Allez, mettons un terme à l’avalanche de sel sur ce site, on va parler de Wolfenstein 2, un bon jeu, voire même un indispensable.
Wolfenstein est une série vénérable. Genre encore plus vénérable que DOOM. Il n’est donc qu’à moitié étonnant que ce soit le premier qui ait profité de la générosité de Bethesda et ait eu le droit à une suite/reboot d’excellente facture avec The New Order en 2014. The New Colossus est la suite directe et nous plonge encore plus dans ce monde parallèle où les nazis ont gagné la guerre, avec l’aide de technologies d’une société secrète juive, on appréciera l’ironie. Après l’Europe, nous explorons donc une Amérique conquise, soumise, et qui collabore avec entrain avec l’occupant nazi. Toute ressemblance avec l’actualité ne serait que fortuite.
« Rendre sa grandeur à l’Amérique »
Car soyons clair : le jeu a commencé son développement bien avant que l’abominable homme orange ne commence sa campagne, et bien avant son élection à la Maison Blanche. Mais le fait est qu’en jouant à Wolfenstein 2, en découvrant peu à peu son Amérique nazie qui a parfaitement intégré son occupant et qui est même plus qu’heureuse de donner un statut officiel au KKK, on ne peut s’empêcher de penser à ces derniers mois. Que MachineGames ait effectué des changements de dernière minute, ou alors simple coïncidence, on ne le saura probablement jamais, mais oui Wolfenstein 2, sous ses abords de jeu bourrin, est un jeu qui veut dire des choses. Et dire des choses à l’Amérique, et pas des choses gentilles. Mais avant toute chose parlons un petit peu du jeu et de son gameplay.
Rien de nouveau sous le soleil. Nan vraiment. On garde les bases de The New Order : un FPS nerveux, exigeant, bourrin. Tout juste on peaufine : le dual wield se trouve personnalisable (tu veux un fusil d’assaut dans une main, et un fusil à pompe dans l’autre ? Tu peux), on a plus d’armes lourdes (mention spéciale au laser, mon préféré), et comme dans le premier, ton style de jeu influence la puissance de ton personnage. Pourquoi réinventer la roue alors que les bases sont déjà solides. Mais le premier épisode, malgré toutes ses qualités, avait encore un peu de mal à cacher sa structure en couloir. Eh bien Wolfenstein 2 corrige ceci avec des niveaux beaucoup plus ouverts.
Plusieurs approches s’offrent au joueur, qui invariablement se finiront de toute façon en bain de sang (quoi que l’infiltration pure est possible, bien qu’extrêmement difficile vu le manque de feedback, mais bon, ce n’est pas prévu pour être joué comme ça). La contrepartie c’est que l’on peut se perdre dans ces niveaux, et se retrouver à tourner en rond car on a loupé la porte pour en sortir. Rien de dramatique. Comme dans son aîné on retrouve des phases plus originales, en moins grand nombre tout de même. Mention spéciale au moment où l’on chevauche un PanzerHound avec son lance-flamme. Jouissif vous avez dit ? Oui. Et tout le jeu l’est. Sans être aussi nerveux qu’un DOOM, Wolfenstein 2 est un jeu explosif, rapide, fun, aux gunfights dantesques, et est un plaisir à jouer.
La tête et les jambes
En soi, il n’y a pas grand-chose d’autre à dire sur le gameplay pur de ce jeu. Les différences avec le précédent sont bien trop légères, et si vous l’aviez aimé, foncez jouer à Wolfenstein 2, vous y trouverez votre compte. Là où le jeu brille c’est sur ce qu’il dit. Eh oui, choc et effroi, un FPS peut être intelligent, et celui-ci l’est. Prenons par exemple notre héros : B.J. Blazkowicz. Dans le premier il était l’incarnation du soldat fatigué. Le vétéran qui en a trop vu et qui se retrouve 20 ans plus tard dans le même cauchemar. Mais il était encore entier, au fait de sa puissance, une machine à tuer. Là vous êtes brisé. Littéralement, vu que vous passerez la moitié du jeu à 50% de votre vie, ne tenant debout que grâce à la volonté de vivre du protagoniste, le temps d’offrir un monde meilleur à ses enfants, et aussi grâce à une armure assistée qui est votre seul moyen de vous tenir debout. Après un twist aussi choquant qu’audacieux, B.J. renaît. Il redevient un homme entier, amélioré même. La dissonance entre gameplay et message que je dénonçais dans mon premier dossier s’est évaporée, B.J. a une raison de se battre, plusieurs même. Notons également une plongée saisissante dans le passé de notre héros, aux prises avec un père abusif et une révélation que beaucoup attendaient et qui transforme le massacre de nazis en douce vengeance.
B.J. se bat donc pour ses enfants, mais surtout pour l’Amérique. Pour la sauver des nazis, mais aussi un petit peu d’elle-même. Est-ce un hasard si la résistance est menée par une femme noire ? Non. C’est dit noir sur blanc dans le jeu : ce ne sont pas les blancs qui vont se soulever tout seuls contre l’oppresseur nazi. Pour eux le statu quo n’a que très peu changé. L’Amérique était déjà raciste avant l’arrivée des nazis, la seule différence, c’est que maintenant c’est officiel. Il n’est pas étonnant que ce jeu ait déplu à une certaine frange de joueurs, tant son message consiste à mettre le nez des USA dans son caca. On a beau être dans une dystopie, le message raisonne, et il raisonne d’autant en cette année 2017 où un militant raciste peut foncer dans une foule de manifestants et tuer une femme, provoquant comme seule réaction du Président un vague « Il y a des méchants des deux côtés ». Comme je disais plus haut, je doute que le message soit purement anti-Trump, considérant que le jeu a commencé son développement bien avant l’élection de l’horreur orange. Mais voilà, il est impossible de ne pas voir une métaphore du populisme Trumpien, en particulier dans certaines coupures de presse que l’on peut trouver qui ont tendance à parler avec les mots du Trumpissimo. On est à la limite de dropper un petit « Drain the swamp », et l’on comprend que beaucoup d’américains, en particulier du Middle West, n’étaient que trop contents d’accueillir les nazis pour « rendre sa grandeur à l’Amérique ».
Wolfenstein 2 est un excellent jeu. FPS nerveux, dynamique, exigeant, vous ne sentirez pas passer les 11h (et des brouettes) de la campagne. Bâtissant sur des bases solides, MachineGames nous offre un vrai FPS à l’ancienne, et ça fait du bien. Mais surtout, c’est un jeu intelligent, bien réalisé, et sérieusement bien écrit, qui nous montre une Amérique à la fois différente, mais aussi un petit peu familière. Jouer à Wolfenstein 2 c’est s’amuser, mais aussi parfois réfléchir. Et peu de AAA nous offrent ça de nos jours.
Testé sur PC avec une version fournie par l’éditeur
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
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