doit s’amuser. C’est probablement l’un des genres les plus complexes à mettre en place, le level design et l’IA doivent être irréprochables, mais aussi l’un des plus satisfaisants à jouer. De nos jours, les modèles de ce genre sont les deux Dishonored d’Arkane Lyon et le Prey d’Arkane Austin. Et ainsi, Machine Games a donc choisi le partenaire le plus audacieux pour développer un spin-off à sa série de FPS. Ils auraient aussi pu aller voir id Software, autre poulain de Bethesda et papa de la licence, mais ils étaient trop occupés à louper Rage 2.
Et de son application
Voilà nos acteurs mis en place, maintenant dressons un petit peu le décor. Wolfenstein : Youngblood se passe dans le Paris des années 80 alternatives occupé par les nazis. Après la libération des Etats-Unis, Blazkowicz s’est enfin posé avec sa femme. Mais du jour au lendemain, il disparait et c’est à vous d’incarner ses deux jumelles pour le retrouver. Donc voilà pour la base. Après un premier niveau tuto dans un zeppelin, qui rappelle les meilleures heures des deux précédents jeux, vous voilà largué, et littéralement largué, dans le Paris occupé du futur du passé alternatif nazi. Tout de suite, on se rend compte que ça ne sera pas la même bête que les précédents : là où avant vous gagniez des points de compétences automatiquement en fonction de votre gameplay (plus vous utilisiez le shotgun par exemple, plus il devenait efficace), vous avez maintenant des points à distribuer comme vous l’entendez. Premier contact difficile pour moi qui n’aime pas qu’on mette du RPG dans tous mes jeux. Si je voulais jouer à un RPG avec des flingues, j’attendrais Cyberpunk 2077 merci, maintenant, c’est par où les nazis à défourailler ?
Ah il faut prendre le métro. En effet Wolfenstein : Youngblood adopte une structure ouverte. Basiquement vous devrez explorer de grandes zones, en effectuant moultes quêtes secondaires nulles, pour débloquer trois « tours » à nettoyer pour retrouver la trace de votre père, le tout relié par le réseau de métro parisien désaffecté occupé par la Résistance. Il faudra donc leveler, donc grinder, car les ennemis ne s’adaptent pas à votre niveau. L’occasion donc pour Bethesda de glisser un bon petit nombre de microtransactions pour augmenter le gain de points de compétences et d’argent, car il n’y a pas de petits profits. Enfin si, car ça gâche le jeu. Encore une fois, quand je joue à Wolfenstein, je ne m’attends pas à faire attention au niveau des ennemis, tout juste je dois me concentrer un petit peu plus sur des nazis un brin plus puissants que la moyenne, mais rien d’insurmontable. On part donc déjà sur une boucle de gameplay frustrante pour moi, qui me donne l’impression de me limiter et de me retenir dans mes désirs de tout péter avec style.
Comme je le disais plus haut, Youngblood s’organise autour de grands niveaux à explorer. Patte Arkane oblige, vous aurez plusieurs approches possibles. La première exploration est très efficace, les niveaux sont grands, et sans être de l’imagination de Dishonored 2, ils restent honorables (vous l’avez ?). Mais voilà : vous y reviendrez. Souvent. Et donc au bout d’un moment le plaisir de la découverte s’efface devant le grind et la réapparition des ennemis, parfois dans la même session. Encore une fois, ça tire la durée de vie artificiellement et il devient très vite ennuyeux de refaire le même niveau pour la 4ème fois pour l’énième mission secondaire nulle, avec les mêmes adversaires, au même endroit, du même niveau. Pareil pour l’amélioration des armes, pas inintéressante, mais qui vous forcera à passer beaucoup trop de temps dans les menus, temps que vous ne passerez pas à dézinguer du nazi.
La collabo…COOPERATION
Dans tout ça on oublierait presque que Wolfenstein : Youngblood reste un jeu en coopération. Pour en profiter au maximum, il vous faudra un copain. Heureusement, pour une fois, Bethesda n’a pas été trop vénal et pour 10€ de plus avec l’édition Deluxe, vous aurez le Buddy Pass, qui permet à un ami qui ne possède pas le jeu d’y jouer avec vous gratuitement dans son intégralité. On aimerait que plus de jeux fassent la même chose. Cette coopération passe également dans le ton : vous incarnez deux sœurs, elles sont donc très liées. Là où ça devient étrange, c’est qu’elles se retrouvent vite à lâcher des vannes en plein combat alors qu’elles n’avaient jamais tué personne avant. On est face à une certaine dissonance narrative, que frôlait les jeux précédents, sans tomber dedans. Dommage car elles ont un certain potentiel en tant que personnages : comment grandir normalement quand vos deux parents sont des héros de la résistance et que la moitié du monde est toujours sous le joug de l’horreur nazi. Dans les faits, la question n’est que très peu abordée et nos deux sœurs sont des machines à tuer qui larguent vannes sur vannes sans se poser de questions. Dommage.
Votre premier choix de coopération sera dès le menu de création de partie entre deux pouvoirs : vous devrez soit prendre l’invisibilité, soit une charge. Bonne idée en apparence mais dans les faits, si vous prenez des talents différents, ça devient vite handicapant : l’invisibilité, du moins au début, se révèle plus utile et empêchera votre compagnon de jeu de profiter au maximum. Les soeurs ont également un bonus, qui permet de buffer son coéquipier pendant quelques secondes. Comme le reste, vous pourrez en débloquer d’autres pendant le jeu, mais on a tendance à l’oublier, surtout en plein milieu du combat. Le jeu s’articule autour d’un système de vies partagées. Dans la pratique, si votre coéquipier est nul, vous serez vite au bord du game over constamment, et il devient rapidement agaçant de courir à droite à gauche pour sauver les miches de votre copain qui a jugé bon d’aller donner un coup de pied dans les fesses de nazis de haut niveau. (NB : il est possible que cette histoire soit vraie, et que le nullos soit moi, et la personne qui doive me supporter soit Fanny) . Globalement, si la coopération est une bonne idée, il aurait été sympathique que Wolfenstein : Youngblood adopte une méthode moins contraignante, et en allégeant la peine en cas d’échec (comme par exemple des checkpoints, pour ne pas avoir à refaire tout le niveau).
Wolfenstein : Youngblood est décevant. Ce n’est bien sûr pas un désastre, le feeling des armes reste exceptionnel, l’univers est toujours aussi bien fichu, mais voilà, à trop vouloir changer la recette, on se retrouve face à un jeu bancal, qui ne maitrise aucun de ses sujets et semble butiner à droite à gauche trop d’idées pour son propre bien. Le grind est réel, que ce soit la volonté de Machine Games, ou une énième tentative de game as service de Bethesda, ça gâche le plaisir dans ce qui aurait dû être un jeu fun à faire avec les copains, qui devient donc une corvée où l’on doit faire des missions secondaires en boucle pour avoir une chance de survivre face aux ennemis éponges à balles de haut niveau. Dommage, en espérant que Machine Games ne retiennent pas que la prise de risque est mauvaise pour le jeu, ce n’est pas le souci, il faut juste le faire intelligemment et avec mesure.
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
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